Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2008

Langue

Français

Résumé

Contexte et problématique

Cette étude fait suite à une demande conjointe formulée à l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST), par l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail, secteur des affaires municipales (APSAM) et la Ville de Saguenay, sur la sécurité de réduire la distance de garde en tête des excavations utilisant des tuyaux de tôle en acier ondulé et galvanisé (TTAOG) comme structure d’étançonnement temporaire, lors des travaux d’entretien et de réparation des réseaux souterrains d’aqueduc et d’égout, en milieu urbain. L’utilisation de divers systèmes d’étançonnement, dont le TTAOG, lors de travaux d’excavation, pour l’entretien ou la réparation des réseaux souterrains d’aqueduc et d’égout, en milieu urbain, semble en pleine croissance dans les municipalités du Québec et d’ailleurs.

Au Québec, les travaux d’excavation sont régis par l’article 3.15.3 du Code de sécurité pour les travaux de construction (S-2.1, r.6). Celui-ci stipule à l’alinéa 5 qu’il est interdit de : (a) déposer des matériaux à moins de 1,2 mètre du sommet des parois; (b) circuler ou stationner des véhicules ou des machines à moins de 3 mètres du sommet des parois, à moins qu’un étançonnement renforcé n’ait été prévu en conséquence. Par ailleurs, l’article 2.3.1. du S-2.1, r.6 précise que : dans l’application du présent code, la nature, les dimensions et la disposition des matériaux peuvent différer des règles fixées pour autant que la résistance des matériaux et leur emploi offrent une sécurité équivalente à celle prescrite.

Ces exigences du code de sécurité constituent, de toute évidence, des limites contraignantes, voire pénalisantes, notamment dans les chantiers situés en milieu urbain. C’est ce qui a motivé la demande de la Ville de Saguenay pour étudier s’il est possible de réduire la distance de garde en tête des excavations étançonnées par un tuyau de tôle en acier ondulé et galvanisé de 1500 mm de diamètre, désigné par TTAOG-1500, en présence de machinerie et de véhicules lourds. Cette étude s’inscrit dans l’esprit de l’article 3.15.3.5 du S-2.1, r.6, puisque celui-ci autorise la circulation ou le stationnement des véhicules ou des machines à moins de 3 mètres du sommet des parois si un étançonnement renforcé de ces parois est prévu en conséquence.

Objectifs de l’étude

L’objectif de cette étude vise à déterminer, à travers des investigations expérimentales et numériques, la capacité critique des TTAOG-1500 comme système d’étançonnement vertical d’excavations temporaires.

Plus spécifiquement, l’étude vise à savoir si le TTAOG-1500, utilisé comme étançonnement lors des travaux d’excavation de courte durée, permet de :

  1. déposer, en toute sécurité, des matériaux à moins de 1,2 mètre du sommet des parois;
  2. circuler ou de stationner, en toute sécurité, des véhicules ou des machines à moins de 3 mètres du sommet des parois.

Méthodologie

La méthodologie renferme des investigations expérimentales et théoriques :

  1. les investigations expérimentales sont réalisées par des essais sur les tuyaux TTAOG-1500 effectuées : (i) en laboratoire où les tuyaux sont soumis à l’essai de chargement par plaques parallèles ; et (ii) en chantier où, pour un type de sol pulvérulent, les tuyaux servant d’étançonnement, sont soumis à différentes conditions de chargement, en termes de distance en tête d’étançonnement, de type de camion, de vitesse de circulation, ou encore de défaut de chaussée. Parallèlement, des essais géotechniques ont été réalisés pour préciser les paramètres mécaniques des sols en place.
  2. les investigations théoriques consistent à tester un modèle numérique du système tuyau-sol, en utilisant des simulations numériques par éléments spectraux de l’essai de chargement au FWD (falling weight deflectometer (déflectomètre à masse tombante)) et à confronter les valeurs calculées avec les données obtenues en chantier.

Il s’agit d’une approche globale intégrant, à la fois, l’expérimentation informatique (ou simulations), l’expérimentation en chantier et l’expérimentation en laboratoire. Cette approche de validation, à travers la confrontation des mesures et observations, obtenues des tests de simulation, ainsi que des essais de laboratoire et en chantier, autorise une interprétation plus fiable des résultats et une formulation crédible de ses conclusions et recommandations.

Résultats

Voici les principaux résultats des investigations conduites dans le cadre de cette étude :

  • Le tuyau TTAOG-1500 intact et utilisé correctement est extrêmement robuste et a la capacité mécanique nécessaire, sous des conditions qui seront précisées dans le rapport, de supporter les actions mécaniques suivantes :
    • les surcharges provenant du dépôt de matériaux de construction ou la présence de véhicules stationnés à moins de 1,2 mètre du sommet de l’étançonnement tubulaire;
    • les surcharges dynamiques engendrées par la circulation de véhicules ou d’équipements lourds comme les camions de transports de matériaux (exemple, le camion Mack 10 roues, le rouleau compacteur Ingersoll-Rand ou le camion VAC-CON).
  • Les facteurs suivants ont une influence significative : les défauts de chaussée, distance en tête et nature dynamique de la surcharge.
  • Les surcharges transitoires et dynamiques développées sur la paroi verticale de l’étançonnement lors du passage des équipements lourds de construction (camions, rouleau, etc.) se superposent au poids des terres; elles sont significatives et doivent être prises en compte dans le calcul des étançonnements.
  • La réponse du TTAOG-1500 à un chargement statique par blocs est complexe. Le tuyau a d’abord été sollicité statiquement par le déversement de sable, puis par le dépôt de 15 blocs de béton placés contre le tuyau. Ceux-ci imposent une pression verticale de contact de 45kPa. Les mesures expérimentales ont permis de constater les faits suivants:
    • la compression diamétrale maximale (ΔDTTAOG ) du tuyau TTAOG sous l’action de la poussée des terres par le sable seul est de 0,07 mm (0,005% de DTTAOG ) et survient près de la surface (à 609 mm sous la surface) ;
    • ΔDTTAOG augmente à 0,36 mm (à une profondeur de 609 mm), suite à l’application des blocs de béton. La déformation nette maximale, due aux blocs de béton, est alors de 0,29 mm (ou 0,02 % du diamètre du tuyau) ;
    • les déplacements nets peuvent donc être considérés comme globalement négligeables lors de ces essais de chargement statique.
  • La contrainte horizontale, mesurée sur le tuyau après le déversement et la mise en place du sable autour du TTAOG et son compactage, conduit à un rapport de contraintes initiales de σ’ ho/σ’ vo de l’ordre de 1,4 à une profondeur de 2,49 m. Cette valeur élevée s’explique par le compactage du sable autour du TTAOG, ce qui a augmenté la contrainte horizontale.
  • Le dépôt de blocs de béton a induit une augmentation maximale des contraintes horizontales (i.e. une « surcharge » ou une « contrainte nette » Δσ) de 3,2 kPa au niveau du premier capteur de pression horizontale (CPH 1) et une relaxation des contraintes aux niveaux des autres capteurs situés en profondeur (CPH 2, CPH 3 et CPH 4). La diminution maximale des contraintes est de 15% à une profondeur de 2,5 m.
  • Influence des différents paramètres :
    • Distance en tête d’étançonnement : Les surcharges dynamiques latérales augmentent rapidement lorsque la distance en tête d’étançonnement diminue. Dans un cas, notamment (avec camion Mack et dos d’âne), la surcharge horizontale (ou contrainte nette) a augmenté de 600 % lorsque la distance en tête passe de 2,0 m à 0,2 m (essai C10-A1-V10-D0,2). Les déplacements nets diminuent aussi rapidement lorsque la distance en tête d’étançonnement augmente. Par exemple, pour le cas des essais C10-A1-V10 (camion Mack, dos d’âne, vitesse de 10 km/h), le déplacement net mesuré à une profondeur de 613 mm passe de 0,03 mm à 0,94 mm, lorsque la distance en tête pour le passage du camion Mack (C10) passe de 2 m à 0,2 m. Cette valeur de 0,94 mm est le maximum atteint impliquant tous les équipements. Elle représente 0,02% du diamètre (D) du tuyau TTAOG, ce qui est largement en deçà de la valeur à la rupture qui est généralement de 5%D;
    • Vitesse : La vitesse a tendance à légèrement augmenter les contraintes et les déplacements horizontaux dans le tuyau;
    • Défauts de chaussée : Les défauts dans la chaussée ont un impact significatif sur la réponse de l’étançonnement tubulaire. Un dos d’âne a été mis en place à proximité du TTAOG pour simuler les défauts dans la chaussée et les mesures ont montré que la surcharge latérale s’accroît par un facteur de 3,5 (à une profondeur de 0,61 m et à une distance en tête de 0,2 m) en présence d’un dos d’âne. Toutefois, cet effet s’atténue très rapidement avec la distance en tête : à une même profondeur de 0,61 m mais à une distance de 2,0 m, le facteur d’accroissement de la contrainte n’est plus que de 1,3. Un comportement similaire a été observé pour les déplacements horizontaux.
    • Impact : Dans le cas des charges par impact, telles que celles induites par le Falling Weight Deflectometer (FWD) (Deflectomètre à masse tombante), les surcharges dynamiques horizontales (Δσ) les plus fortes ont été mesurées à faible profondeur (613 mm); le Δσ le plus élevé est de 11,7 kPa pour l’essai exécuté à une distance de 0,95 m et une charge de 55 kN. Les résultats montrent également que plus le poids de la charge d’impact est élevé, plus la surcharge dynamique horizontale est élevée : la surcharge Δσ passe de 5,1 kPa à 11,7 kPa (facteur de 2,3) pour des forces d’impact allant de 25 kN à 55 kN (rapport de 2,2);
  • Un modèle élasto-dynamique par éléments spectraux intégré dans le code DYNAPAV-UL a aussi été utilisé pour étudier la distribution des contraintes et des déplacements dans le sol sous l’action d’un impact dynamique. Les propriétés du sol ont été déterminées par rétro-calcul dynamique selon la méthode développée par Grenier (Grenier, 2007). Le modèle a ainsi permis de prédire de façon satisfaisante les valeurs de pointe des déplacements et des contraintes. Néanmoins, la méthode n’a pas pu capturer certains phénomènes complexes reliés à la dynamique du comportement en interaction du système TTAOG-sol encaissant.

Conclusions

Les travaux de chantier ont clairement démontré le comportement robuste des TTAOG. Aussi, le TTAOG peut être utilisé de façon sécuritaire en présence de véhicules ou équipements lourds ou de dépôts de matériaux de construction pour les conditions suivantes :

  1. les véhicules lourds peuvent circuler ou stationner, en toute sécurité, à moins de 3 mètres du sommet des parois, mais à plus de 1 m;
  2. la masse totale en charge de ces véhicules ne doit pas dépasser 25 250 kg.
  3. pour des considérations pratiques de sécurité en chantier, la distance des dépôts de matériaux ou autres surcharges statiques doit être supérieure à 0,6 m (ou 2 pieds) entre la tête de l’étançonnement tubulaire;
  4. aucun défaut significatif de chaussée (trou, nid-de-poule, crevasse, etc.) n’est présent à l’intérieur d’une distance de 2,0 m de l’étançonnement;
  5. le tuyau TTAOG a été inspecté avant son utilisation, est en bon état et est complètement confiné par le sol;
  6. l’utilisation du modèle élasto-dynamique par éléments spectraux intégré dans le code DYNAPAV-UL ne peut pas être recommandé pour extrapoler les résultats de la présente étude à d’autres situations ou configurations analogues;
  7. pour tous les paramètres étudiés en régime dynamique, la distance de l’étançonnement joue un rôle clé et a systématiquement une influence défavorable. Les effets dynamiques s’atténuent rapidement avec la distance en tête d’étançonnement. Dans ce contexte, la réglementation actuelle a bien saisi l’importance de ce paramètre.

Recommandations

Les mesures en chantier ont montré que la réponse mécanique de l’étançonnement tubulaire, tant en régime dynamique que statique, est complexe et fait intervenir des considérations d’interaction sol-structure que les théories conventionnelles de Coulomb ou de Rankine ou élasto-dynamique sont incapables de capter entièrement. Nous recommandons de poursuivre les travaux de recherche sur l’analyse structurale des étançonnements pour en arriver à développer une méthode pratique de calcul et de dimensionnement qui tient compte des effets dynamiques et de l’interaction sol-structure.

Afin d’alléger le texte, les tableaux et les figures de résultats des investigations expérimentales et théoriques ont été colligés en annexes A, B, C et D. Ces annexes sont disponibles à https://pharesst.irsst.qc.ca/rapports-scientifique/553/

ISBN

9782896313082 (PDF)

9782896313075 (version imprimée)

Mots-clés

Excavation et tranchée, Trenching and excavating, Étançon, Prop, Tuyauterie, Piping, Distance de sécurité, Safe distance, Soutènement, Support of mineworkings, Stabilité du terrain, Soil stability, Mécanique des sols, Soil mechanics, Essai du matériel, Equipment testing, Simulation, Québec

Numéro de projet IRSST

0099-4430

Numéro de publication IRSST

R-582

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