Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
2017
Langue
Français
Résumé
Le technicien ambulancier paramédical (TAP) a comme fonction principale de prodiguer les soins préhospitaliers d’urgence tout en assurant, de façon sécuritaire, le transport du bénéficiaire vers un centre hospitalier. Fondamentalement, son objectif est de réduire au minimum la mortalité et la morbidité des bénéficiaires en minimisant le temps de réponse. De nombreuses études à travers le monde, incluant le Québec, montrent que les TAP ont un taux plus élevé de lésions professionnelles et prennent leur retraite plus tôt que les autres travailleurs de la population y compris ceux du système de santé. Plusieurs TAP quittent leur emploi pour un autre dont les tâches sont moins exigeantes à mesure qu’ils vieillissent. Très peu d’attention a été dirigée sur ce qui se passe réellement sur le terrain lors de situations de travail et les mesures actuelles d’exposition aux facteurs de risque s’avèrent souvent insuffisantes. Ce projet avait donc pour objectif de décrire le contexte de travail des TAP et de quantifier leur exposition aux facteurs de risque de troubles musculosquelettiques.
L’observation de 101 TAP œuvrant dans les régions de Montréal et de Québec durant 175 quarts de travail a permis de documenter les tâches et les multiples scénarios auxquels ils font face au quotidien. L’impact des différents déterminants du travail a été caractérisé, et ceux non favorables, c.-à-d. ceux pouvant induire un déséquilibre entre le bien-être et la santé du TAP et les attentes du travail, ont été identifiés.
Aux prises avec des situations de travail qui ne sont jamais les mêmes, les TAP prennent des décisions s’appuyant sur l’information mise à leur disposition, mais plusieurs éléments du contexte de travail demeurent imprévisibles jusqu’au premier contact avec le bénéficiaire. Les situations de travail ayant nécessité une évacuation en transport urgent ont représenté moins de 10 % des interventions préhospitalières. L’instabilité de l’état de santé du bénéficiaire constitue la pierre angulaire des difficultés du métier, car cela dicte la suite des actions, soit le choix du protocole de soins et de la priorité d’évacuation du bénéficiaire. Ce déterminant est la cause de l’empressement des TAP, notamment dans les situations urgentes, elle est en partie responsable de la charge de travail élevée et des efforts physiques du binôme de TAP. Les soins prodigués aux bénéficiaires, guidés par des protocoles bien définis, représentent les tâches où les mesures d’exposition aux risques de blessure au dos, basées sur des indices posturaux, sont les plus élevées. Les tâches liées au déplacement du bénéficiaire, notamment lors de sa prise en charge totale, se trouvent également au cœur de ces difficultés. Globalement, les TAP de sexe féminin, les TAP avec plusieurs années d’ancienneté et les TAP obèses ont adopté des postures de travail plus sécuritaires que leurs confrères de travail. Dans le contexte d’une évacuation urgente d’un bénéficiaire, les TAP de sexe féminin ont ressenti une forte pression temporelle qui s’est exprimée par une perception de la charge de travail beaucoup plus élevée que celle les hommes. Pourtant, le niveau d’efforts physiques, la durée des tâches et l’état de fatigue étaient similaires entre eux. Les situations de travail en non-urgence ont été vécues différemment pour les TAP ayant plus de 15 années d’expérience. La perception de l’effort physique, de la charge de travail et de la pression temporelle étaient plus importantes que celle perçue par les TAP ayant moins d’ancienneté, quoiqu’à des niveaux relativement bas. Les TAP assignés aux soins sont exposés à des facteurs de risque significativement plus marqués que leurs coéquipiers. Ce résultat est associé à une alternance des rôles à l’intérieur d’un quart de travail après chaque intervention qui aurait nécessité un transport urgent. Considérant que des périodes d’attente suivent généralement chacune des interventions préhospitalières, offrant ainsi un temps de récupération aux travailleurs, et que les situations de travail sollicitant les aptitudes cardio-respiratoires maximales sont très peu fréquentes, la faible capacité aérobie de certains TAP, observée notamment parmi ceux étant obèses, ne représente pas une contrainte majeure de leur travail, bien qu’elle soit non souhaitable. Jusqu’à un certain point, les effets négatifs d’une charge de travail élevée lors des situations nécessitant un transport urgent du bénéficiaire semblent être nuancés par la latitude décisionnelle des TAP alors qu’elle soulève la notion de compromis entre la qualité du service, l’empressement et leur sécurité. Il semble effectivement que la formule « chaque minute compte » véhiculée dans le milieu préhospitalier illustre bien l’urgence de travailler rapidement et l’exigence temporelle élevée qui s’y rattache, alors que « toutes les minutes comptent » en situation non urgente pour assurer une qualité de service qui optimisera le bien-être des usagers.
Ce projet d’envergure a permis de dresser un portrait clair du métier de TAP : les contraintes de leur métier en font un métier à risque qui comporte son lot de difficultés. Les informations colligées dans ce rapport permettront d’enrichir le contenu des formations des futurs TAP et de contribuer à l’application de solutions préventives aux problèmes de santé qui affligent un trop grand nombre de travailleurs en soins préhospitaliers d’urgence.
Note
Un document de sensibilisation vulgarisé (DS-958 (français) et DS-999 (anglais))est également disponible.
Abstract
The primary task of emergency medical technician-paramedics (EMT-P) is to provide prehospital emergency care while ensuring safe transportation of the patient to a hospital. Fundamentally, their objective is to reduce patient mortality and morbidity as much as possible by minimizing response time. Numerous studies throughout the world, including in Québec, show that EMT-Ps have a higher level of employment injuries and take retirement earlier than other workers, including those in the health system. As they get older, many EMT-Ps leave their jobs for another profession with less demanding tasks. Little attention has been paid to what actually takes place on the job and the currently used measurements of exposure to risk factors have often been insufficient. The objective of this project is to describe EMT-Ps’ work context and to quantify their exposure to risk factors for musculoskeletal disorders.
The observation of 101 EMT-Ps working in the regions of Montréal and Québec City over 175 work shifts made it possible to document the tasks and the many different situations that they face every day. The impact of the various work determinants was characterized and those that were adverse, i.e., those that could provoke an imbalance between their well-being and health and work expectations, were identified.
Confronted with ever-changing situations on the job, EMT-Ps make decisions based on the information available to them, but many aspects of the work environment cannot be predicted until their first contact with the patient. Work situations requiring an evacuation by emergency transport represented less than 10% of prehospital interventions. The difficulties faced by EMT-Ps stem from the patients’ unstable health status, because it dictates which actions must be taken, such as choice of treatment protocol and priority of evacuation. This factor explains the haste exhibited by EMT-Ps, especially in emergency situations, and is partially responsible for the high workload and physical efforts of the two-person team. The care provided to patients, guided by well-defined protocols, is the task that comes with the highest risk of back injury, based on postural indexes. The tasks involved in moving patients, especially when they must be lifted and carried, are also among the most difficult. Overall, EMT-Ps who are female, have several years of seniority, or who are obese adopt safer work postures than their coworkers. When carrying out emergency evacuations of patients, female EMT-Ps felt they were very pressed for time, which was expressed by a perception that they were working much harder than the men. However, with respect to physical effort, the task duration and fatigue levels were similar between them. Technicians with more than 15 years of experience perceive non-emergency work situations differently. They feel that the physical effort, workload and time pressure are greater than what is perceived by technicians with less seniority, although the difference was relatively small. The EMT-Ps assigned to providing care to the patient are exposed to much higher risk factors than the other members of their team. This finding was associated with the practice of alternating roles in a work shift after each intervention that required emergency transportation. Waiting periods generally follow each prehospital intervention, which provides the workers with some recovery time. The situations that demand maximum cardiorespiratory aptitude (VO2max) are not very frequent. Therefore, the limited aerobic capacity of some EMT-Ps, observed especially among those who are obese, does not represent a major limitation in their work, although it is undesirable. Up to a certain point, the negative effects of a high workload during situations that require the emergency transportation of a patient appear to be offset somewhat by the decisional latitude of the EMT-Ps. However, it raises the question of whether compromises are made with respect to the quality of service, rapidity and their safety. The adage “each minute counts,” in the prehospital environment illustrates the perceived need to rush and the associated high temporal demand, while “all the minutes count” in a non-emergency situation, to ensure a quality of service that will optimize the well-being of users.
This large-scale project painted a clear portrait of the profession of EMT-P: the demands of the job make it an at-risk occupation with its share of difficulties. The information collected will enhance the training curricula of future EMT-Ps and will contribute to preventing health problems that affect far too many prehospital emergency care workers.
Note
An awareness-raising document (DS-958 (French) and DS-999 (English)) is available.
ISBN
9782896319053
Mots-clés
Sauveteur-secouriste, First-aid attendant, Ambulance, Troubles musculosquelettiques, Musculoskeletal disease, Évaluation du risque, Hazard evaluation, Maux de dos, Backache, Charge physique, Physical workload, Manutention manuelle, Manual handling, Technicien ambulancier, Emergency medical technician
Numéro de projet IRSST
0099-8190
Numéro de publication IRSST
R-944
Citation recommandée
Corbeil, P., Plamondon, A., Tremblay, A., Prairie, J., Larouche, D. et Hegg-Deloye, S. (2017). Mesure de l'exposition du technicien ambulancier paramédical aux facteurs de risque de troubles musculosquelettiques (Rapport n° R-944). IRSST.