Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
2011
Langue
Français
Résumé
Ce projet de recherche vise à mieux comprendre le développement de l'état de stress post-traumatique (ÉSPT), à la suite d'un accident de travail, par l'étude des facteurs de risque et de protection qui y sont associés. Il provient d'une demande du milieu policier où les travailleurs sont fréquemment exposés à des événements traumatiques (ÉT). Les chercheurs posent l'hypothèse que les facteurs péri et post-traumatiques pourront mieux expliquer le développement de l'ÉSPT et l'adaptation aux ÉT vécus par le personnel exposé que les facteurs pré-traumatiques. Cette étude est originale, car elle s'intéresse aux facteurs de protection peu étudiés, fait la distinction entre trois niveaux de facteurs (pré, péri et post-traumatiques) et porte sur des policiers québécois. Elle est inédite, car elle inclut autant des hommes que des femmes et elle comprend un volet rétrospectif et un volet prospectif complémentaire et essentiel à une meilleure compréhension des facteurs prévisionnels de l'ÉSPT. Le présent rapport de recherche présente principalement les résultats du volet prospectif, mais il fait le lien avec les données obtenues dans le rapport de recherche rétrospectif.
Quatre-vingt-trois policiers du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) et d'autres corps policiers ont pris part, sur une base volontaire, à l'étude prospective à mesures répétées (devis quasi-expérimental). Ils ont tous été impliqués dans un événement majeur entre les mois de mai 2006 et mai 2010. Ils ont été évalués en moyenne entre 5 et 15 jours, 1 mois, 3 mois et 12 mois après l'événement. Les mêmes instruments de mesure que lors de l'étude rétrospective ont été utilisés. Des entrevues semi-structurées ainsi que des questionnaires auto-rapportés ont été utilisés afin de déterminer la présence ou non d'un ÉSPT et d'évaluer divers facteurs prévisionnels associés au développement de ce trouble. Les instruments ont été choisis pour leurs qualités psychométriques et cliniques et parce qu'ils permettent de tester adéquatement les hypothèses de recherche. Des analyses statistiques multivariées ont contribué à préciser les principaux facteurs prévisionnels en jeu et la force de leur impact sur la modulation de l'ÉSPT.
Les résultats de l'étude prospective démontrent que 3 % des policiers ont souffert d'un ÉSPT clinique, alors que 9 % ont vécu un ÉSTP partiel. Par contre, les données provenant de l'étude rétrospective montrent que 7,6 % des policiers de l'échantillon ont souffert d'un ÉSPT clinique, alors que 6,8 % ont éprouvé un ÉSPT partiel. Au niveau du volet prospectif, les résultats des analyses de régression indiquent que les facteurs de risque au niveau posttraumatique (c.-à-d., les symptômes d'état de stress aigu (ÉSA) et de la dépression) sont les prédicteurs les plus saillants. Les facteurs de risque pré-traumatiques (la stratégie de gestion du stress au niveau émotionnel) et péri-traumatiques (la détresse péri-traumatique et la dissociation) sont moins proéminents, mais demeurent néanmoins des facteurs de risque significatifs. Nous n'avons pas observé de facteurs de protection associés négativement avec les symptômes de l'ÉSPT. Les résultats d'une régression logistique multiple lors de l'étude rétrospective indiquent que les facteurs de risque et de protection au niveau péri-traumatique (c.-à-d., la dissociation et le soutien social pendant l'événement) sont les prédicteurs les plus prépondérants. Les résultats des analyses descriptives dans l'étude rétrospective démontrent que les policiers ont recours à divers moyens et stratégies d'adaptation pour faire face à un événement critique au travail. Les policiers mentionnent que d'en parler aux collègues, obtenir leur soutien et avoir des loisirs sont des aspects qui les aident particulièrement après un ÉT. Les policiers conseillent à leurs confrères qui vivent un tel événement d'en parler, de consulter un psychologue et sont eux-mêmes ouverts en majorité à l'idée de recevoir un tel service si besoin est.
Le faible taux de l'ÉSPT chez les policiers évalués dans cette étude contrairement aux attentes initiales démontre que les policiers paraissent résilients, malgré le fait qu'ils représentent une population à haut risque de vivre des ÉT dans le cadre de leur travail. Les résultats de cette étude confirment plusieurs connaissances actuelles que l'on retrouve dans la littérature portant sur diverses populations, dont les policiers. Puisque les facteurs associés avec le développement de l'ÉSPT chez les policiers (c.-à-d. la dissociation, les réactions émotionnelles et physiques, l'ÉSA, les symptômes dépressifs, les stratégies émotionnelles de gestion du stress) peuvent potentiellement être atténués ou prévenus, des interventions spécifiques et adaptées pourraient être développées afin de mieux cibler ceux-ci et ultérieurement mieux prévenir le développement de l'ÉSPT. Les facteurs qui sont associés avec l'adaptation suite au trauma (c.-à-d., la personnalité résistante au stress, le soutien social) peuvent, quant à eux, être développés ou améliorés grâce à des stratégies préventives qui ont avantage à être incluses dans des programmes de formation du personnel policier en général. Les résultats de cette étude pourront enrichir la formation donnée par le Programme d'aide aux policiers et policières (PAPP) du SPVM et d'autres corps policiers. De plus, les résultats viennent confirmer l'importance d'une approche préventive qui est déjà une pratique préconisée et appliquée par le PAPP. Cette approche pourrait également faire partie d'autres programmes d'aides aux employés dans le cadre d'autres corps policiers.
Cette étude, la première de ce type au Québec, pourrait servir de point de référence pour les prochaines recherches utilisant un échantillon de policiers québécois. Les connaissances acquises permettront de faciliter le dépistage et la prévention de l'ÉSPT. De plus, les recommandations formulées permettront au milieu policier de développer des stratégies susceptibles de favoriser, à la fois, le développement de mécanismes de protection face aux ÉT à venir et la diminution des facteurs de risque présents. Cette étude pourrait avoir des retombées importantes pour les différents groupes de travail qui sont également à haut risque d'être confrontés à des ÉT (les pompiers, les ambulanciers, les secouristes, les intervenants, etc.).
Abstract
The aim of this research project is to better understand the development of post-traumatic stress disorder (PTSD) following an occupational accident by studying the risk and protection factors related to it. The project originates from a request from the policing community, where workers are frequently exposed to traumatic events (TEs). The researchers hypothesize that peri- and post-traumatic factors may better explain the development of PTSD and the adaptation to TEs experienced by exposed personnel than pre-traumatic factors. This study is original, because it is interested in the basically unstudied protection factors, distinguishes between three levels of factors (pre-, peri- and post-traumatic) and involves Québec police officers. It is a first because it includes as many men as women and consists of a retrospective component and a complementary prospective component essential to a better understanding of PTSD predictive factors. This research report mainly presents the results of the prospective component, but it makes the link with the data obtained in the retrospective research report.
Eighty-three police officers from the Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM, City of Montréal Police department) and other police forces took part, on a voluntary basis, in the prospective study with repeated measurements (quasi-experimental approach). They had all been involved in a major event between the months of May 2006 and May 2010. On average, they were evaluated between 5 and 15 days, 1 month, 3 months, and 12 months after the event. The same measuring instruments were used as during the retrospective study. Semi-structured interviews as well as self-report questionnaires were used to determine whether a PTSD was present or not, and to evaluate various predictive factors associated with the development of this disorder. The instruments were chosen for their psychometric and clinical qualities and because they allow the research hypotheses to be appropriately tested. Multivariate statistical analyses helped determine the main predictive factors in play and the strength of their impact on the modulation of PTSD.
The results of the prospective study show that 3% of police officers have suffered from a clinical PTSD, while 9% have experienced a partial PTSD. However, the data from the retrospective study show that 7.6% of the police officers in the sample have suffered from a clinical PTSD, while 6.8% have experienced a partial PTSD. For the prospective component, the results of the regression analyses indicate that post-traumatic risk factors (meaning the symptoms of acute stress disorder (ASD) and depression) are the prominent predictors. Pre-traumatic risk factors (the strategy for stress management at the emotional level) and peri-traumatic risk factors (peri-traumatic distress and dissociation) are less prominent, but nevertheless remain significant risk factors. We did not observe any protection factors negatively associated with PTSD symptoms. The results of a multiple logistic regression during the retrospective study indicate that the peri-traumatic risk and protection factors (meaning dissociation and social support during the event) are the most prevalent predictors. The results of the descriptive analyses in the retrospective study show that police officers have various means and adaptation strategies for dealing with a critical event at work. The police officers mention that talking about it with their colleagues, obtaining their support, and having leisure activities are aspects that particularly help them following a TE. The police officers advise their colleagues experiencing such an event to talk about it, to consult a psychologist and, for the most part, are themselves open to the idea of receiving such a service if needed.
The low PTSD rate in the police officers evaluated in this study, contrary to initial expectations, shows that police officers appear resilient, despite the fact that they represent a population at high risk of experiencing TEs in the context of their work. The results of this study confirm some current knowledge found in the literature on various populations, including police officers. Since the factors associated with PTSD development in police officers (namely dissociation, emotional and physical reactions, ASD, depressive symptoms, emotional strategies for stress management) can potentially be attenuated or prevented, specific and adapted interventions could be developed to target them better, and subsequently better prevent the development of PTSD. The factors associated with adaptation following trauma (namely stress-resistant personality, social support) can be developed or improved due to preventive strategies that will benefit from being included in police personnel training programs in general. The results of this study can enrich the training given by the Programme d'aide aux policiers et policières (PAPP, police assistance program) of the SPVM and other police forces. Also, the results confirm the importance of a preventive approach, which is already a practice favoured and applied by the PAPP. This approach could also be part of other employee assistance programs in the context of other police forces.
This study, the first of this type in Québec, could serve as reference point for future studies using a sample of Québec police officers. The acquired knowledge will make it easier to identify and prevent PTSDs. Also, the formulated recommendations will enable the policing community to develop strategies likely to promote the development of protective mechanisms for future TEs as well as the reduction of existing risk factors. This study could have major spinoffs for different working groups that are also at high risk of TEs (firefighters, ambulance attendants, rescue workers, responders, etc.).
ISBN
9782896315789
Mots-clés
Stress post-traumatique, Posttraumatic stress, Critère de risque, Hazard criteria, Police, Police force, Enquête par entrevue, Interview survey, Montréal-région, Montreal-region
Numéro de projet IRSST
0099-3930
Numéro de publication IRSST
R-710
Citation recommandée
Marchand, A., Boyer, R., Nadeau, C. et Martin, M. (2011). Facteurs prévisionnels du développement de l'état de stress post-traumatique à la suite d'un événement traumatique chez les policiers : volet prospectif (Rapport n° R-710). IRSST.