Type de document
États de la question, rapports d'expertise et revues de littérature
Année de publication
2011
Langue
Français
Résumé
La silice est un des composés inorganiques les plus répandus dans la nature. Sous la forme cristalline du quartz on la retrouve abondamment dans divers minéraux, dont le granite et le sable. Lorsque des matériaux contenant de la silice cristalline sont manipulés, le quartz peut se retrouver sous forme de poussière en suspension dans l’air. L’inhalation de cette poussière par les travailleurs peut causer diverses maladies des voies respiratoires, dont les plus invalidantes sont la silicose et le cancer pulmonaire.
Dans le secteur de la construction, l’exposition professionnelle à la silice cristalline est fréquente dans plusieurs métiers, en raison de sa présence dans de nombreux matériaux manipulés, par exemple le béton, le mortier et la brique, et à cause des procédés mis en œuvre impliquant des opérations telles que le cassage, le meulage ou le sciage. Au Québec, tout comme dans d’autres juridictions, les niveaux d’exposition à la silice cristalline dans le secteur de la construction dépassent encore fréquemment les valeurs limites réglementaires. Plusieurs cas de maladies professionnelles sont indemnisés par la Commission de la santé et de la sécurité du travail dans ce secteur.
Le domaine de la construction est complexe avec une multitude de métiers, de tâches, de matériaux et d’outils pouvant être reliés à l’exposition à la silice cristalline. Les intervenants en santé au travail du Québec ne disposent pas d’un bilan des connaissances qui permettrait de hiérarchiser les actions de prévention en fonction de la réalité québécoise dans ce secteur d’activité. Dresser un tel portrait était l’objectif général de cette recherche, avec comme objectifs plus spécifiques d’identifier les postes et fonctions les plus à risque en fonction de leur niveau d’exposition, d’identifier les divers moyens de maîtrise de l’exposition tout en documentant leur efficacité et d’élaborer une base de données relationnelle sur l’exposition aux poussières de silice, compilant les données de la littérature sous une forme utilisable par des chercheurs ou des intervenants.
Un élément clé de la méthode a consisté en l’élaboration d’une banque de données d’exposition professionnelle à la silice dans la construction, provenant d’une recherche exhaustive des diverses sources documentaires de la littérature scientifique internationale (articles de périodiques, rapports d’organismes publics et privés, banques de données). Une telle banque permet d’associer aux résultats de mesures (niveaux d’exposition) une série de paramètres permettant de les qualifier, lesquels sont reliés aux circonstances de l’exposition et de l’échantillonnage. Cette stratégie a été préférée à la méthode plus classique de revue de littérature, qui consiste à analyser individuellement les données d’articles de périodique et à synthétiser l’information sous forme de tableaux présentant chaque étude séparément, mais qui sont difficiles d’interprétation à cause de leur hétérogénéité. Au total, sur plus de 500 documents recensés, 116 ont été retenus comme contenant des informations pertinentes sur les niveaux d’exposition. Par ailleurs 67 documents portant spécifiquement sur les moyens de maîtrise ont été analysés. La banque de données d’exposition met en relation 4 251 niveaux d’exposition à la silice cristalline respirable avec 76 paramètres incluant notamment le titre d’emploi, la tâche, l’outil, le matériau et le moyen de maîtrise utilisé. L’analyse descriptive des données indique que les titres d’emploi les plus à risque dans la construction peuvent être classés en trois groupes en fonction de leur niveau d’exposition. Les travailleurs souterrains (manœuvre spécialisé, manœuvre pipeline, arpenteur et foreur) ainsi que les opérateurs d’équipement lourd aux commandes de tunneliers forment un premier groupe, exposé nettement au-dessus de la valeur réglementaire du Québec (de deux à quatre fois). Les cimentiers-applicateurs, les briqueteurs-maçons, les foreurs, les manœuvres spécialisés et les opérateurs d’équipement lourd aux commandes de fraiseuses routières représentent un deuxième groupe, exposé en moyenne à des niveaux supérieurs ou proches de la valeur réglementaire. Les manœuvres spécialisés (carreleurs), les manœuvres (journaliers), les opérateurs d’usines fixes et mobiles et les opérateurs d’équipement lourd (autres que les opérateurs de fraiseuses routières et tunneliers) représentent un troisième groupe exposé entre la valeur réglementaire et sa moitié. Les tâches et outils les plus exposants (tous au-dessus de deux fois la valeur réglementaire pendant la durée de la tâche) sont, en ordre décroissant : le sciage de pièces de maçonnerie avec scie portative à maçonnerie, le bouchardage, le cassage de pièces de maçonnerie (marteaux perforateurs-piqueurs sur béton ou céramique), le forage de tunnels (tunnelier) et le meulage de joints de brique/pierre. La recherche bibliographique indique que la substitution de la silice cristalline doit être encouragée lorsque cela est possible, mais qu’elle demeure, la plupart du temps, difficilement envisageable dans le secteur de la construction à cause de sa présence dans plusieurs des matériaux de base utilisés. Les moyens techniques de maîtrise de l’exposition tels que l’arrosage et la ventilation par aspiration à la source, intégrés aux outils, sont bien connus et permettent de diminuer de façon importante la concentration de poussières de silice cristalline dans l’air, avec une efficacité dépassant généralement 90 %. Cependant ces moyens ne permettent pas de se conformer, dans la grande majorité des cas, aux valeurs limites d’exposition des différents pays et organismes, tout en ayant une influence négative sur la performance des opérations. Il est donc recommandé d’améliorer le plus possible l’utilisation de ces moyens techniques et d’appliquer des règles de bonne pratique, par exemple par l’adoption de certaines méthodes de travail permettant d’émettre moins de poussières et par le réglage et l’entretien des outils et des équipements. Il est recommandé d’utiliser, en complémentarité, la protection respiratoire.
Finalement il serait souhaitable que la présente étude soit complétée par l’élaboration de documents de vulgarisation pour les travailleurs et employeurs du secteur, qui cibleraient les moyens de maîtrise disponibles selon les diverses tâches effectuées et les outils utilisés. Par ailleurs, la banque de données d’exposition professionnelle élaborée dans le cadre de ce projet devrait être exploitée de façon plus approfondie par modélisation, afin d’étudier en détail l’influence des multiples paramètres gouvernant l’exposition professionnelle à la silice cristalline dans la construction. Il est également recommandé que soit étendue en deçà de 1990 la période temporelle couverte par la revue de littérature pour rendre l’outil utilisable pour l’évaluation rétrospective de l’exposition à la silice.
Abstract
Silica is one of the most prevalent inorganic compounds found in nature. As crystalline quartz, it is abundant in various minerals, including granite and sand. When materials containing crystalline silica are handled, quartz can be found as suspended dust in the air. If this dust is inhaled by workers, it can cause various respiratory tract diseases, the most serious being silicosis and lung cancer.
In the construction industry, occupational exposure to crystalline silica is common in several trades due not only to its presence in many handled materials, for example concrete, mortar and brick, but also to the processes, involving operations such as breaking, grinding or sawing. In Québec, as in other jurisdictions, the crystalline silica exposure levels in the construction industry still frequently exceed the regulatory limit values. A number of occupational diseases are compensated in this industry in Québec by the Commission de la santé et de la sécurité du travail.
The construction field is complex, with many trades, tasks, materials and tools that can be linked to crystalline silica exposure. Québec occupational health and safety practitioners do not have at their disposal a knowledge review that would allow preventive actions to be ranked in relation to the Québec reality in this activity sector. The production of such a portrait was the general objective of this study, with the more specific objectives being to identify the most hazardous occupations and tasks in relation to their exposure level, and to identify the various means of controlling exposure, while documenting their effectiveness and developing a relational database on silica dust exposure that compiles the literature data in a format that can be used by researchers or practitioners.
One key aspect of the method consisted of developing a database on work-related silica exposure in construction, from an exhaustive search of the international scientific literature (articles from periodicals, reports of public and private organizations, and databases). This database would associate measurement results (exposure levels) with a series of qualifying parameters, linked to the exposure and sampling conditions. This strategy was preferred to the more classic literature review method, which consists of individually analyzing the data from journal articles and synthesizing the information in tables that present each study separately, but which make the diverse data difficult to interpret. In total, of more than 500 documents, 116 were retained because they contained relevant information on exposure levels. Furthermore, 67 documents that dealt specifically with control methods were analyzed. The exposure database associates 4251 respirable crystalline silica exposure levels with 76 parameters, mainly the occupation, task, tool, material and control methods used. The descriptive analysis of the data indicates that the most hazardous occupations in construction can be classified in three groups based on their exposure level. Underground workers (specialized labourers, pipeline labourers, surveyors and drillers) and heavy equipment operators at the controls of tunneling machines make up an initial group, exposed to levels clearly above (two to four times) the Québec regulatory value. Cement finishers, bricklayer-masons, drillers, specialized labourers and heavy equipment operators at the controls of road-milling machines represent a second group, exposed on average to levels above or close to the regulatory value. Specialized labourers (tile setters), unskilled labourers, fixed and mobile machine-tool operators, and heavy equipment operators (other than road-milling machine and tunneling machine operators) represent a third group exposed to levels between 50–100% of the regulatory value. The tasks and tools with the highest exposure (all more than twice the regulatory value during the duration of the task) are, in decreasing order: sawing masonry with a portable masonry saw, bush hammering, breaking pieces of masonry (chipping jackhammers on concrete or ceramic), tunnel boring (tunneling machine), and brick/stone joint grinding (tuck point grinding).
The literature review indicates that crystalline silica substitution must be encouraged when possible, but most of the time is difficult to consider in the construction industry due to its presence in numerous basic materials used. The technical means for controlling exposure, such as spraying and local exhaust ventilation, integrated into the tools, are well known and significantly reduce the concentration of crystalline silica dust in the air, with an efficiency generally exceeding 90%. However, these means do not ensure compliance, in the great majority of cases, with the exposure limit values of the different countries and organizations, and have a negative impact on performance. It is therefore recommended that the use of these technical methods be improved as much as possible, and that good practices be applied, for example by adopting certain work methods that produce less dust and by adjusting and maintaining the tools and equipment. It is recommended that respiratory protection be used in conjunction with these methods.
The present study should ultimately involve the development of plain language documents for this industry’s workers and employers that focus on the available control methods in relation to the various tasks performed and tools used. Furthermore, the occupational exposure database developed in this project should be modeled, in order to study in detail the impact of the many parameters controlling occupational crystalline silica exposure in construction. As well, the time period covered by the literature review should be extended to years prior to 1990 to make the database applicable to the retrospective evaluation of silica exposure.
ISBN
9782896316601
Mots-clés
Silice cristalline, Crystalline silica, Exposition, Exposure, Bâtiment et travaux publics, Construction industry, Poussière respirable, Respirable dust, Critère de risque, Hazard criteria, Matériau de construction, Building material, Machine-outil, Machine tool, Technique de prévention, Safety and health engineering, Base de données, Data base, Québec
Numéro de projet IRSST
0099-7530
Numéro de publication IRSST
R-692
Citation recommandée
Beaudry, C., Dion, C., Gérin, M., Perrault, G., Bégin, D. et Lavoué, J. (2011). Exposition des travailleurs de la construction à la silice cristalline : bilan et analyse de la littérature (Rapport n° R-692). IRSST.