Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2022

Langue

Français

Résumé

Les nanotechnologies offrent un important potentiel d’exploitation dans des secteurs industriels variés, pour lequel les bénéfices financiers ne sont pas négligeables. À l’instar des provinces canadiennes et de nombreux pays industrialisés, le Québec voit un nombre grandissant de compagnies produisant des nanomatériaux et des nanoparticules (NP) se développer, sans oublier celles qui introduisent de plus en plus de NP dans leurs produits. Le nombre de travailleurs québécois œuvrant dans la fabrication et dans la synthèse des NP augmentera dans les années à venir. De plus, le nombre de travailleurs appelés à manipuler et à transformer des NP dans les domaines des nanotechnologies en général ne fera que s’accroitre. Ainsi, il est à prévoir que cet engouement pour les nanotechnologies provoquera une augmentation du nombre de travailleurs potentiellement exposés aux NP, une exposition à laquelle le grand public n’échappera pas, sachant que déjà des milliers de produits à usage courant contiennent des NP. Les conclusions d’une littérature dynamique, riche et en expansion indiquent clairement qu’une exposition aux NP représente certains risques pour la santé. Bien que ces travaux de recherche recensent plusieurs dangers d’une exposition aux NP (effets cytotoxiques ou génotoxiques, stress oxydatif, cancers, etc.), l’inflammation demeure parmi les effets néfastes les plus souvent répertoriés.

L’inflammation est une réponse biologique tout à fait normale qui survient, par exemple, lors d’une infection et qui est connue pour se résorber par elle-même lorsque la personne est en bonne santé. Toutefois, une mauvaise régulation de l’inflammation peut mener à plusieurs sortes de maladies et désordres du système immunitaire comme l’asthme, certaines allergies et l’arthrite pour ne nommer qu’elles. En fait, pratiquement toutes les maladies humaines possèdent une composante inflammatoire à une certaine étape durant leur développement. La réponse inflammatoire est une réponse complexe, faisant intervenir plusieurs médiateurs et cellules comme les leucocytes ou globules blancs. Parmi ces derniers, les neutrophiles (NT) et les éosinophiles (EO) sont connus pour exercer un rôle majeur lors de l’inflammation. Par leur petitesse, il y a de fortes chances que des NP présentes dans un environnement puissent être inhalées pouvant ainsi engendrer des maladies inflammatoires des poumons chez des travailleurs ou encore exacerber des maladies déjà existantes. En effet, plusieurs études menées chez l’animal exposé à des NP in vivo démontrent la présence accrue de NT ou EO dans les lavages bronchoalvéolaires et les poumons. En plus de la voie par inhalation, la présence de certaines NP dans une gamme grandissante de produits à usage courant, les personnes peuvent être exposées par diverses autres voies comme par contact cutané et même par ingestion. Ainsi, il devient inévitable que les NP puissent se frayer un chemin par la circulation sanguine ou à travers les divers tissus et interagir directement avec les NT ou EO.

Des travaux récents indiquent clairement d’ailleurs que les NP ont la capacité d’altérer la biologie des NT et des EO. Contrairement aux quelques études menées chez l’animal, et bien que plusieurs NP possèdent des propriétés inflammatoires in vitro, aucune donnée portant sur différents effets inflammatoires des NP entre les sexes chez l’humain n’est disponible. Visant à combler cette lacune et à élargir le champ des connaissances dans ce domaine, la présente étude a été menée en utilisant des NT et des EO obtenus à partir d’échantillons sanguins de femmes et d’hommes consentants et en bonne santé. Les cellules ont été traitées in vitro avec différentes NP auxquels les travailleuses et travailleurs québécois risquent d’être exposé(e)s afin d’évaluer les capacités modulatoires de plusieurs fonctions, toutes reliées au processus inflammatoire. Parmi ces fonctions, la capacité des NP à affecter l’apoptose, la production de dérivés réactifs de l’oxygène (ROS), la phagocytose, la production de certaines cytokines, l’adhérence et la migration par les NT et EO a été déterminée. En utilisant une telle approche expérimentale, il a été possible de dresser un tableau montrant les effets différentiels des NP sur la biologie des NT et EO selon le sexe. L’ensemble des données et des observations relevées ici permettent de démontrer certaines différences entre les sexes. Toutefois, aucune différence majeure allant à l’opposée entre les sexes, c.-à-d. qu’une NP ne va pas activer une réponse chez les NT et/ou EO mâles et l’inhiber ou la renverser chez les NT et/ou EO femelles. En général, lorsqu’une NP augmente ou diminue une fonction ou une réponse donnée, une analyse des résultats en tenant compte du sexe des donneurs et donneuses révèle que ce sont préférentiellement les cellules obtenues d’échantillons sanguins féminins qui sont davantage affectées. Ainsi, bien que cela soit au niveau cellulaire plutôt qu’un organisme entier, les NP semblent agir plus intensément sur les cellules du sexe féminin. Cela corrobore bien avec le dimorphisme sexuel observé pour le système immunitaire humain où les femmes possèdent une réponse immunologique plus intense.

Les retombées de cette étude effectuée avec des cellules isolées d’individus sains sont multiples. L’une d’elles est l’acquisition d’informations nouvelles qui pourront contribuer à l’avancement des connaissances sur les effets des NP sur la santé. Collectivement, les résultats et les observations de cette étude, combinés à ceux qui seront décrits par d’autres équipes étudiant différentes facettes de la toxicité des NP, permettront d’aider à la prise de certaines décisions sur le plan de la gestion des risques liés à une exposition des travailleurs aux NP. En plus d’augmenter l’état des connaissances sur le mode d’action et les effets biologiques des NP en lien avec l’inflammation, et de former du personnel hautement qualifié dans ce créneau de recherche, l’approche expérimentale développée ici démontrant que les NT et les EO peuvent réagir différemment selon le sexe, aideront à mieux utiliser éventuellement des NP dans diverses stratégies thérapeutiques et à pousser davantage vers une médecine personnalisée. Également, cette étude peut certes servir de tremplin pour aider à améliorer les procédures actuelles visant à réglementer l’utilisation plus sécuritaire des NP en milieu de travail. À plus long terme, les retombées de cette étude effectuée avec des cellules isolées d’individus sains n’étant pas des travailleurs ou des individus potentiellement ou volontairement exposés aux NP peuvent aider à éclairer davantage une prise de décision pour utiliser, avec entente, les cellules obtenues du sang de certains travailleurs ciblés selon une exposition aux NP, afin d’étudier les fonctions des NT ou des EO qui pourraient avoir des réponses fonctionnelles disproportionnées selon le sexe.

Abstract

Nanotechnologies have a tremendous potential for use in a variety of industries, and there are significant financial gains to be made. As in other Canadian provinces and many industrialized countries, a growing number of Québec companies are producing nanomaterials and nanoparticles (NP), not to mention those introducing more and more NPs in their products. The number of Québec workers employed in the manufacture and synthesis of NPs will increase in the years ahead. In addition, the number of workers who will be required to handle and process NPs in nanotechnology fields in general will continue to grow as well. In other words, we can expect the enthusiasm for nanotechnologies to grow not only the number of workers exposed to NPs but the exposure of the general public given that thousands of products used in everyday life already contain NPs. The dynamic, rich and growing literature in the field clearly demonstrates that exposure to NPs entails health risks. Though this research identifies a number of NP exposure hazards (cytotoxic and genotoxic effects, oxidative stress, cancers, etc.), inflammation remains one of the most frequently reported harmful effect.

Inflammation is a completely normal biological response, to infection for example, that resolves on its own when good health returns. Uncontrolled inflammation, however, can lead to disease and immune system disorders, such as asthma, allergies and arthritis, to name a few. In fact, practically all human diseases have an inflammatory component at one stage in their development. The inflammatory response is complex and involves a number of mediators and cells, among them leukocytes (white blood cells). Neutrophils (NT) and eosinophils (EO) are white blood cells known to play a major role in inflammation. Because NPs are so small, they are highly likely to be inhaled when present in any setting, leading to inflammatory lung diseases in workers or exacerbation of existing disorders. In fact, a number of in vivo studies of animals exposed to NPs demonstrate increased presence of NTs or EOs in bronchoalveolar washings and in the lungs. In addition, with NPs now found in a growing variety of everyday household products, exposure is possible via routes other than inhalation, including skin contact and even ingestion. It is inevitable then that NPs will eventually work their way into the blood stream or through different tissues and interact directly with NTs or EOs.

Recent research also clearly shows that NPs have the ability to alter NT and EO biology. Though a number of NPs have inflammatory properties in vitro, there are no data on sex-dependent differences in inflammatory effects of NPs in humans, unlike in a few animal studies. Our study was designed to fill that gap and expand our knowledge in this field. NTs and EOs from blood samples obtained from healthy consenting men and women were treated in vitro with different NPs to which Québec workers risk exposure to assess the modulating capabilities of functions connected with the inflammatory process. Among the functions investigated were the ability of NPs to affect apoptosis, production of reactive oxygen species (ROS), phagocytosis, production of certain cytokines and NT/EO adhesion and migration. With this experimental approach, we were able to show sex-differentiated effects of NPs on NT and EO biology. Study data and observations as a whole demonstrate certain differences between the sexes. However, no major trends in opposite directions were noted: for example, NPs will not trigger a response in male NTs/EOs but inhibit or reverse it in female NTs/EOs. In general, if an NP enhanced or diminished a function or response, result analysis considering donor sex showed cells from female blood samples were preferentially more affected. Though this was at the cellular level rather that throughout the body as a whole, NPs do seem to have a greater impact on female cells. This correlates well with the sex dimorphism noted in the human immune system; that is, women have more intense immunological responses.

The contributions of this study of isolated cells from healthy individuals are multiple, including acquisition of new information that may help advance our knowledge of NP health effects. The study results and findings, together with those described by other teams studying different aspects of NP toxicity, will also help in making decisions about occupational NP exposure risk management. Besides increasing our knowledge of the mechanisms of action and biological effects of NPs in connection with inflammation and building a highly qualified team specializing in this research area, the experimental approach developed in this study demonstrating that NTs and EOs can react differently depending on sex will help in making the best use of NPs in different therapeutic strategies and furthering the shift to personalized medicine. Also, this study can definitely serve as a starting point for improving regulatory procedures to ensure safe use of NPs in the workplace. In the longer term, the results of this study of isolated cells of healthy individuals who are not workers or individuals potentially or voluntarily exposed to NPs could help in deciding about using blood cells from workers targeted based on NP exposure (with donor consent) to study NT or EO functions that might have disproportionate sex-dependent functional responses.

ISBN

9782897972516

Mots-clés

Nanoparticule, Nanoparticle, Inflammation, Différence liée au sexe, Sex difference, Recherche in vitro, In vitro experiment, Effet hématotoxique, Haematotoxic effect, Hémopathie, Heamic and lymphatic disease, Risque d'atteinte à la santé, Health hazard, Nanotechnologie, Nanotechnology

Numéro de projet IRSST

2017-0044

Numéro de publication IRSST

R-1173-fr

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