Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2017

Langue

Français

Résumé

Au Québec, les statistiques de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) indiquent que les déclarations des lésions professionnelles par les jeunes travailleurs ont beaucoup diminué dans la dernière décennie. Certains jeunes demeurent cependant plus vulnérables aux lésions professionnelles, dont ceux qui éprouvent des difficultés d’apprentissage ou d’adaptation. Ces jeunes occupent plus souvent des métiers manuels, ont peu d’expérience et ils peuvent avoir des difficultés particulières de compréhension qui pourraient les fragiliser lors de l’apprentissage d’un métier. Le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) a mis sur pied en 2007-2008 le Parcours de formation axée sur l’emploi (PFAE) s’adressant à ces jeunes, afin de les préparer à intégrer le marché du travail. Il regroupe deux programmes basés sur l’alternance travail-études qui privilégient les stages en entreprise comme modalité d’apprentissage : la Formation menant à l’exercice d’un métier semi-spécialisé (FMS) visant les élèves avec des difficultés d’apprentissage légères à modérées et la Formation préparatoire au travail (FPT) s’adressant à des élèves en plus grande difficulté d’apprentissage ou d’adaptation ou en situation de handicap par rapport aux études ou au travail.

L’enseignant qui supervise les élèves lors de leur stage en entreprise représente une personne pivot. Il accompagne chaque élève dans le choix d’un métier qui corresponde à ses intérêts et capacités, trouve un milieu de stage et négocie l’entente de stage avec l’entreprise. Puis, il soutient l’intégration de l’élève en stage, suit l’évolution de ses apprentissages et évalue l’atteinte du niveau de compétence au terme du stage. Les enseignants utilisent deux principales modalités pédagogiques : les visites de supervision en milieu de stage et des activités réflexives en classe. En vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), un stagiaire du PFAE est considéré comme étant à l’emploi de son établissement scolaire, car il s’agit d’un stage non rémunéré. Si l’élève se blesse au cours de son stage, la responsabilité de l’accident est donc attribuée à son école et non à l’entreprise qui l’accueille. C’est la raison pour laquelle les enseignants-superviseurs de stage doivent notamment s’assurer que les risques à la santé et à la sécurité du travail (SST) présents dans les milieux de stage ne compromettent pas l’apprentissage ou la santé des élèves. Cette étude souhaite explorer la possibilité de développer, pour les enseignants, un outil d’aide à l’évaluation des risques pour la SST, qui soit compatible avec leurs besoins, capacités et contextes multiples de travail.

L’étude vise à :

  1. connaître les conditions de supervision et plus généralement l’activité de travail des enseignants lorsqu’ils rendent visite à leurs élèves dans les entreprises;
  2. déterminer les besoins spécifiques des enseignants-superviseurs de stage pour agir en prévention, en détaillant leur perception de la SST dans les milieux de stage, leur connaissance des risques et des facteurs de risque, ce qu’ils font pour identifier ces risques en entreprise et les actions de prévention qu’ils mettent déjà en œuvre;
  3. connaître la perception des enseignants à l’égard de leur marge de manœuvre et de leur efficacité personnelle pour exercer un rôle en prévention, en particulier pour réaliser des évaluations des risques et évoquer cette question avec les milieux de stage;
  4. décrire les opportunités pour implanter un outil d’aide à l’évaluation des risques du point de vue des entreprises recevant des stagiaires.
  5. recenser, dans les principaux centres de documentation et sites Web d’organismes visant la prévention des lésions professionnelles, les divers outils d’évaluation des risques destinés à l’usage de non-spécialistes

L’étude s’appuie sur des observations réalisées auprès de neuf enseignants lors de leurs visites de supervision en entreprise, des entretiens collectifs avec dix-sept enseignants, des entretiens individuels avec cinq employeurs recevant des élèves en stage et une recension des outils d’évaluation des risques pour la SST destinés à l’usage de non-spécialistes accessibles sur les sites Internet d’organismes de prévention.

Les résultats de la recherche montrent que les enseignants disposent généralement de peu de temps pour réaliser leurs visites de supervision même si la situation varie d’un enseignant à l’autre. La durée et le déroulement de chaque visite dépendent de l’organisation scolaire (nombre d’élèves supervisés, nombre de jours consacrés à la supervision, etc.), de la situation particulière de l’élève, de la disponibilité des interlocuteurs de l’entreprise pour échanger et de la possibilité d’observer l’élève en train de travailler. Par ailleurs, les résultats révèlent que les élèves peuvent faire face à un large éventail de risques liés à la diversité des métiers exercés et des lieux de stage. Les enseignants privilégient la sensibilisation des élèves comme stratégie de prévention, en s’appuyant sur leurs expériences professionnelles et les informations glanées dans des sites Internet dédiés. Ils semblent réticents à interpeller les entreprises au sujet de la prévention, puisqu’ils expliquent avoir des connaissances limitées en matière de SST, ne pas avoir été formés pour traiter cette question et craindre que ce sujet décourage des employeurs qu’ils souhaitent fidéliser dans leur banque de milieux de stage. La possibilité pour les enseignants d’exercer un rôle en prévention est donc directement influencée par la rareté des milieux de stage et par la compréhension que leurs interlocuteurs des entreprises ont du rôle de superviseur.

Au terme de ce projet, il est proposé de concevoir un outil d’aide à l’évaluation des risques en deux parties. Cet outil viserait notamment à rassurer les enseignants en leur permettant d’agir en prévention en toute légitimité. L’outil devrait être constitué :

  1. d’une description concise et illustrée de neuf types de risques pour la SST auxquels les élèves peuvent faire face dans leurs différents métiers afin d’aider les enseignants à identifier la présence de facteurs de risque dans les milieux de stage. Ce document pourra être réalisé en regroupant les informations pertinentes issues des outils répertoriés dans la recension.
  2. d’un guide méthodologique comprenant :
    • une aide pour questionner des employeurs sur les risques et les accidents éventuels;
    • une aide à l’observation pour permettre aux enseignants d’évaluer les risques pour la SST auxquels les élèves sont exposés lorsqu’ils viennent les voir travailler en entreprise. Cette aide à l’observation s’appuiera sur le modèle de la situation de travail centré sur la personne en activité (St-Vincent et al., 2011), ainsi que sur des méthodes utilisées par les ergonomes lors de leurs interventions en entreprise. Concrètement, le guide fournira aux enseignants des informations sur :
      • quoi regarder et à quoi faire attention lors de l’observation d’un élève en action;
      • des méthodes pour négocier leur présence auprès des membres de l’entreprise;
      • des critères pour choisir les meilleurs moments pour réaliser des observations (moments calmes ou pics d’activité) et leurs intérêts respectifs.
    • un répertoire de stratégies mises en œuvre par les enseignants pour interpeller les entreprises lorsqu’une situation dangereuse est identifiée.
Abstract

In Québec, according to statistics from the Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), occupational injury claims filed by young workers have decreased considerably in the past decade. However, certain groups of young people remain more vulnerable to occupational injuries, such as those with learning or adaptation difficulties. These youth often work in manual occupations, have little experience and may have specific comprehension difficulties that could undermine their ability to learn a trade. In 2007–2008, the ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) implemented the “Work-oriented Training Path” (WOPT) for these young people, to prepare them for the labour market. The program consists of two options that follow a work-study approach with an emphasis on workplace traineeships as a way of learning: “Training for a Semiskilled Trade” (TST), for students with slight to moderate learning difficulties, and “Prework Training” (PT), for students with greater learning or adaptation difficulties or who have a learning or work disability.

Teachers who supervise the students during their workplace traineeship play a pivotal role. They assist students in choosing a trade that corresponds to their interests and abilities, find a traineeship workplace and negotiate the traineeship agreement with the company. They then support the students’ integration into the traineeship, follow their learning progression and assess their skill levels at the end of the traineeship. The teachers make use of two key pedagogical practices: supervision visits to the traineeship workplace and reflexive activities in the classroom. According to the Act respecting industrial accidents and occupational diseases, trainees enrolled in the WOTP are considered as being employed by their educational institution, because the traineeships are unpaid. If a student is injured during the traineeship, the responsibility for the accident is attributed to the student’s school and not to the workplace in which he or she was doing the traineeship. For that reason, the traineeship teacher-supervisors must ensure that the occupational health and safety hazards present in the workplace do not compromise the learning or health of the students. The goal of this study is to explore the possibility of developing a tool to help these teachers assess OHS risks that is compatible with their needs, abilities and the multiple contexts of work.

The study has the following objectives:

  1. To ascertain the supervision conditions and, more generally, the work activities of the teachers when they visit their students in their workplaces;
  2. To determine the resources that traineeship teacher-supervisors require to assist them with prevention issues, by detailing their perception of OHS in the traineeship environments, their knowledge of risks and risk factors, what they do to identify hazards in the workplace, and prevention activities that they have implemented;
  3. To gain insight into teachers’ perception of their operational leeway and their personal efficacy to exercise a prevention role, specifically, for carrying out risk assessments and raising the issue in the traineeship environment;
  4. To describe the opportunities for implementing a tool to help in assessing risk from the point of view of the workplaces that receive the trainees;
  5. To identify risk assessment tools for non-specialists from the principle documentation centres and websites of organizations dedicated to preventing occupational injuries.

The study was based on observations of nine teachers during their supervision visits at the workplaces, focus groups with 17 teachers, semi-structured interviews with five employers who received students for traineeships, and a review of the OHS risk assessment tools addressed to non-specialists found on the Internet sites of prevention organizations.

The research findings showed that teachers generally have little time to carry out their supervision visits, although the situation varies from one teacher to another. The duration and format of each visit depends on the school’s organization (number of students supervised, number of days devoted to supervision, etc.), the specific situation of each student, the availability of contact people in the company to discuss the issues and the possibility of observing the student working. Moreover, the findings reveal that students may be faced with a broad range of hazards related to the diversity of the trades and the traineeship environments. Teachers prioritize raising students’ awareness as a prevention strategy, based on their professional experiences and information gleaned from Internet sites focused on the issue. They appear reluctant to challenge businesses about prevention, because they feel that they have limited OHS knowledge, have not been trained to deal with the issue and fear that raising the subject would discourage employers they want to add to their list of traineeship workplaces. The possibility for teachers to exercise a preventive role is thus directly influenced by the scarcity of traineeship locations and by the understanding that their business contacts have of the role of supervisor.

At the end of the project, a two-part risk assessment assistance tool is planned. This tool would also reassure teachers by giving them justifiable reasons to act in matters of prevention. The tool should include the following:

  1. A concise and illustrated description of nine types of OHS hazards that students may face in various trades, to help the teachers identify risk factors in traineeship environments. This document could be developed by compiling relevant information from the tools identified during the documentation and website searches.
  2. A methodological guide that includes the following:
    • Tips to help teachers formulate questions for employers about possible hazards and accident risk;
    • An observation aid to help teachers assess OHS risks that students are exposed to when they go to see them at their workplaces. This observation aid would be based on the human activity self-regulatory process model (St-Vincent et al., 2011), and on methods used by ergonomists during their workplace practice. Concretely, the guide will provide teachers with information about
      • what to look for and what to pay attention to when observing students at work;
      • methods for negotiating their presence with company personnel;
      • criteria for choosing the best times to make their observations (quieter moments or peak periods) and their respective interests.
    • A list of strategies implemented by teachers to challenge companies when a hazardous situation is identified.

ISBN

978896319367

Mots-clés

Jeune travailleur, Young employee, Enseignement professionnel, Vocational education, Superviseur, Supervisor, Organisation de la prévention dans l'entreprise, Plant safety and health organisation, Mauvaise surveillance, Faulty supervision, Enquête par entrevue, Interview survey, Québec

Numéro de projet IRSST

2014-0016

Numéro de publication IRSST

R-968

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