Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2016

Langue

Français

Résumé

Au Québec, on dénombrait près de 29 000 exploitations qui procuraient 125 000 emplois à des travailleurs du secteur de la production agricole (2007). Alors que les pesticides ont pour fonction de lutter contre les parasites des cultures, ils peuvent avoir des effets, à court et long termes, sur la santé des producteurs qui y sont exposés, majoritairement par la peau. Leur utilisation est donc encadrée et des mesures de prévention du risque sont proposées, au nombre desquelles les équipements de protection individuelle (ÉPI) jouent un rôle essentiel. Dans un contexte de quasi-absence de données sur les maladies et lésions professionnelles relatives aux agents causaux « pesticides » au Québec, le message de prévention actuel ne donne pas tous les résultats attendus. Ainsi, cette étude pluridisciplinaire présente un état des lieux sur la prévention par les ÉPI utilisés contre les pesticides en agriculture, dresse un portrait des contextes et pratiques de travail de la production de pommes québécoise, et définit une liste préliminaire de pesticides dont il faudrait se protéger, prioritairement dans ce secteur. Des pistes d’action sont finalement suggérées et discutées.

C’est l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) qui pilote l’homologation des pesticides au Canada. L’ARLA réalise une évaluation du risque et décide des mesures de mitigation à mettre en œuvre pour assurer des conditions de travail sécuritaires. Cette évaluation est basée, entre autres, sur l’étude de scénarios d’exposition où l’utilisation d’ÉPI est prise en compte par l’application de facteurs de protection (%) pour chaque type d’équipement. Les recommandations quasi systématiques de port d’ÉPI figurant sur les étiquettes ont force de loi, et leur respect est présumé garant d’un risque acceptable.

Les appareils de protection respiratoire recommandés doivent être certifiés, alors que les équipements de protection cutanée sont décrits de manière générique. Des normes pouvant aider à désigner clairement les vêtements de protection requis et à caractériser un socle minimum de performance existent à travers le monde. La norme CSA Z-16602 sur les vêtements de protection chimique propose une classification selon la nature du risque anticipé, mais leur résistance chimique aux pesticides n’est pas mesurée. La norme ISO 27065, quant à elle, est spécifique aux vêtements de protection contre les pesticides. Elle décrit des vêtements classables selon trois niveaux de performance, que l’on choisit en fonction du risque anticipé pour chaque situation de travail.

La mesure de l’efficacité de protection des vêtements en conditions de travail peut apporter des informations complémentaires aux données tirées de la normalisation. Une vingtaine d’études scientifiques s’y rapportant ont été recensées pour le milieu agricole. Les facteurs de protection mesurés sont compatibles avec ceux escomptés par l’ARLA dans son évaluation du risque, mais la faible quantité de données et la grande variabilité en matière méthodologique et expérimentale, réduisent la portée de la comparaison. Des difficultés ou des lacunes d’origine variée limitent donc la certitude d’avoir atteint l’efficacité de protection attendue des ÉPI.

L’étude menée auprès des producteurs de pommes du Québec a permis de mieux appréhender la réalité de leur métier, et de contextualiser l’état des lieux réalisés. Plus de 500 exploitations, majoritairement de petites tailles, sont recensées au Québec. Les producteurs décrivent une forte pression économique, liée notamment au coût de la terre, des équipements, des arbres et des pesticides. Le contexte environnemental, parasites nouveaux, gels, grêle, concentration et proximité des vergers, s’ajoute à la pression économique. Pour y faire face et assurer un rendement satisfaisant, les producteurs adaptent le type de plantation, les variétés de pommes, expérimentent différentes conduites culturales et recourent aux pesticides.

Depuis une quinzaine d’années, les producteurs voient leur métier évoluer. Une majorité de producteurs expriment leur accord avec les objectifs et les pratiques de la production fruitière intégrée (PFI); de nouveaux insecticides se substituent aux anciens, des molécules présentant de moindres risques sont favorisées, la stratégie de pulvérisation basée notamment sur le dépistage régulier est largement adoptée. Cette implantation est favorisée grâce au soutien apporté par des agronomes du MAPAQ, de clubs techniques ou indépendants, qui sont reconnus comme des intervenants clés appréciés des producteurs.

La pression des ravageurs et les contraintes économiques amènent toutefois les producteurs à privilégier souvent l’usage de pesticides plus efficaces, et moins compatibles avec les objectifs de la PFI. La vente aux grossistes est la stratégie favorisée par une majorité de producteurs, car elle assurerait de meilleurs prix pour les fruits. Le débouché choisi pour la production de pommes et les attentes des consommateurs pour des fruits parfaits pourraient influencer le nombre de pulvérisations. Ce contexte participe à l’exposition des producteurs aux pesticides.

L’analyse exploratoire de l’activité et des situations d’exposition a permis d’identifier également l’aménagement des lieux, la formulation et l’emballage des pesticides, ainsi que la conception des équipements comme des déterminants de l’exposition lors de la préparation de la bouillie et de la pulvérisation. Dans ces situations et d’autres, l’utilisation des ÉPI peut jouer un rôle de protection significatif, mais cette utilisation n’est toutefois pas systématique ou rigoureuse, un résultat maintes fois rapporté dans d’autres études. Les producteurs disent qu’ils n’ont pas assez d’information claire sur le risque lié aux pesticides et sur la meilleure façon de s’en protéger. L’effet combiné de la perception et de l’information sur le risque, ainsi que des contraintes temporelles et financières, s’ajoutent aux lacunes de l’offre des ÉPI.

Finalement, il apparaît que de nombreuses mesures peuvent être proposées pour améliorer la prévention du risque lié aux pesticides dans le milieu agricole, et en particulier, chez les producteurs de pommes. Des efforts de sensibilisation, déployés auprès de ces derniers, par la formation notamment, pourraient les convaincre de la nécessité d’adopter une approche systématique et rigoureuse de protection de leur santé présente et future. Des efforts concertés des institutions concernées et des milieux agricole et scientifique peuvent soutenir les efforts des producteurs en ce qui a trait à la réduction de l’utilisation des pesticides. Une liste préliminaire de pesticides, obtenue grâce aux indices de risque construits dans cette étude pour les produits les plus utilisés par les producteurs, peut contribuer à l’orientation des efforts en prévention et en recherche. La normalisation et une meilleure conception des équipements utilisés par les producteurs devraient favoriser une réduction de l’exposition. Concernant les ÉPI, enfin, une désignation claire des équipements recommandés sur l’étiquette accompagnant les pesticides, ainsi qu’une meilleure caractérisation de leurs performances, sont souhaitables. La formation et l’information requises sur les ÉPI devraient également être élaborées de manière concertée par les parties prenantes et diffusées par un réseau d’intervenants clés, ayant la confiance des producteurs.

Abstract

There are close to 29,000 farm operations in Québec, and they employ some 125,000 farm workers (2007). Pesticides are used on these farms to control crop pests, but they can have short-term as well as long-term health effects on farm workers exposed to them, mainly through the skin. Pesticide use is thus controlled and risk prevention measures are recommended. Personal protective equipment (PPE) plays a key role in reducing the risks of exposure. Because of the lack of data on occupational illnesses and injuries caused by pesticides in Québec, however, the current prevention message is not getting across. This multidisciplinary study presents a status report on the use of personal protective equipment (PPE) to shield workers from agricultural pesticides, describes the contexts and practices of pesticide use in Québec’s apple industry and offers a preliminary priority list of the top pesticides necessitating protective measures. Possible courses of action are also suggested and discussed.

In Canada, the Pest Management Regulatory Agency (PMRA) is responsible for pesticide regulation. The PMRA carries out risk assessments and determines the mitigation measures necessary to ensure safe working conditions. The assessments are based on studies of exposure scenarios in which PPE use is considered by applying a protection factor (%) for each type of equipment. PPE use recommendations, which appear on virtually all pesticide labels, have the force of law and compliance is supposed to guarantee an acceptable risk.

Recommended respiratory protective equipment must be certified, but skin protective equipment is described generically. Standards that can help to clearly identify protective clothing needed and give minimum performance requirements exist throughout the world. CSA standard Z16602 on chemical protective clothing suggests a classification system based on the nature of the potential risk, but chemical resistance to pesticides is not considered. ISO standard 27065 specifically addresses protective clothing for application of pesticides, defining performance requirements for three levels of protective clothing, which can then be selected according to the potential risk in a given situation.

Measurements of the protective efficacy of clothing under real working conditions can supplement the information provided in standards. About 20 scientific studies of protective clothing used in the agricultural sector were identified. The protection factors measured are comparable to those applied by the PMRA in its risk assessments, but the reliability of the comparisons is undermined by the small amount of data available, the substantial methodological and experimental variability of the studies and various difficulties or shortcomings that make it impossible to be certain that the anticipated protective efficacy of the PPE is attained.

This study of Québec apple growers provided a better understanding of the realities of the industry and made it possible to contextualize the findings of the status report. More than 500 apple-growing operations, most of them small, were identified in Québec. The growers report strong economic pressure, stemming in particular from the cost of land, equipment, trees and pesticides. Environmental issues, new parasites, frost, hail, and the concentration and proximity of the orchards are additional challenges. To deal with these and ensure an adequate return, growers experiment with different types of plantations, apple varieties, tree training practices and pesticides.

Apple producers have witnessed changes in the industry over the past 15 years. Most expressed agreement with the objectives and practices of integrated fruit production (IFP): new insecticides are replacing older ones, with preference given to lower-risk pesticides, and an application strategy based on regular monitoring has been widely adopted. These changes have been supported by independent agronomists as well as agronomists from Québec’s ministry of agriculture, fisheries and food (MAPAQ) and from technical clubs—key stakeholders whose opinions are valued by growers.

Economic constraints and pressure from pests, however, sometimes lead growers to choose the pesticides that are most effective—and less compatible with IFP goals. Most growers prefer selling to wholesalers, because that is how they get the best prices for their fruit. This, coupled with consumer demand for “perfect” fruit, can affect the number of applications and contribute to apple-grower exposure to pesticides.

An exploratory analysis of farm operations and exposure situations has also demonstrated that site layout, pesticide formulation and packaging, and equipment design determine exposure when mixing and applying pest control products. In these situations and others, PPE can play a significant role in protecting against exposure, but it is not always used, or used correctly—as repeatedly reported in other studies. Growers say there is not enough clear information about the risks of pesticides or the best methods of protection against them. Perception of the risk and lack of information about it, coupled with time and financial constraints, are additional factors in the failure to systematically use PPE.

A variety of measures can be suggested for better prevention against pesticide-related risks in agriculture, specifically among apple growers. Initiatives to raise awareness among apple producers, through training, for example, could help to convince them of the need for a systematic and rigorous approach to the protection of their current and future health. Concerted efforts by concerned institutions and the agricultural and scientific communities could support growers’ efforts to reduce pesticide use. A preliminary list of pesticides, based on risk indices developed in this study for the products most commonly used by apple growers, may help guide prevention and research efforts. Standardization and better design of equipment used by growers could help to reduce exposure. In addition, clear identification of recommended PPE on pesticide labels and better characterization of PPE performance would be worthwhile. Also, the necessary PPE training and information should be jointly developed by stakeholders and disseminated through a network of key partners trusted by growers.

ISBN

9782896319022

Mots-clés

Arboriculture, Pesticide, Équipement de protection individuelle, Personal protective equipment, Travaux agricoles, Agriculture operation, Évaluation du risque, Hazard evaluation, Organisation de la prévention dans l'entreprise, Plant safety and health organisation, Relation profession-maladie, Occupation-disease relation

Numéro de projet IRSST

2012-0039

Numéro de publication IRSST

R-941

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