Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2004

Langue

Français

Résumé

La littérature scientifique et les statistiques d’accidents permettent de cibler les magasins-entrepôt de grande surface comme étant à risque, principalement pour les maux de dos associés aux tâches de manutention. Or, un examen de la littérature montre qu’aucune étude ergonomique n’a caractérisé le travail de manutention dans ce type d’entreprise. Vu le nombre grandissant de magasins-entrepôt, il apparaissait important de mieux comprendre le travail, les risques en découlant et les pistes de solutions possibles dans ce type d’entreprise. Dans cette perspective, une analyse ergonomique de l’activité de manutention a été réalisée dans une succursale d’une importante chaîne de magasins-entrepôt établie un peu partout en Amérique du Nord. Le poste de placeur a été ciblé car c’est là où les travailleurs font le plus de manutentions.

Un questionnaire décrivant les symptômes musculo-squelettiques et certaines variables psychosociales a d’abord été adressé à la population de placeurs (n=21). Puis une analyse du travail a été réalisée chez un groupe de neuf placeurs en utilisant les méthodes classiques de l’ergonomie : différentes formes d’entretiens et des observations systématiques de l’activité de travail. Le diagnostic établi a été validé et les problèmes soulevés ont été priorisés par un groupe de placeurs puis par un comité de suivi chapeautant le projet. Un processus de recherche de solutions a ensuite été enclenché par un groupe de travail encadré par deux ergonomes.

Les résultats montrent que les symptômes musculo-squelettiques sont très présents dans la population des placeurs. Treize des 21 placeurs ont rapporté des symptômes au bas du dos dans les 12 derniers mois et 11 placeurs ont dû s’absenter en raison des symptômes qu’ils éprouvaient. Le travail sous contrainte de temps importante est la variable psychosociale la plus souvent rapportée (n=19) et est souvent associé à un niveau de stress important ou très important.

À partir d’un modèle diagnostique, les principaux déterminants influençant l’activité de manutention et les risques qui en découlent ont été décrits : équipements, contenants, aménagements physiques, gestion des stocks et des arrivages. Le transpalette est le seul équipement des placeurs, il est utilisé en moyenne 54 fois durant un quart de travail. Le principal problème mis en évidence en est un d’inadéquation entre les palettes et les transpalettes. Il existe deux types de palettes de dimensions différentes et aucun des transpalettes de l’entreprise n’est adapté aux deux types de palettes. On doit donc opérer avec deux sortes de transpalettes. Cela affecte beaucoup la dynamique de la manutention, soit on travaille avec un transpalette inadapté – ce qui occasionne des efforts supplémentaires – soit on va chercher le transpalette qui convient, ce qui génère des contraintes temporelles. Les contenants sont source de plusieurs contraintes. Il ressort de l’étude que les manutentions manuelles occupent en moyenne 74 % du quart. Durant un quart, les placeurs effectuent en moyenne 200 manutentions et le poids total moyen manutentionné atteint plus de 2000 kg. Les contenants sont de formes très variées : sur 1850 contenants caractérisés, il ressort que dans 37 % des cas, la dimension dominante est la profondeur alors que dans 45 % des cas, les contenants sont soit moyens ou gros. De plus, près de 90 % des contenants n’offrent aucune possibilité de prise, ce qui aurait pu en faciliter la manutention. La marchandise est souvent manutentionnée dans des boîtes dont le carton est fragile, ce qui occasionne une instabilité du contenant manipulé. Finalement, l’obligation d’effectuer des opérations de présentation sur les contenants alourdit les tâches de manutention. L’étude montre que des modes opératoires avantageux, comme le glissement des contenants, sont souvent impossibles en raisons de contraintes d’aménagement.

Les aménagements physiques sont avant tout conçus pour la vente et génèrent plusieurs contraintes physiques. En raison des standards de la compagnie, les hauteurs de dépôt sont souvent élevées, ce qui est associé à des postures extrêmes des épaules. Sur 452 manutentions caractérisées, des dépôts avec les deux mains au-dessus des épaules ont été observés dans 13 % des cas, et des postures à bout de bras ont été notées dans 20 % des cas. Les hauteurs de prise sont souvent basses, ce qui s’accompagne de flexions du dos : on a ainsi noté une flexion supérieure à 30 degrés dans plus de 54 % des prises. Par ailleurs, on observe qu’en raison notamment de la profondeur des palettes, la charge est éloignée du corps (plus de 30 cm) dans plus de 52 % des dépôts. Le facteur de pénibilité le plus souvent rapporté par les placeurs est une course verticale élevée de la marchandise (prendre bas et déposer haut). L’aménagement conditionne les espaces disponibles pour entreposer et placer la marchandise et, à ce titre, influence également les contraintes liées à la gestion des stocks et des arrivages.

L’étude montre que le travail des placeurs comporte un important et complexe travail de planification liée à la gestion des stocks et des arrivages. À partir d’informations souvent incomplètes, le placeur doit disposer sa marchandise dans sa section selon plusieurs critères. Il ressort en particulier des retards fréquents dans les arrivages. Le matin, le placeur est informé des heures d’arrivage de la nouvelle marchandise, il planifie donc son travail en conséquence et libère un espace pour faire place à la nouvelle marchandise. Comme aucun espace ne doit être lassé vide lors de l’ouverture, en cas de retard, le placeur doit, dans un temps limité, manipuler à nouveau la marchandise pour la déposer dans l’espace qu’il avait libéré. Les résultats montrent que les dysfonctionnements dans la gestion des stocks et des arrivages entraînent une augmentation de la charge de travail et des contraintes temporelles.

Des solutions ont été apportées aux différents problèmes observés. Par exemple, un transpalette adapté aux deux types de palettes a été implanté, la hauteur des baies a été réduite, les heures d’arrivage ont été devancées et un guide pour la manutention sécuritaire des contenants a été conçu à l’intention des acheteurs.

L’étude a également permis de décrire le processus de recherche de solutions, qui se distingue de celui observé en milieu manufacturier par trois caractéristiques : manque de compétences au sein du magasin, faible marge de manœuvre financière et communications à établir avec une succursale plus ou moins éloignée de l’entreprise. La démarche séquentielle diagnostic – recherche de solutions – implantation n’a pu être suivie dans la plupart des cas car des solutions ont été implantées tout au long de l’étude.

La discussion rappelle les particularités du magasin-entrepôt en ce qui concerne les activités de manutention et pose des hypothèses sur les aspects possiblement généralisables à l’ensemble des magasins-entrepôt. Les points forts et les limites de l’étude sont aussi commentés.

Ainsi, l’étude est originale. Elle trace un portrait précis des activités de manutention dans un magasin-entrepôt. Cependant, d’autres recherches sont requises pour dégager un portrait qui puisse être généralisable à l’univers des magasins-entrepôt de grande surface. Dans les études futures, il apparaît important de prendre en compte le travail en hauteur et d’approfondir les activités liées à la gestion des stocks et des arrivages qui semblent être une particularité de ce secteur.

Mots-clés

Supermarché, Supermarket, Manutention et stockage, Handling and storage, Évaluation ergonomique, Ergonomic evaluation, Manutention manuelle, Manual handling, Troubles musculosquelettiques, Musculoskeletal disease, Stockage sur rayonnages, Rack storage, Charge de travail mental, Mental workload, Charge physique, Physical workload, Commerce de détail, Retail trade

Numéro de projet IRSST

0099-0210

Numéro de publication IRSST

R-365

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