Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2012

Langue

Anglais

Résumé

D’abord, une analogie

Pour bien expliquer l’objet de ce projet de recherche, nous allons d’abord recourir à une analogie. Supposons deux personnes de même poids qui sont invitées chez des amis. À midi, leur hôte débouche une bouteille de vin et leur offre à boire. La première personne commence à consommer très lentement de sorte qu’à huit heures du soir, elle a bu la moitié de la bouteille. La seconde personne commence à boire à sept heures trente du soir et avale donc aussi une demi-bouteille, mais d’un seul trait. Leur hôte leur propose ensuite un jeu qui consiste à marcher sur une ligne droite, les yeux bandés. Il y a fort à parier que la seconde personne aura plus de difficulté à marcher droit.

L’industrie du plastique renforcé de fibre de verre

Dans l’industrie du plastique renforcé de fibre de verre (IPRFV), les procédés sont habituellement discontinus, c’est-à-dire que les travailleurs doivent appliquer de la résine contenant diverses substances chimiques sur une grande surface, mais pendant une courte période. Il en est ainsi pour la fabrication d’une coque de bateau en fibre de verre ou encore d’une plate-forme de balcon. Pendant une période de dix, 15 ou 30 minutes, les travailleurs seront donc exposés à des concentrations assez élevées de produits dont le styrène. Puis, pendant parfois quelques heures, les autres opérations ne les exposeront que très peu au styrène. Au bout de la journée, si on calcule leur exposition moyenne, on déduira parfois qu’ils ont été assez peu exposés (comme dans le cas de la demi-bouteille de vin bue sur huit heures) alors que certains travailleurs auront été exposés à des fortes concentrations pendant une courte période (comme pour la demi-bouteille de vin bue en 30 minutes).

Les objectifs de la recherche

Le projet de recherche avait donc deux objectifs principaux. D’une part, nous voulions faire des mesures en continu dans les milieux de travail pour bien connaître les profils d’exposition des travailleurs de l’IPRFV. D’autre part, nous voulions savoir s’il est possible que de « fortes » expositions pendant de courtes périodes de temps, les « pics », puissent avoir un effet sur le système nerveux des travailleurs.

Les mesures dans les entreprises

Dans le cadre de cette recherche, nous avons visité dix entreprises dans l’IPRFV dans la province de Québec. Nous avons recruté 104 sujets (51 hommes, 53 femmes) qui travaillent dans cette industrie. À l’aide d’un chromatographe en phase gazeuse nous avons mesuré, près de la zone respiratoire des travailleurs, les concentrations de styrène sur toute la journée et par conséquent pendant les opérations d’étalement de la résine sur les surfaces des pièces à recouvrir. Les volontaires ont été divisés en trois groupes en fonction de leur concentration moyenne d’exposition sur la durée du quart de travail. En moyenne, le « Groupe témoin » était exposé à 7 mg/m3, le « Groupe moyen » à 137 mg/m3 et « Groupe élevé » à 333 mg/m3. Nous avons aussi constaté qu’il y avait effectivement des « pics » d’exposition. Par la suite, les volontaires ont également été classés en fonction de leur exposition ou non à des pics : « Groupe témoin » (le même que précédemment), « Groupe sans pics » (qui n’est pas exposé à de grandes variations de la concentration dans l’air) et « Groupe avec pics » (exposé à de grandes variations de la concentration dans l’air).

Les « pics » sont-ils toxiques?

Nous avons soumis tous les volontaires à une série de tests qui vérifiaient s’il y avait des modifications faible au niveau de leur système nerveux. Par exemple, nous avons évalué leur capacité à distinguer des couleurs qui se ressemblent beaucoup, leur mémoire, leur temps de réaction et leur vigilance (capacité à rester concentré pendant toute la durée d’un test). Nous avons aussi mesuré la présence de certains symptômes tels que les irritations ou les écoulements du nez et de la gorge. Pour répondre à la question de la toxicité du styrène (concentration moyenne et présence ou absence des pics), les groupes de travailleurs ont été comparés en fonction de leurs résultats aux différents tests.

Résultats et conclusion

Pour résumer les résultats de ce projet, nous avons observé d’importants pics d’exposition au styrène dans l’industrie du plastique renforcé de fibre de verre, même que dans certains cas, les valeurs de styrène mesurées dépassaient les normes prescrites par le Règlement sur la santé et la sécurité du travail. Par ailleurs, les volontaires exposés au styrène à des concentrations moyennes de 137 mg/m3 ont présenté une fréquence de symptômes d’irritation plus élevée que le « Groupe témoin » ou le « Groupe moyen ». Pour les autres tests et symptômes, les résultats ne montrent pas de relation entre le styrène, aux niveaux d’exposition dans cette étude, et les effets mesurables sur le système nerveux. Aussi, les résultats obtenus chez le « Groupe avec pics » n’étaient pas différents de ceux obtenus à la fois chez le « Groupe témoin » et le « Groupe sans pics ».

Il est important de noter que dans plusieurs études, il a été démontré que la durée d’exposition au styrène (plus de huit ans) peut avoir un effet sur le système nerveux. C’est un facteur important à considérer dans l’étude des effets chroniques du styrène. La durée d’exposition moyenne des travailleurs dans notre étude n’était que de 5,6 ans, ce qui pourrait expliquer les résultats négatifs que nous avons obtenus. Les concentrations des pics demeurent élevées dans l’IPRFV et doivent à ce titre continuer à faire l’objet d’une attention particulière de la part des hygiénistes du travail lors de la mesure des concentrations de styrène dans le milieu de travail.

Abstract

First, here is an analogy.

To properly explain the objective of this research project, we will first use an analogy. Suppose that two people of the same weight are invited to visit friends. At noon, their host opens a bottle of wine and offers some to them. The first person starts drinking very slowly so that by eight o’clock in the evening, he has consumed half of the bottle. The second individual starts drinking at seven thirty in the evening and therefore also drinks half a bottle, but all at once. Their host then proposes a game that involves walking a straight line with their eyes covered. The chances are great that the second person will have more difficulty walking a straight line.

The fibreglass reinforced plastics industry

In the fibreglass reinforced plastics industry (FRPI), the processes are generally discontinuous, meaning that the workers must apply resin containing various chemical substances over a large surface, but in a short period of time. This is what occurs in the manufacture of a boat hull made of fibreglass, or even a balcony platform. During a 10-, 15- or 30-minute period, the workers will therefore be exposed to rather high concentrations of products, including styrene. Then, sometimes for a few hours, the other operations will expose them only slightly to styrene. At the end of the day, if their average exposure is calculated, it will sometimes be determined that they were not extensively exposed (as in the case of the half-bottle of wine consumed over an eight-hour period) while some workers were exposed to high concentrations for a short period (as in the half-bottle consumed in 30 minutes).

The objectives of the study

The research project therefore had two main objectives. On the one hand, we wanted to perform continuous measurements in order to properly understand the exposure profiles of FRPI workers. On the other hand, we wanted to know whether “high” exposures for short periods of time, “peaks,” can have an effect on the workers’ nervous systems.

Measurements in the companies

In the framework of this study, we visited ten companies in the FRPI in the province of Québec. We recruited 104 subjects (51 men, 53 women) working in this industry. Using a gas chromatograph, we measured the styrene concentrations close to the workers’ breathing zones over the entire day and, as a result, during the resin spreading operations on the surfaces of the parts to be coated. The volunteers were divided into three groups based on their average exposure concentration during the work shift. On average, the “Control group” was exposed to 7 mg/m3, the “Average group” to 137 mg/m3, and the “High group” to 333 mg/m3. We also noted that there were in fact exposure “peaks.” Subsequently, the volunteers were also classified according to their exposure or non-exposure to peaks: “Control group” (the same as previously), “Group without peaks” (not exposed to large variations in the concentration in the air), and “Group with peaks” (exposed to large variations in the concentration in the air).

Are the “peaks” toxic?

We subjected all the volunteers to a series of tests to verify whether there were slight modifications in their nervous systems. For example, we evaluated their capacity to differentiate very similar colours, their memory, their reaction time, and their attention (capacity to remain attentive throughout the duration of the test). We also measured the presence of certain symptoms such as nasal and throat irritation or discharge. To answer the question of styrene toxicity (average concentration and presence or absence of peaks), the groups of workers were compared on the basis of their results to the different tests.

Results and conclusion

To summarize the results of this project, we observed important styrene exposure peaks in the fibreglass reinforced plastics industry, even though in certain cases, the measured styrene values exceeded the standards prescribed by the Regulation respecting occupational health and safety. Furthermore, the volunteers exposed to styrene at average concentrations of 137 mg/m3 showed a frequency of irritation symptoms higher than the “Control group” or the “Average group.” For the other tests and symptoms, the results showed no relationship between styrene, at the exposure levels in this study, and measurable effects on the nervous system. Also, the results obtained with the “Group with peaks” were no different from those obtained with the “Control group” and the “Group without peaks.”

It is important to note that in several studies, the styrene exposure duration (more than eight years) has been demonstrated to have a possible effect on the nervous system. This is an important factor to consider in studying the chronic effects of styrene. The average duration of exposure of the workers in our study was only 5.6 years, which could explain the negative results that we obtained. The concentrations of the peaks remain high in the FRPI and must continue to receive particular attention by occupational hygienists when measuring styrene concentrations in the workplace.

Une version française de ce rapport est disponible à https://pharesst.irsst.qc.ca/rapports-scientifique/400

ISBN

9782896315956 (PDF)

Mots-clés

Plastique renforcé aux fibres de verre, Glass fibre reinforced plastic, Styrène, CAS, Effet neurotoxique, Neurotoxic effect, Évaluation de l'exposition, Exposure evaluation, Étude de cohorte, Cohort study, Québec

Numéro de projet IRSST

0099-2210

Numéro de publication IRSST

R-728

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