Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2017

Langue

Français

Résumé

L’acouphène est un son perçu sans qu’il soit provoqué par une source sonore externe. Cette sensation auditive anormale, par exemple des bourdonnements, des tintements ou des sifflements, affecte une seule ou les deux oreilles. Elle peut grandement détériorer la qualité de vie et l’aptitude au travail d’une partie importante des personnes ayant une perte auditive. Dans les deux études décrites dans ce rapport, le modèle récent appelé gain auditif central a été utilisé pour intégrer les données normales et pathologiques dans un même cadre conceptuel. En bref, le « gain auditif central » est un mécanisme normal postulé pour expliquer que le système auditif module sa réponse lorsque les conditions acoustiques changent. Par exemple, lors d’une privation auditive, la sensibilité auditive augmente, tandis qu’elle diminue lors d’une stimulation auditive. Ce phénomène a été documenté chez les adultes dont l’audition était normale. Par contre, ce sont principalement les jugements subjectifs d’intensité qui ont été mesurés, laissant entières non seulement la question de l’existence, mais aussi celle de la localisation de ce mécanisme de gain auditif central.

L’objectif de l’étude 1 était de démontrer l’existence du gain auditif central et de le localiser fonctionnellement. Deux groupes d’adultes ayant une audition normale ont porté des bouchons ou des générateurs de bruit pendant une semaine. Ils ont fait l’objet de tests avant et après la privation (bouchons) ou la stimulation (générateurs de bruit) sur une batterie d’évaluation de l’audition contenant des mesures allant de la cochlée jusqu’au cortex auditif. Les résultats démontrent que le système auditif module effectivement sa réponse en fonction des conditions acoustiques (privation ou stimulation, quoique plus modestement sur cette dernière), et que cette modulation s’effectue non pas au niveau périphérique (c’est-à-dire dans la cochlée), mais au sein du cortex auditif, soit au niveau le plus élevé du système auditif. En effet, aucun changement n’est observé en deçà de ce niveau. Ainsi la présence d’une modulation du gain auditif dont l’origine est purement centrale est appuyée par nos données.

L’objectif de l’étude 2 était d’examiner si ce gain auditif central peut être modulé chez des adultes ayant des acouphènes. En effet, chez cette population, il a été proposé que le mécanisme de gain auditif central serait inadapté (c’est-à-dire trop important), et qu’il serait responsable de l’acouphène et de l’hyperacousie, laquelle se définit comme une hypersensibilité auditive. En effet, ce modèle propose que l’acouphène reflèterait une hyperactivité neurale spontanée alors que l’hyperacousie reflèterait une hyperactivité évoquée par les sons externes. En bref, le gain central auditif serait altéré de façon chronique chez les gens avec acouphènes et hyperacousie et constituerait le mécanisme pathophysiologique principal de ces troubles auditifs. Si c’est le cas, un retour à la normale des mécanismes d’adaptation du gain devrait se refléter par une diminution de la sensibilité observable dans les jugements de sonie de même qu’une diminution de l’intensité de l’acouphène. Dans l’étude 2, des participants souffrant d’acouphènes sans perte ou avec perte auditive ont porté des générateurs de bruit pendant trois semaines. Des mesures auditives et psychométriques ont été prises en préintervention, après une semaine de port de générateurs, après trois semaines, de même qu’un mois après la fin de l’intervention.

Nos résultats en laboratoire suggèrent que le port de générateurs de bruit diminue la sensibilité aux sons externes et réduit la sonie de l’acouphène, et cela de façon plus importante dans le groupe sans perte auditive. L’intensité subjective de l’acouphène et le dérangement qu’il occasionne sur la vie quotidienne, tels que mesurés par des échelles visuelles analogues, diminuent également avec le traitement. Ces données préliminaires sont les premières issues d’un examen conjoint de deux tâches différentes (sonie de l’acouphène et fonctions de sonie) qui font appel à une modulation d’intensité (sons externes et acouphène) provenant possiblement d’un mécanisme commun, normal dans un cas et pathologique dans l’autre. Dans l’ensemble, nos données suggèrent que le mécanisme de gain auditif central, présent chez les participants dont l’audition est normale, peut être exploité avec succès pour mesurer objectivement l’amélioration des personnes souffrant d’acouphènes et d’hyperacousie suite au port de générateurs de bruit.

Abstract

Tinnitus is sound perceived in the absence of an external sound source. This abnormal auditory sensation, which can be in the form of buzzing, ringing or whistling, affects one or both ears. For a significant number of people with hearing loss, it can cause considerable deterioration in the quality of life and ability to work. In the two studies described in this report, a recent model, referred to as central auditory gain, has been used to integrate normal and pathological data into the same conceptual framework. It has been speculated that “central auditory gain” is a normal mechanism by which the auditory system modulates its response when acoustic conditions change. For example, auditory sensitivity increases with auditory deprivation, while it decreases with auditory stimulation. This phenomenon has been documented in adults with normal hearing. However, mainly subjective assessments of intensity have been measured, leaving questions about the existence and the localization of this central auditory gain mechanism unaddressed.

The objective of the first study was to demonstrate the existence of central auditory gain and to localize it functionally. Two groups of adults with normal hearing wore earplugs or noise generators for one week. They underwent tests before and after deprivation (earplugs) or stimulation (noise generators) with a hearing assessment battery that included measurements from the cochlea to the auditory cortex. The results demonstrate that the auditory system effectively modulates its response according to acoustic conditions (deprivation or stimulation, although less so for the latter), and that this modulation does not occur at the peripheral level (i.e., in the cochlea), but within the auditory cortex, i.e., in the highest level of the auditory system. In fact, in our study no change was observed below this level. Thus, the presence of auditory gain modulation of purely central origin is supported by our data.

The objective of the second study was to examine whether the central auditory gain could be modulated among adults with tinnitus. In fact, in this population, it has been suggested that the central auditory gain mechanism is maladaptive (in that it overreacts to stimuli), and that it could be responsible for tinnitus and hyperacusis, which are defined as auditory hypersensitivity. The model suggests that tinnitus reflects spontaneous neural hyperactivity, while hyperacusis reflects hyperactivity caused by external sounds. Essentially, the central auditory gain appears to be chronically altered among people with tinnitus and hyperacusis and constitutes the principal pathophysiological mechanism in hearing disorders. If such is the case, a return to normal of the gain adaptation mechanisms should be reflected by a decrease in the sensitivity observed in appraisals of loudness and even a decrease in the intensity of the tinnitus. In the second study, participants with or without hearing loss, and who had tinnitus, used noise generators for three weeks. Auditory and psychometric measurements were taken before the test, after one week of wearing the generators, after three weeks, and then one month after the end of the tests.

Our laboratory results suggest that wearing noise generators decreases sensitivity to external sounds and reduces the loudness of tinnitus. This decrease was more significant in the group without hearing loss. The subjective intensity of the tinnitus and the disturbance that it causes in daily life, as measured by visual analogue scales, also declines with treatment. The preliminary findings are the first resulting from a joint examination of two different tasks (the loudness of tinnitus and loudness functions) that involve a modulation of intensity (external sounds and tinnitus) possibly originating from a common mechanism, normal in one case and pathological in the other. Overall, our data suggest that the central auditory gain mechanism, present among the participants with normal hearing, could be used successfully to objectively measure improvement after the use of noise generators in people suffering from tinnitus and hyperacusis.

ISBN

9782896319558

Mots-clés

Acouphène, Tinnitus, Maintien en emploi, Job maintenance, Hyperacousie, Hyperacousia, Sonie, Loudness, Examen audiométrique, Audiometric test

Numéro de projet IRSST

2013-0033

Numéro de publication IRSST

R-979

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