Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2011

Langue

Français

Résumé

La présente recherche fait suite à une première étude épidémiologique montrant la prévalence élevée des troubles musculo-squelettiques (TMS), des troubles de santé psychologique (TSPsy), des facteurs de risques physiques et psychosociaux chez les préposés des centres d'appels d'urgence de la sécurité publique municipale (CAU-SPM). Elle vise à comprendre comment apparaissent ces risques dans le travail afin de proposer des pistes d'action pour réduire leurs effets délétères sur la santé des préposés. Dans cette perspective, cette recherche se fonde sur l'approche ergonomique de l'activité de travail, incluant des mesures physiologiques, et est complétée par une étude de psychodynamique du travail.

Les facteurs de risques physiques et psychosociaux mis en évidence par les études épidémiologiques réfèrent, en ergonomie, à la présence de contraintes et de charges de nature musculo-squelettique et mentale associées à la présence de TMS et/ou de TSPsy.

Les contraintes physiques à l'origine d'une charge musculo-squelettique risquée dans les CAUSPM relèvent des problématiques du travail à l'ordinateur, auxquelles s'ajoutent les contraintes spécifiques de la communication d'urgence. Ces contraintes concernent, d'une part, les problèmes d'accessibilité provenant du nombre d'équipements à disposer sur le bureau et, d'autre part, le maintien prolongé de la posture assise requis par la nécessaire présence au poste. Pour réduire les risques de TMS relatifs à cette dernière contrainte, certains CAU-SPM se sont dotés de bureaux permettant le travail assis ou debout.

Les contraintes mentales relèvent de trois processus. Premièrement, la charge de travail dont la définition en entreprise correspond à la quantité d'actions à effectuer au cours d'une période de temps donnée. Celle-ci concerne la fréquence des appels entrants et le nombre de recherches à effectuer pour y répondre. Deuxièmement, la charge cognitive dont le domaine porte sur le traitement de l'information soit, dans le cas présent, la complexité du traitement des appels. Troisièmement, la charge psychique qui couvre la dimension émotionnelle du traitement des appels d'urgence et les processus psychiques mis en jeu par les préposés pour faire face aux contraintes présentes dans le travail.

Les descriptions des situations de travail, dans lesquelles sont mises en évidence des difficultés de régulation, sont à la base du développement des pistes d'action visant à réduire les risques de TMS et de TSPsy. Ces pistes d'action ont été élaborées avec l'aide du comité de suivi et validées par une rencontre avec un groupe de préposés.

La recherche s'est effectuée avec la participation des cinq CAU-SPM ayant contribué à l'étude précédente. Elle comporte deux volets, une étude ergonomique avec le recueil de données physiologiques et une étude de psychodynamique du travail. L'étude ergonomique et physiologique s'appuie sur la participation de 11 préposés, six hommes et cinq femmes, dont neuf sont des employés expérimentés et deux débutants. Ces préposés occupent les postes généralistes, des postes de prise d'appels ou de répartition. Les données recueillies sont les suivantes : description du travail et de l'aménagement des bureaux, observation des postures de travail, utilisation des réglages des bureaux assis-debout, communications téléphoniques, évaluations subjectives de la charge mentale, des douleurs musculo-squelettiques et de la fatigue, électromyographie (EMG) des muscles du trapèze, rythme cardiaque ou électrocardiographie (ECG) et verbalisation des préposés sur le travail durant les entrevues d'autoconfrontation. Les observations et les mesures sont effectuées sur un quart de travail, le rythme cardiaque est enregistré durant 24 heures. La réalisation de l'enquête de psychodynamique du travail a donné lieu à l'organisation de quatre entrevues de groupe dans quatre CAU-SPM. Les groupes sont composés de quatre à six préposés, femmes et hommes ayant de 2 à 25 ans d'expérience. Le contenu des entrevues a été analysé à partir du cadre de référence de la psychodynamique du travail, conformément à la méthodologie en vigueur.

Les résultats de l'étude ergonomique montrent que pour la prévention des risques physiques, l'introduction de bureaux réglables assis – debout offre une plus grande marge de manoeuvre aux préposés pour faire face à diverses contraintes du travail et aux sensations de douleurs musculosquelettiques ou de fatigue. Toutefois, la conception des bureaux n'apparaît pas entièrement satisfaisante pour la réduction des risques de TMS. Le design des tables de bureau devrait être revu en fonction de l'activité des préposés et de l'évolution de la technologie.

Les études d'ergonomie - physiologie et de psychodynamique du travail apportent une meilleure connaissance de la présence des contraintes psychosociales. Ces contraintes psychosociales mesurées par l'évaluation subjective de la charge mentale se trouvent associées à une augmentation des sensations de douleurs musculo-squelettiques. En effet, les douleurs dans la région du haut du dos-cou épaules sont corrélées positivement aux perceptions plus élevées de la charge de travail ou de la complexité des appels, tandis que les douleurs au bas du dos sont reliées aux émotions négatives. Ce résultat concorde avec l'augmentation de l'activité et la diminution du temps de repos des muscles du trapèze en lien avec l'accroissement de la charge de travail ou de la complexité des appels. Pour les émotions négatives, aucune de ces modifications ne sont significatives. L'augmentation de l'activité et la diminution du temps de repos des muscles du trapèze proviennent probablement des actions plus nombreuses sur les commandes. Pour ce qui est du rythme cardiaque, une perte importante de sa variabilité a été mesurée durant toute la durée du quart de travail pour les préposés expérimentés. Cette perte est récupérée rapidement après le travail. Elle témoigne de la préparation des préposés expérimentés à réagir aux situations de stress. Au cours du quart de travail, les corrélations de la FC ou de la variabilité du rythme cardiaque (VRC) avec les réponses aux échelles de perception ne concernent qu'un petit nombre de préposés. Elles attestent d'une dépendance aux caractéristiques particulières des quarts de travail observés.

L'observation des problèmes cognitifs ou relationnels dans les communications et les verbalisations obtenues par les entrevues d'autoconfrontation ont permis de décrire les situations de travail présentant une charge cognitive et émotionnelle élevée. L'analyse de psychodynamique du travail complète le portrait en décrivant la gestion de ces contraintes relativement à la dimension psychique. Elle permet, d'une part, de mettre à jour comment se construit au fil du temps l'expérience professionnelle des préposés et, d'autre part, d'identifier les sources de plaisir et les stratégies de défense mises en oeuvre pour faire face aux contraintes particulières de ce métier.

Les résultats apportent des éléments de compréhension du travail qui ont servi de base à l'élaboration de pistes d'action par le comité de suivi. Celles-ci se situent dans les perspectives de développement d'une profession dont la structuration est relativement récente au Québec. En premier lieu, les efforts ont été orientés vers l'amélioration de la technologie. Ils se sont concrétisés par l'achat d'équipements informatiques soutenant le travail des préposés et d'un mobilier tenant compte des contraintes d'un travail en continu où les préposés se relayent au même bureau. Les résultats de l'étude concernant les risques psychosociaux montrent que les efforts doivent être dirigés, dans une deuxième phase, vers le soutien cognitif et émotionnel. Ce soutien demande le développement de formation s'appuyant sur la transmission et l'échange de savoir-faire relatifs à la communication lors de la prise des appels. Il implique également l'approfondissement des relations avec les premiers intervenants et particulièrement avec les policiers patrouilleurs. Le comité de suivi a élaboré des pistes d'action dans cette perspective. Plus généralement, cette recherche aura permis de développer une méthodologie d'étude ergonomique pour intervenir sur la réduction des risques psychosociaux.

Abstract

This research project followed on an initial epidemiological study that demonstrated the high prevalence of musculoskeletal disorders (MSDs), psychological health problems (PHPs), and physical and psychosocial risk factors among agents at municipal public security emergency call centres (MPSECCs). It sought to understand how these risks manifest themselves in the work in order to propose courses of action for reducing the adverse effects on the agents' health. With that in mind, the research was based on the ergonomic approach to work activity, including physiological measurements, and was supplemented by a study of the work psychodynamics.

In ergonomics, the physical and psychosocial risk factors identified in epidemiological studies relate to the presence of strains and workloads of a musculoskeletal and mental nature that are associated with the presence of MSDs and/or PHPs.

The physical strains at the source of potentially harmful musculoskeletal loads in MPSECCs originate in computer work problems, to which are added the strains specific to emergency communications. These strains are related to, on the one hand, accessibility problems originating from the number of pieces of equipment to be placed on the workstation and, on the other hand, the prolonged maintenance of the seated posture required by the agent's obligatory presence at the station.

To reduce the risk of MSDs related to this last type of strain, some MPSECCs have installed workstations that allow the work to be performed while sitting or standing.

The mental strains originate in three processes: first, workload, which, in corporate contexts, is defined as the number of actions to be performed during a specified period of time and which here relates to the frequency of incoming calls and the number of searches required to answer them; second, the cognitive workload, which concerns the processing of information, which, in the present case, means the complexity of handling calls; and, third, the psychic workload, which refers to the emotional dimension of handling emergency calls and the psychic processes brought into play by the agent in order to deal with the strains present in the work.

The descriptions of work situations with demonstrated regulation problems were at the basis of the development of courses of action aimed at reducing MSD and PHP risks. These courses of action were developed with the assistance of the follow-up committee and validated by a meeting with a group of agents.

The research was carried out with the participation of the five MPSECCs involved in the preceding study. It had two components: an ergonomic study involving the collection of physiological data and a study of the work psychodynamics. The ergonomic and physiological study was based on the participation of 11 agents, six men and five women, of whom nine were experienced employees and two were novices. The agents held generalist, call-taking, and dispatching positions. The following data were collected: description of the work and of the office layout; observation of work postures; use of the sit-stand workstation adjustment options; telephone communications; subjective evaluations of the mental workload, musculoskeletal pain and fatigue; trapezius electromyography (EMG); heart rate or electrocardiography (ECG); and the agents' comments during auto-confrontation interviews. The observations were made and measurements taken during a work shift, while the heart rate was recorded over 24 hours. The study of the work psychodynamics entailed organizing four group interviews in four MPSECCs. The groups consisted of four to six male and female agents with between two and 25 years' experience. The content of the interviews was analyzed based on the work psychodynamics reference framework in accordance with current methodology.

The results of the ergonomic study show that, from a risk prevention standpoint, introducing adjustable sit-stand workstations provides a greater margin of manoeuvre to agents in dealing with the work's various strains and with musculoskeletal pain sensations and fatigue. However, the design of the workstations does not appear entirely satisfactory for reducing MSD risks. The design of the office tables should be rethought in light of the agents' activity and of technological developments.

The physiology/ergonomic and work psychodynamics studies provide a clearer understanding of the presence of psychosocial strains. As measured by subjective evaluation of the mental workload, these psychosocial strains are associated with an increase in sensations of musculoskeletal pain. More specifically, pain in the upper back, neck and shoulder region correlates positively with perceptions of higher workload and call complexity, while low back pain correlates with negative emotions. This result is consistent with the increase in activity and decrease in rest time for the trapezius muscles associated with the increase in workload and call complexity. For negative emotions, none of these changes proved significant. The increase in activity and decrease in rest time for the trapezius muscles probably stem from more frequent actions involving controls. For heart rate, a significant reduction in variability was measured throughout the work shift for the experienced agents, a reduction quickly reversed after the shift ended. This shows that experienced agents are prepared to react to stress situations. During the work shift, correlations between heart rate or heart rate variability (HRV) and perception scale responses were found in only a small number of agents, attesting to a dependency on the special characteristics of the work shifts observed.

Observation of cognitive and relationship problems in the information and comments obtained through the auto-confrontation interviews allowed the work situations with a high cognitive and emotional workload to be described. Analysis of the work psychodynamics completed the picture by describing how these strains are managed relative to the psychic dimension. This made it possible to determine how agents' work experience is built up over time and to identify the sources of pleasure and the defence strategies adopted to deal with the strains specific to this occupation.

The results brought a clearer understanding of aspects of the work, which the follow-up committee used as a basis for developing courses of action. These courses of action fit with the development prospects for a profession that only began to be structured and organized in Québec relatively recently.

Initial efforts focused on improving the technology. They took the form of purchasing computer hardware that supported the agents' work and furniture adapted to the strains of continuous operation in which agents replace one another at the same workstation. The results of the psychosocial risk study show that, in a subsequent phase, efforts should be focused on cognitive and emotional support. Such support requires the development of training based on the transmission and exchange of know-how related to communication when taking calls. It also implies a deepening of relationships with first responders and especially patrol officers. The follow-up committee has developed courses of action with that in mind. More generally, this research project has made it possible to develop an ergonomic study methodology for interventions aimed at reducing psychosocial risks.

ISBN

9782896315871

Mots-clés

Service d'urgence, Emergency organisation, Central téléphonique, Telephone exchange, Troubles musculosquelettiques, Musculoskeletal disease, Santé mentale, Mental health, Ergonomie, Ergonomics, Aspect psychosocial, Psychosocial aspect, Méthodologie, Methodology, Rassemblement des données, Data collection, Analyse des données, Data analysis, Évaluation des résultats, Evaluation of results, Aménagement des postes, Workplace design, Charge de travail mental, Mental workload, Relations du travail, Labour relation, Rythme cardiaque, Pulse rate, Analyse des tâches, Job analysis, Organisation de la prévention, Safety and health organisation, Québec

Numéro de projet IRSST

0099-4570

Numéro de publication IRSST

R-720

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