Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2022

Langue

Français

Résumé

De nombreuses études ont rapporté que des niveaux élevés de sentiment d’injustice sont associés à un rétablissement problématique chez les personnes souffrant d’un large éventail de problèmes débilitants de santé et de santé mentale. On en sait peu actuellement sur les facteurs déterminants du sentiment d’injustice dans les suites immédiates d’un accident du travail, ou sur les facteurs déterminants des changements dans le sentiment d’injustice.

L’objectif principal de cette recherche était d’identifier les déterminants du sentiment d’injustice dans les premières semaines suivant un accident du travail. L’échantillon de participants comprenait 187 personnes (92 hommes et 95 femmes) ayant subi une blessure musculosquelettique invalidante lors d’un incident lié au travail dans les 3 mois précédant la date d’inscription à l’étude. Les participants ont été recrutés par l’intermédiaire de cliniques de physiothérapie et d’annonces dans les médias sociaux. Les participants ont été invités à remplir des questionnaires en ligne trois fois à intervalles de trois semaines. Des approches quantitatives et qualitatives ont été utilisées pour analyser les données. Dans le cadre d’une approche quantitative (étude 1), les scores des mesures standardisées de la douleur, de la dépression et de l’incapacité ont été utilisés pour prédire les niveaux de sentiment d’injustice. Dans le cadre d’une approche qualitative (étude 2), les participants ayant obtenu des scores élevés à la mesure du sentiment d’injustice (n = 30) ont été interviewés au sujet des facteurs qui ont contribué à leur sentiment d’injustice. Une méthodologie de théorie ancrée a été utilisée pour examiner les grandes catégories de situations ou d’événements générateurs que les participants ont vécus comme injustes dans les semaines suivant un accident du travail.

Les résultats de l’étude 1 ont montré que le sentiment d’injustice était prévalent à la suite d’une blessure musculosquelettique. Pour la majorité des participants, les scores de la mesure du sentiment d’injustice sont demeurés stables ou ont diminué tout au long de la période d’étude. Les scores de la mesure du sentiment d’injustice ont augmenté pour 23 % de l’échantillon. Les analyses de régression transversale ont révélé que les scores des mesures de la douleur et de la dépression contribuaient de manière significative à la variance unique de la prédiction des scores du sentiment d’injustice. Les résultats des régressions croisées décalées ont suggéré des influences bidirectionnelles entre le sentiment d’injustice, la douleur et la dépression. Les changements précoces du sentiment d’injustice prédisaient de manière prospective les changements ultérieurs dans la douleur et de la dépression ; les changements précoces dans la douleur et de la dépression prédisaient de manière prospective des changements ultérieurs du sentiment d’injustice.

Dans l’étude 2, trois thèmes dominants ont émergé des entretiens : 1) l’invalidation, 2) la souffrance non méritée et 3) le blâme. Les participants ont décrit des expériences d’invalidation de la part des employeurs, des professionnels de la santé et des représentants des assurances. Les réponses des participants aux entrevues ont également mis en évidence le sentiment d’injustice résultant de l’interférence dans la participation à des activités valorisées de la vie causées par la douleur, et l’attente d’une douleur prolongée ou permanente. On attribue le blâme aux expériences qui ont contribué à la souffrance des participants en raison d’un manque de compréhension, d’un manque de reconnaissance ou d’un déni de leur état. Les résultats permettent non seulement de progresser dans les connaissances des facteurs contribuant à l’émergence du sentiment d’injustice à la suite d’une blessure invalidante, mais ils indiquent également les voies possibles par lesquelles les perceptions d’injustice peuvent entraver le rétablissement après un accident du travail.

Les recommandations concernant les changements à apporter à la gestion clinique des lésions musculosquelettiques comprennent : 1) le dépistage précoce du sentiment d’injustice chez les travailleurs blessés, 2) le dépistage de la dépression chez les travailleurs blessés dont le sentiment d’injustice est élevé, 3) l’identification précoce des facteurs contribuant au sentiment d’injustice chez les travailleurs blessés, 4) le développement de modules de formation visant à réduire la communication invalidante, 5) le développement de stratégies fondées sur l’information pour réduire les évaluations de l’injustice.

Abstract

Many studies have reported that a strong sense of injustice is associated with a problematic recovery in people with a wide range of debilitating physical and mental health problems. At present, we know little about the determinants of a sense of injustice in the immediate aftermath of a workplace accident, or of changes in the sense of injustice.

The primary objective of this research project was to identify the determinants of a sense of injustice in the first few weeks following a workplace accident. The sample of participants included 187 people (92 men and 95 women) who had suffered a disabling musculoskeletal injury because of a work-related incident within the three months preceding the date of enrolment in the study. The participants were recruited through physiotherapy clinics and ads in social media. They were asked to complete online questionnaires three times at three-week intervals. Quantitative and qualitative approaches were used to analyze the data. In a quantitative approach (study 1), scores for standardized pain, depression and disability instruments were used to predict the level of sense of injustice. In a qualitative approach (study 2), participants who had high scores on a standardized instrument measuring sense of injustice (n = 30) were interviewed about the factors that contributed to that feeling. A grounded theory methodology was used to examine the major classes of triggering situations or events that participants had perceived as unjust in the weeks following a workplace accident.

The results of study 1 showed that a sense of injustice was common following a musculoskeletal injury. For most participants, scores on the sense of injustice instrument remained stable or decreased during the study period. However, for 23% of the sample, scores on this instrument increased. Cross-sectional regression analyses showed that scores on pain and depression measures contributed significantly to the unique variance of the prediction of sense of injustice scores. The results of lagged cross-sectional regressions suggested that bidirectional effects exist between sense of injustice, pain and depression. Early changes in sense of injustice prospectively predicted later changes in pain and depression, and early changes in pain and depression prospectively predicted later changes in sense of injustice.

In study 2, three dominant themes emerged from the interviews: (1) invalidation, (2) undeserved suffering, and (3) blame. Participants described experiences of invalidation on the part of employers, health care professionals and insurance company representatives. Participants’ responses in the interviews also highlighted a sense of injustice resulting from the disruption of their participation in valued daily life activities caused by pain, as well as the expectation of prolonged or permanent pain. Blame is attributed to experiences that contributed to participants’ suffering due to a lack of understanding or recognition or a denial of their condition. The results not only advance our knowledge of the factors contributing to the emergence of a sense of injustice following a disabling injury but also indicate possible avenues whereby perceived injustices may hinder recovery after a workplace accident.

The recommended changes in clinical management of musculoskeletal injuries include (1) early screening for a sense of injustice in injured workers; (2) screening for depression in injured workers whose sense of injustice is high; (3) early identification of factors contributing to a sense of injustice in injured workers; (4) development of training modules to reduce invalidating communication; and (5) development of information-based strategies to reduce perceived injustice.

ISBN

9782897972523

Mots-clés

Attitude mentale, Mental attitude, Accident du travail, Occupational accident, Maintien en emploi, Job maintenance, Comportement humain, Human behaviour, Troubles musculosquelettiques, Musculoskeletal disease, Dépression, Depressive disorder, Douleur, Pain, Réadaptation, Rehabilitation, Rôle de la direction, Role of management, Rôle des assureurs, Role of insurance institutions, Enquête par questionnaire, Questionnaire survey, Enquête par entrevue, Interview survey

Numéro de projet IRSST

2017-0024

Numéro de publication IRSST

R-1174-fr

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