Type de document

Expertisesrevues

Année de publication

2012

Langue

Français

Résumé

Les guides sont considérés comme un outil important au niveau du transfert des connaissances. Ils permettent une organisation et une mise en forme opérationnelle des connaissances pour que les milieux puissent se les approprier. Les guides sont un outil de relais, par ailleurs ciblés par l'axe en transfert de connaissances du Réseau de recherche en santé et sécurité au travail du Québec en tant qu'enjeu important voire central en SST. À cet égard, le sujet d'intérêt particulier est l'utilisation et l'appropriation des guides. D'après l'enquête de Laroche (2009), menée auprès de chercheurs canadiens en santé et sécurité au travail (SST), le tiers avait été impliqué au cours des cinq dernières années dans l'élaboration d'un guide.

C'est dans ce contexte qu'a surgi au sein de cette équipe une première question simple : Sait-on ce qu'est un bon guide et comment l'évaluer? Existe-t-il une grille ou des critères d'évaluation qui nous permettraient de poser un premier diagnostic sur un guide ? Les questions corollaires étaient : Que sait-on sur leur utilisation et leur appropriation ? Ont-ils les impacts escomptés ?

Les guides en SST ayant été l'objet de peu de recherches, notre bilan de connaissances s'est rapidement orienté vers d'autres domaines, où rapidement, l'importance des travaux menés en santé s'est imposée. En effet, tant la production de guides de pratique clinique que le nombre de recherches menées sur le sujet ont crû de façon spectaculaire au cours des deux dernières décennies. Nous nous y sommes donc arrêtés, avec pour objectif d'en saisir autant la logique que la cohérence, afin de mieux en comprendre les développements et les questionnements.

Cependant, faire une revue exhaustive des écrits, vu leur ampleur, était irréaliste. Nous avons plutôt opté pour une démarche visant à dégager des points de repère qui pourraient être utiles aux acteurs en SST quant au développement des guides, à leur évaluation et à leur implantation. Deux grands axes de recherche et de développement s'y côtoient et s'entremêlent. Le premier axe est centré sur l'objet lui-même, le guide : comment les développer, les évaluer, les implanter? Le second axe est centré sur son utilisateur : Quel usage en fait-il ? Qu'en pense-t-il? Que recherche-t-il ?

Suite à cette revue des écrits, un premier constat a été l'importance de l'implication des organisations publiques, voire des États, dans le développement des guides, ces derniers voyant les guides de pratique comme une pierre angulaire des politiques de santé. Les guides pourraient en améliorer la performance en favorisant l'implantation de ce qu'on appelle evidence-based medicine, une médecine fondée sur des preuves obtenues de façon rigoureuse. Dans les années qui ont suivi le début de l'élaboration de guides de pratique en santé, des groupes de travail nationaux ont été mis en place - essentiellement dans les pays anglophones - pour statuer et élaborer des règles de développement dont le coeur est le tri et l'évaluation des preuves. En fait, fondamentalement, les guides de pratique sont des regroupements d'énoncés, de directives. En anglais, on parle de clinical pratical guidelines. Cela est compréhensible en santé, mais sans doute moins approprié en SST, où les guides de pratique (et pratiques) ont un sens plus large. Certains organismes internationaux, comme le Bureau International du Travail, commencent cependant à adopter cette perspective de guidelines.

Globalement, le développement des guides de pratique est abordé de façon très méthodologique dans le domaine de la santé, le déroulement de chaque étape étant soigneusement défini.

Cependant, nous n'avons pas trouvé – c'est une critique qui leur est adressée aussi – d'études montrant que les guides de pratique ainsi conçus sont de meilleure qualité. Les études de suivi menées auprès des développeurs de guides de pratique montrent aussi que les règles préconisées ne sont que bien partiellement adoptées, les procédures étant considérées trop lourdes et trop coûteuses à mettre en place. Les guides sont aussi avant tout développés par des professionnels qui en font une spécialité. Cette approche professionnalisante ne nous apparaît pas convenir à la SST.

Quant aux outils d'évaluation des guides développés en santé, ils suivent en fait la même logique ; ils évaluent essentiellement le processus de développement du guide, ou du moins, sa description. L'application de ces outils montre que les guides développés n'y satisfont que bien partiellement. Le reproche précédent signalé demeure : les outils évaluent le processus de développement, ce qui en est décrit en fait, et non la qualité elle-même. Nous n'avons donc pas trouvé de réponse satisfaisante à notre première question : si on ouvre un guide, y a-t-il un instrument qui permette d'évaluer son contenu, sa structure, son organisation, etc ? Ceci dit, les questions posées par ces recherches et les résultats obtenus sont riches d'enseignements pour la SST ; ils nous ont aidés à situer nos propres enjeux et perspectives, qui sont progressivement exposés dans ce rapport.

De façon générale, nos travaux ont révélé que trois grandes critiques sont adressées aux guides (directives) : ils ne prennent pas suffisamment en compte l'ensemble des éléments (ne sont pas suffisamment systémiques) ; ils ne collent pas suffisamment au processus de décision du praticien (ils sont construits sur une logique de résolution de problèmes); ils ne cadrent pas suffisamment avec le fait que chaque patient est une entité spécifique (et non un ensemble ou un patient moyen). Ces critiques remettent en partie en question le processus d'élaboration des connaissances. Les questions soulevées et leurs débats sont tout à fait pertinents au domaine de la SST.

D'autre part, les études menées auprès des utilisateurs montrent que ces derniers souscrivent aux efforts de rationalisation, mais les suivis d'utilisation montrent que les recommandations ne sont pas appliquées au niveau attendu. La raison première n'est pas que les gens n'y adhèrent pas, ni qu'ils les méconnaissent. Ce serait plutôt que les conditions d'application, les contextes et les efforts à investir y font obstacle. Les utilisateurs redoutent aussi toute approche coercitive qui pourrait se substituer à leur jugement. Au vu des efforts investis, ces résultats sont considérés comme décevants. Les études d'impact confirment par ailleurs que les effets attendus n'ont pas été au rendez-vous.

Ceci a amené les chercheurs à se pencher plus sur la question de l'implantation et à chercher à mieux comprendre ce qui fait obstacle ou au contraire favorise l'utilisation des guides de pratique, reconnaissant que trop peu d'efforts avaient été consacrés à cette question. Nous en retenons trois résultats clés: la possibilité de voir (ex. quelqu'un utiliser le guide, ce que cela donne, les bénéfices), de disposer de conditions adéquates (ex. ressources humaines et matérielles, organisation, support) et l'effort à consentir.

Enfin, au niveau de l'implantation, l'ensemble des études menées montre que les moyens passifs comme la diffusion de matériel sont peu efficaces et qu'il faut élaborer un plan d'implantation combinant des moyens. Cependant, aucune des synthèses effectuées sur la question ne met en évidence de moyens ou combinaisons foncièrement efficaces. Les impacts demeurent au mieux modestes. Nous en concluons qu'aucune stratégie d'implantation n'aura de succès si le contenu des guides ne correspond pas suffisamment à leurs conditions d'application.

Il nous apparaît ainsi central d'intégrer les questions d'implantation au processus de développement lui-même, non pas comme une étape finale, mais tout au long du processus. Et bien que l'ensemble des résultats mentionnés montre que statuer sur une méthode d'élaboration ne soit pas un gage de succès, le processus de développement demeure quant à nous une clé importante. Dans ce processus, le coeur devrait cependant en être moins celui de l'identification des preuves à traduire en directives que celui de l'identification des personnes porteuses d'un savoir pertinent aux questions d'implantation. Le rôle déterminant des contextes qui ressort des études nous convainc qu'il doit demeurer au coeur des développements.

Abstract

Practice guides are an important tool for knowledge transfer. They allow knowledge to be organized and put into operational form for use by professionals. They are a relay tool, and they are targeted by the knowledge transfer stream of the Réseau de recherche en santé et sécurité au travail du Québec as an important and even central issue in occupational health and safety (OHS). In this regard, our specific subject of interest is the use and adoption of practice guides. According to a survey conducted by Laroche (2009) on Canadian OHS researchers, a third of the respondents had been involved in the preparation of a practice guide in the last five years.

It was in this context that a first simple question arose within the study team: Do we know what is a high-quality practice guide and how to evaluate it? Are there assessment criteria or grids that would enable us to make a preliminary analysis? And subsequent questions arose: What do we know about the use and adoption of practice guides? Do they achieve the anticipated results?

Since little research has been done on practice guides in the field of OHS, we turned to other fields for our knowledge review and quickly saw the magnitude of the work done in the area of healthcare. Both the production of clinical practice guidelines (CPGs) and the number of studies on the subject have risen spectacularly over the past two decades. We therefore selected that as our focus, with the objective of grasping the logic and coherence for a better understanding of the developments and issues.

However, given the huge volume of literature, it would have been unrealistic to attempt an exhaustive review. We therefore opted for an approach designed to identify benchmarks that could be useful to OHS actors in the development, appraisal and implementation of practice guides. This approach covers two main areas of research and development, which are overlapping to some extent. The first is focused on the CPG itself: how to develop, assess and implement it. The second is focused on end users: How do they use the CPG? What do they think of it? What are they looking for?

A first observation arising from our literature review was the extensive involvement of public-sector organizations, and even governments, in the development of CPGs, since they are seen as a cornerstone of health policy. CPGs have the potential to improve the efficacy of policies by promoting evidence-based medicine. In the initial years when CPGs first started to be developed, national working groups were set up—mainly in English-speaking countries—to decide on and formulate development rules based on the sorting and grading of evidence. Basically, CPGs are collections of statements and recommendations. We speak of clinical practice guidelines (as opposed to guides). This is understandable in healthcare but obviously less appropriate in OHS, where practice guides and practice have a broader meaning. Nevertheless, some international organizations such as the International Labour Office have started adopting the concept of guidelines.

Generally speaking, the development of CPGs is approached very methodically in the healthcare field, and each step is carefully defined.

However, we were unable to find—and this is a criticism—any studies showing that CPGs developed in this way are of better quality. Follow-up studies conducted on developers also showed that they adhere to the rules only in part, as the procedures are considered too cumbersome and too costly to implement. In addition, the guidelines are mostly developed by professionals who make it their specialty—an approach that we do not see as appropriate for OHS.

As for CPG assessment tools, they follow the same logic: they basically evaluate the development process, or at least its description. Application of these tools shows that the CPGs meet the criteria only very partially. The criticism offered above applies here too: the tools evaluate the development process, or rather the description of the process, and not the quality of the CPG itself. We were thus unable to find a satisfactory answer to our first question: when one consults a CPG, is there an instrument for assessing its content, structure, organization, etc.? That being said, the questions brought up in this study and the results obtained offer a wealth of lessons for OHS; they helped us situate our own issues and perspectives, which are progressively laid out in the report.

In general, our work highlighted three main criticisms in connection with CPGs (recommendations): they do not adequately take into account all factors (i.e., they are not systematic enough); they are not adequately aligned with the practitioner's decision-making process (i.e., they are based on a problem-solving logic); and they do not adequately allow for the fact that each patient is a unique person (not a group or an average patient). These criticisms partially call into question the knowledge development process. The questions raised, and the resulting debates, are very relevant to the field of OHS.

In addition, the studies conducted on end users show that users are in favour of streamlining efforts, but the follow-up studies show that the recommendations are not applied to the extent anticipated. The primary reason is not that people don't adhere to the guidelines, or don't know about them. Rather, the barrier lies in the conditions of application, the contexts and the effort to be invested. Users are also wary of any coercion attempting to substitute itself for their own judgment. Given the efforts invested, these results are disappointing. The impact studies confirm that the anticipated effects have not been achieved.

This has led researchers to focus more on implementation and to try to understand what hinders or promotes the use of CPGs, recognizing that too little attention has been given to this question. We retain three key results in this connection: the possibility of seeing (e.g., someone using the guide, and what results or benefits come of it), adequate conditions (e.g., human and material resources, organization, support) and the effort to be invested.

Lastly, in terms of implementation, all the studies show that passive methods such as dissemination are rather ineffectual, and that an implementation plan using a combination of methods is needed. However, none of the studies on this subject yielded any truly effective methods or combination of methods. The impacts remain modest at best. We conclude that no implementation strategy will be successful if CPG content is not sufficiently in line with the conditions of application.

In our view, therefore, it is crucial to incorporate the question of implementation into the development process itself, not at the end but throughout the process. And although the results show that deciding on a method of development is not a guarantee of success, we still see the development process as key. In this process, however, the focus should be less on identifying evidence to be translated into recommendations and more on identifying the people who have important expertise regarding implementation. The decisive role of context shown by the studies convinces us that it must remain central in the development process.

ISBN

9782896316076

Mots-clés

Publication de prévention, Safety literature, Santé et sécurité du travail, Occupational health and safety, Édition de documents, Publishing, Utilisation, Use, Diffusion de l'information, Information dissemination, Guide, Handbook

Numéro de projet IRSST

0099-8880

Numéro de publication IRSST

R-736

Partager

COinS