Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
1998
Langue
Français
Résumé
Les maux de dos sont coûteux pour les travailleurs et les employeurs. Il est reconnu que l’origine des maux de dos réside partiellement dans des perturbations du rôle mécanique normal des tissus et structures internes du tronc. Pour la plupart des activités de la vie courante, le tronc joue un rôle primordial dans la transmission des forces entre les membres inférieurs et supérieurs. Les muscles du tronc sont les principaux responsables de sa stabilité et de sa mobilité en fonction des besoins de l’activité effectuée.
Pour quantifier et étudier les phénomènes internes se produisant au niveau des structures anatomiques, une approche classique consiste à créer un modèle biomécanique articulaire. Ce type de modèle porte en général sur une articulation donnée et inclut la configuration des structures osseuses, des muscles et de certaines autres structures de support comme les ligaments et les disques intervertébraux. Le principal problème avec ce type de modèle se situe au niveau de sa solution. Un modèle à solution mathématique optimale (OPT) équilibre parfaitement les moments mais est incapable de représenter correctement l’activité musculaire d’un individu. À l’opposé, un modèle à solution physiologique basé sur le signal électromyographique (EMG) représente correctement l’activité musculaire individuelle mais ne parvient jamais à équilibrer les moments. La combinaison de ces deux méthodes pour obtenir une solution physiologique optimale (EMGAO) semble logique et commence à émerger dans la littérature.
Un modèle biomécanique articulaire à solution physiologique optimale (EMGAO) a été mis au point dans le cadre du présent projet. Il représente une coupe du tronc au niveau de l’articulation L5/S1 et utilise une méthode hybride mariant l’optimisation mathématique et les signaux EMG pour prédire les forces au centroïde du disque intervertébral L5/S1 et la tension produite par chacun des muscles modélisés.
Cinq études impliquant onze sujets sains ont servi à évaluer la performance de ce modèle. Les sujets ont effectué trois tâches de manutention d'une même charge (12 kg), soit un soulèvement dans le plan sagittal, une flexion latérale dans le plan frontal et un soulèvement libre impliquant une rotation du tronc. L'exécution des tâches fut enregistrée par cinq caméras vidéo, les forces externes furent mesurées par deux plates-formes dynamométriques et une caisse dynamométrique et les signaux EMG de douze muscles furent recueillis à l'aide d’électrodes de surface actives. Le nouveau modèle parvient à prédire convenablement les forces musculaires à partir du signal EMG tout en respectant l'équilibre des moments à l'articulation L5/S1. Il est particulièrement sensible à certains de ses intrants, notamment le moment à L5/S1, le signal EMG et les bras de leviers des muscles. Cette sensibilité touche particulièrement les muscles spinaux et obliques et varie en fonction de la tâche analysée et de la posture.
La dernière de ces cinq études présente et évalue une nouvelle approche pour calculer la coactivation musculaire impliquant l’utilisation simultanée d'un modèle OPT et EMGAO. La coactivation en antagonisme peut être représentée graphiquement par une surface et s'exprime aussi sous la forme d'un moment, ce moment pouvant être comparé à chacune des composantes du moment original à I’articulation L5/S1. Les résultats de cette étude montrent que les patrons de coactivation musculaire sont significativement différents entre les tâches, les mouvements dans le plan frontal et les gestes complexes générant les valeurs les plus élevées. Les résultantes relatives montrent de 9 à 36% de coactivation musculaire maximale en moyenne. Pour les tâches les plus touchées, la présence de coactivation musculaire est significativement supérieure en flexion latérale par rapport à l'extension-flexion et à la rotation axiale. L’estimation de la coactivation musculaire chez des personnes saines pour les tâches de manutention étudiées ici démontre le potentiel de l'approche pour quantifier les phénomènes musculaires. Des résultats prometteurs sont anticipés pour son application aux personnes lombalgiques.
Les résultats obtenus avec le nouveau modèle confirment ceux retrouves dans la littérature. Pour chaque muscle, le nouveau modèle prédit généralement une courbe de force musculaire dont la forme est fortement corrélée avec le signal EMG tout en utilisant ces mêmes forces musculaires estimées pour équilibrer parfaitement les moments à l'articulation L5/S1. Le modèle a l'avantage de pouvoir reproduire en situation dynamique des patrons individualisés d' activité musculaire. Ceci pourrait constituer une caractéristique importante pour l'étude de lombalgies qui seraient caractérisées par des variations au niveau des stratégies musculaires.
En ce qui concerne la coactivation musculaire, elle pourrait être reliée à différentes façons d'exprimer la stabilité (rigidité) et la mobilité de la région lombaire selon la tâche effectuée et selon la présence ou non de maux de dos. En la quantifiant, il devient possible d'identifier autant les stratégies efficaces de protection utilisées par les personnes saines que les stratégies inefficaces utilisées par les personnes lombalgiques. La connaissance des stratégies musculaires efficaces pourrait permettre le suivi de personnes lombalgiques et l'évaluation périodique des progrès réels résultant de diverses procédures de rééducation.
Si la piste de la coactivation s'avère juste, les procédures de collecte de données devront être simplifiées pour rendre possible l'utilisation des instruments de mesure hors d'un laboratoire de recherche. Si des stratégies musculaires différentes existent entre des sujets sains et lombalgiques, alors l'approche préconisée pourrait, une fois simplifiée adéquatement, être extrêmement utile pour détecter et suivre des cas de lombalgies.
Mots-clés
Maux de dos, Backache, Mécanique humaine, Body mechanics, Soulèvement des charges, Manual lifting, Force musculaire, Muscular strength, Détermination expérimentale, Experimental determination, Modèle, Model
Numéro de projet IRSST
0092-0300
Numéro de publication IRSST
R-198
Citation recommandée
Gagnon, D. et Loisel, P. (1998). Étude de l'effet de l'interaction entre l'asymétrie du mouvement et la coactivation musculaire sur le chargement lombaire chez des sujets sains et lombalgiques : phase 1 : développement et validation d'un modèle biomécanique articulaire à solution physiologique optimale (Rapport n° R-198). IRSST. https://pharesst.irsst.qc.ca/rapports-scientifique/409
