Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2012

Langue

Français

Résumé

Problématique

Pour se conformer à la réglementation actuelle concernant l’entreposage de matières dangereuses (MD), les sites industriels œuvrant dans le domaine des MD prennent de plus en plus de décisions de stockage susceptibles d’augmenter le nombre de livraisons. Ces comportements peuvent engendrer un transfert de risque du site fixe vers le transport. Il paraît donc important de considérer globalement la gestion du risque sur l’ensemble de la chaîne logistique.

À propos des sites industriels de MD, une enquête antérieure, menée par le CIRANO, a permis de mettre en évidence que la plupart des sites industriels ne se préoccupent pas autant des décisions de transport que des décisions pour la gestion de leur site (De Marcellis-Warin, Leroux, Peignier, & Trépanier, 2008b). En effet, l’enquête a révélé une tendance à la déresponsabilisation en matière de transport. Par exemple, une grande partie des entreprises qui sous-traitent le transport semblent croire qu’elles ne sont plus responsables des accidents qui pourraient survenir pendant cette activité.

Au Québec, depuis 2008, un outil développé par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), nommé "Portrait des risques", permet d’avoir des informations par secteur d'activité sur le nombre, le genre et la cause des accidents, des maladies et des décès survenant au travail. Cet outil propose quelques moyens de prévention à mettre en place pour diminuer ces risques, mais il met peu l’accent sur les aspects organisationnels des entreprises par rapport à la sécurité. Face à ces constats, on peut se demander comment aider les transporteurs de matières dangereuses à s’améliorer en termes de sécurité, et comment soutenir les expéditeurs dans le choix d’un transporteur de MD.

Objectifs de l’étude

Dans ce contexte, des questions sont soulevées relativement à la mise en place de pratiques organisationnelles de sécurité (POS) par les transporteurs de MD qui pourraient avoir des impacts sur le risque d’accident. On peut penser, par exemple, à la formation, aux analyses de risque, aux critères utilisés lors de la sélection d’un sous-traitant, au type de rémunération, aux procédures écrites, etc. En revanche, au Québec, on ne possède pas de description des pratiques en place et on ne connait pas non plus les disparités dans l’utilisation de certaines pratiques au sein des transporteurs de MD. L’objectif général de cette recherche est donc d’apporter un complément à l’outil de la CSST pour le secteur du transport des matières dangereuses (TMD) spécifiquement en dressant un portrait des POS mises en place par les transporteurs routiers de MD au Québec. Cette étude permet de documenter de façon précise les types d’entreprises travaillant dans ce secteur, les MD transportées, les conditions de santé et sécurité au travail et de prévention au regard des POS mises en place.

Approche et méthodes

Nous avons développé une enquête par questionnaire qui a été envoyée à 1450 transporteurs routiers de MD au Québec. Notre étude est innovante dans le sens où, à notre connaissance, aucune enquête sur les MD à grande échelle n’a combiné des éléments techniques (itinéraires, produits, etc.) à des éléments organisationnels. Nous pourrons donc comparer les POS en fonction de différentes caractéristiques des transporteurs. Elle est également novatrice du fait que nous allons pouvoir l’apprécier en parallèle des résultats d’une autre enquête sur les sites fixes œuvrant dans le domaine des MD (De Marcellis-Warin, et al., 2008b).

Résultats

Les résultats de l’enquête ont permis de montrer que les POS (on parle ici de comités de santé et de sécurité, de séances d’information sur la gestion des risques, de personnel dédié à la gestion des risques et de programmes spécifiques de prévention des accidents) sont mises en place en général par la moitié des transporteurs. En outre, les entreprises faisant du transport routier de MD semblent être bien préparées face aux situations d’urgence. Les transporteurs utilisent aussi de plus en plus les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC).

Les résultats montrent néanmoins que certains risques sont sous-estimés. Par exemple, la formation des chauffeurs n'est pas uniforme dans les entreprises et les activités externalisées (transport, chargement, déchargement, emballage) ne sont pas toujours étroitement surveillées. L’analyse des résultats montre aussi que les transporteurs semblent sous-estimer le risque associé aux différentes phases du transport, à savoir, le chargement, le transport proprement dit et le déchargement. En effet, près de 80 % des transporteurs considèrent que la phase la plus à risque est celle du transport. Or, au Canada, les statistiques montrent qu’il y a deux fois plus d’accidents pendant le chargement ou le déchargement que pendant le transport. Il serait important de sensibiliser l’industrie à cette réalité.

La plupart des transporteurs de MD interrogés ont adopté des mesures de sécurité appropriées. En général, ils sont conscients des risques que le produit transporté représente, mais un travail de sensibilisation reste à faire pour certaines catégories ou types de transporteurs de MD. En effet, des analyses croisées ont permis de faire ressortir de grandes disparités dans l’utilisation des POS en fonction de certaines caractéristiques du transport telles que la classe et le type de MD transportée, le véhicule utilisé, la distance parcourue, la taille du transporteur, le fait de faire des livraisons à de nombreux clients, etc. De façon générale, la grande majorité des POS étudiées sont beaucoup plus utilisées de façon statistiquement significative par les transporteurs de MD avec une citerne, par les transporteurs de MD en vrac, par ceux qui transportent des MD requérant un plan d’intervention d’urgence et ceux qui font du transport national (longue distance).

Conclusions

Ce portrait peut conduire à de nombreuses applications.

Au niveau institutionnel tout d’abord, en mettant en évidence certaines lacunes en matière de POS des transporteurs de MD (ex. : la formation), les résultats de l’étude peuvent être utilisés comme un outil de référence pour prioriser les activités de recherche et de prévention en santé et en sécurité du travail (SST) dans le domaine du transport routier de MD. L’information pourrait également servir à plusieurs associations industrielles ou sectorielles ainsi qu’au gouvernement du Québec pour l’élaboration de ses politiques et la priorisation de ses actions.

Par ailleurs, si l’on se place au niveau industriel, les bénéfices de ce portrait sont doubles :

  • Pour les transporteurs de MD : il peut servir d’outil d’étalonnage (benchmarking) adapté à leur milieu et à leur situation géographique et leur fournir aussi de nouvelles idées de pratiques organisationnelles à mettre en place pour diminuer leurs risques d’accident.
  • Pour les expéditeurs de MD : il permet de leur donner de nouveaux critères, autres que le coût, pour sélectionner leur transporteur de MD.

Recommandations

Cette étude étant exploratoire, elle doit servir de point de départ à d'autres recherches. Nous souhaitons par conséquent mettre en évidence ici certains besoins et certaines avenues de recherche possibles sur lesquelles notre équipe a déjà commencé à travailler.

Création d’un guide unique sur le TMD

Par mesure de simplification et afin d’assurer une meilleure compréhension de l’information, nous recommandons de regrouper l’ensemble des informations de chacun des guides pour en faire un document unique. Il s’agirait alors d’un guide multiauteurs.

Développement d’un outil d’auto-évaluation des pratiques organisationnelles de sécurité (POS) pour les transporteurs routiers de matières dangereuses

Sur la base de notre enquête et des dossiers des propriétaires et exploitants de véhicules lourds (PEVL) de chacun de nos répondants de la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ), un outil d'auto-évaluation pourrait être développé pour identifier les meilleures POS selon la taille, le type de matière et d'autres attributs du transporteur pour prévenir les accidents. Cet outil innovant serait fourni aux transporteurs routiers de MD. Son utilisation, en mettant l'accent sur les POS ayant le plus grand impact sur les risques associés au transport routier des MD, devrait permettre de responsabiliser davantage les transporteurs, valoriser les gains apportés par une saine gestion des risques et les encourager à mieux gérer leurs risques associés aux matières dangereuses.

ISBN

9782896316366

Mots-clés

Transport des matières dangereuses, Transportation of dangerous substances, Transport routier, Road transport, Substance dangereuse, Dangerous substance, Conduite de véhicule, Driving, Qualification, Organisation de la prévention dans l'entreprise, Plant safety and health organisation, Planification de la sécurité, Safety planning, Enquête par questionnaire, Questionnaire survey, Réglementation, Regulation, Québec

Numéro de projet IRSST

0099-8850

Numéro de publication IRSST

R-751

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