Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
2015
Langue
Français
Résumé
L’Approche relationnelle de soins (ARS) est une pratique de soins que l’ASSTSAS implante depuis une dizaine d’années dans les établissements de soins de longue durée par le biais d’une formation de formateurs et qui vise autant la qualité des services aux résidents que la santé au travail des soignants. Cette recherche est exploratoire - il s’agit de la première étude portant sur l’ARS - et collaborative de par le partenariat établi avec un organisme décideur (ASSTSAS), les 17 établissements de soins de longue durée (SLD) ayant participé à la recherche et le Comité conseil-relais qui en a encadré le déroulement, validé les résultats en plus d’en assurer une certaine diffusion.
Dans une première phase qui concerne les projets d’implantation de l’ARS déjà réalisés, trois études ont été menées. 1) Une analyse de questionnaires remplis par des soignants (n=392) un mois après leur participation à la formation à l’ARS, montre qu’ils perçoivent les principes et techniques enseignés comme étant utiles bien que certains éléments leur paraissent difficiles à intégrer dans la pratique. Le soutien du collectif de travail ressort comme un élément clé du transfert des apprentissages dans les situations de soins. 2) Une enquête réalisée auprès de 17 informateurs clés provenant d’autant d’établissements et représentant quelque 70 installations où l’ARS a été implantée, montre que : l’approche a été déployée après la formation de base donnée par l’ASSTSAS dans tous les établissements et qu’elle est considérée comme étant toujours vivante dans 14 d’entre eux; sa mise en œuvre dans les situations de soins est estimée pour la majorité entre 5 et 7 (médiane à 6) sur une échelle de 10 ; lorsque mise en œuvre, la perception de l’impact de l’ARS est positive, tant sur les soignants que sur les résidents. 3) Une analyse de groupes de discussion focalisée auxquels ont participé 32 acteurs (conseillers, cadres, chargés de projet, soignants-formateurs, soignants formés) provenant de neuf établissements où l’ARS a été implantée, a permis d’élaborer un modèle des facteurs d’influence comportant un niveau micro (dyade soignant-soigné), méso (collectif, unité de soins, établissement) et macro (environnement sociopolitique et économique).
Une deuxième phase de la recherche consiste à analyser le déroulement en temps réel d’un projet d’implantation dans un établissement, en s’appuyant sur l’activité du conseiller qui l’accompagne et sur le point de vue des acteurs internes, recueillis à deux moments du processus d’implantation. Elle révèle les difficultés rencontrées par les acteurs internes tant dans l’organisation des formations que dans le suivi nécessaire au maintien de l’approche, et illustre les stratégies déployées pour y faire face. L’étude montre également que le contexte, notamment les changements apportés à l’organisation des soins et du travail, est une source de difficultés pour l’implantation.
La troisième phase de la recherche concerne la mise en œuvre de l’ARS par les soignants en situation de travail et comporte deux études. 1) Une analyse ergonomique du travail comportant des observations et entretiens (115 heures), réalisée dans sept unités de soins auprès de neuf préposés aux bénéficiaires et deux infirmiers auxiliaires, nous a permis de documenter 164 soins d’alimentation et d’hygiène. Les résultats montrent que l’activité des soignants traduit une recherche de compromis entre les objectifs à atteindre et différents éléments tels : la protection des résidents, le respect des préférences et de l’autonomie de ceux-ci, leur propre protection en tant que soignants. Il en ressort également que les soignants élaborent une diversité de stratégies, individuelles et collectives, contribuant à la mise en œuvre de l’ARS : adaptation aux caractéristiques du résident par des changements apportés au déroulement du soin et à celui du quart de travail; recherche d’informations sur le résident; partage avec le collectif. Bien que l’ARS mette l’accent sur les soins d’hygiène, les résultats montrent que ses principes sont également appliqués par les soignants lors des soins d’alimentation. Plusieurs ressources apparaissent favorables à la mise en œuvre de l’ARS au cours des soins : disponibilité de matériel et d’équipements, environnement spatial compact, organisation du travail souple. La deuxième étude de cette phase visait à explorer, par le biais d’observations de dyades résident/soignant lors de situation de soins d’hygiène/habillage, les liens entre l’ARS et les comportements de résidents lors de ces soins. Quatorze résidents et cinq soignants en provenance de deux établissements ont été étudiés par deux observateurs indépendants, non impliqués dans les milieux de soins. En recourant à une grille comportant 23 items d’objectivation de l’ARS, conçue pour cette étude, le degré d’application de l’approche a été estimé à 86,6 % ce qui correspond à la cote de 86,3 % que les soignants se sont donnés eux-mêmes pour ces soins. Les données issues des observations des résidents suggèrent que des comportements d’agitation sont présents et variables d’un résident à un autre. Les comportements positifs sont plus fréquents, particulièrement ceux non verbaux, que les comportements perturbateurs ou d’agitation. Pour la première fois, à notre connaissance, les comportements positifs des résidents ont été pris en compte.
La recherche contribue à plusieurs égards à l’avancement des connaissances scientifiques. Elle suggère que l’implantation d’une approche de soins axée sur la personne, telle que l’ARS qui met l’accent sur la dimension relationnelle du soin, est un processus de changement de culture qui nécessite, au-delà de la formation donnée aux soignants, par ailleurs très appréciée, que plusieurs conditions soient en place. Le processus d’implantation mené comme un projet marque bien le démarrage de ce changement. Par contre, son maintien dans le temps semble compromis par le taux de roulement élevé des soignants, la multitude de projets menés en parallèle dans les établissements, dont certains apparaissent aller dans une direction contraire. Sur le plan méthodologique, la recherche a permis de développer des outils intéressants, notamment une grille d’objectivation de la mise en œuvre de l’approche, de même qu’un outil pour apprécier les comportements positifs des résidents. Plusieurs recommandations sont adressées aux concepteurs de politiques, aux milieux de soins et à l’ASSTSAS afin de promouvoir l’ARS comme un outil visant à équilibrer la tension entre les dimensions technique et relationnelle des soins.
Abstract
Relationship-based care (RBC) is a care delivery model that the ASSTSAS introduced about ten years ago in residential care facilities through the training of trainers. The goal of RBC is to improve not only the quality of resident care but also the occupational health of caregivers. This research is exploratory (the very first study of RBC) and collaborative, a partnership involving a decision maker (ASSTSAS), the 17 residential care facilities that took part in the research and the Steering Committee which not only guided the research but validated and publicized the results.
In the first phase of the research, which involved completed RBC implementation projects, three studies were conducted: 1) An analysis of questionnaires completed by caregivers (n =392) one month after taking part in RBC training showed that they perceived the principles and techniques taught to be useful, though they felt some aspects were difficult to integrate in practice. Work team support proves to be the key element in transfer of learning in care situations. 2) A survey of 17 key informants from 17 different institutions and representing some 70 units where RBC was instituted showed the following: after basic training given by ASSTAS, the approach was introduced in all institutions and is still considered active in 14; its implementation in care settings is estimated in most cases at 5 to 7 on a scale of 10 (median = 6); when implemented, the impact of RBC is perceived as positive by caregivers as well as residents. 3) Based on analysis of focus groups that included 32 people (consultants, managers, project leaders, caregiver-trainers and caregiver-trainees) from nine of the institutions where RBC was introduced, a model of influencing factors at the micro level (caregiver/resident dyad), the meso level (team, unit, institution) and the macro level (sociopolitical and economic environment) was developed.
The second phase of the research involved real-time analysis of an implementation project in an institution based on the activities of the project advisor/coach and the point of view of internal stakeholders, with data collected at two points in the implementation process. The analysis showed the difficulties encountered by the internal stakeholders (not only in organizing the training but also in the follow-up required to maintain the approach) as well as the strategies used to overcome them. The study also showed that the setting (changes to care and work organization in particular) is a source of difficulties for implementation.
The third phase of the research involved caregivers implementing RBC in the work setting. Two studies were conducted: 1) In an ergonomic work analysis involving observation and interviewing (115 hours) of nine orderlies and two nursing assistants in seven care units, 164 acts of assistance with meals and hygiene were documented. The results showed that in providing the assistance the caregivers tried to find a compromise between RBC objectives and elements such as protection of the resident, respect for the resident’s preferences and autonomy, and their own protection as a caregiver. They also showed that the caregivers developed a variety of strategies, individually and as a team, that helped to implement RCB: changes to the delivery of care and the shift to adapt to the characteristics of the resident; search for information about the resident; and sharing within the team. Though the focus of the RBC was hygiene care, the results show that the caregivers also applied the principles of RBC to assistance with meals. A number of factors seem to facilitate the implementation of RBC, including availability of equipment, compact space arrangements and flexible work organization. The second study of this phase was designed to explore, through observation of the resident/caregiver dyad during assistance with hygiene and dressing, the correlation between use of RBC and the behaviours of residents during the assistance. Fourteen residents and five caregivers from two institutions were studied by two independent observers without any connection to the institution. Application of RBC was estimated at 86.6% based on RBC use scores obtained with the help of a 23-item checklist developed for the study, comparable to a mean score of 86.3% that caregivers gave themselves for RBC application during the care provided. The data from observations of the residents suggest that agitated behaviours were present but varied from one resident to the next. Positive behaviours were more frequent, particularly nonverbal behaviours, than problem or agitated behaviours. To our knowledge, this is the first time residents’ positive behaviours have been taken into account.
The research contributes in many ways to the advancement of scientific knowledge. It suggests that introducing a person-centred approach to care, like RBC where the primary focus is the relational aspect of care, is a culture change that demands, in addition to the training of caregivers (which was much appreciated), that certain conditions be met. A project to implement the approach is the starting point for this culture change. However, maintaining the change is compromised by the high turnover of caregivers as well as the many projects carried out at the same time in the institutions that seem to run counter to the approach. In terms of methodology, a number of promising tools were developed, among them the checklist for scoring application of the approach and a tool to assess residents’ positive behaviour. A number of recommendations are made to policy makers, the healthcare community and the ASSTSAS to promote RBC as a tool for balancing the technical and relational aspects of care.
ISBN
9782896317813
Mots-clés
Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur affaires sociales, Hébergement institutionnel, Institutionalisation, Personnel infirmier, Nursing personnel, Formation à la prévention, Safety and health training, Service de santé, Health service, Personne âgée, Aged, Organisation du travail, Work organisation, Relations humaines, Human relations, Évaluation des programmes, Program evaluation, Québec, Approche relationnelle, Relation personnel médical-patient
Numéro de projet IRSST
0099-6800
Numéro de publication IRSST
R-857
Citation recommandée
Bellemare, M., Trudel, L., Viau-Guay, A., Desrosiers, J., Feillou, I., Guyon, A.-C. et Godi, M.-J. (2015). L'approche relationnelle de soins dans les CHSLD : mieux comprendre son implantation et explorer son impact (Rapport n° R-857). IRSST.