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Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2004

Langue

Français

Résumé

Problématique de santé et sécurité du travail et objectifs spécifiques du projet : Au Québec, en 2000, les maux de dos représentaient près du tiers des lésions professionnelles avec indemnisation, entraînant des coûts de plus de 425 millions de dollars en frais directs. Il est d’autre part reconnu que près de 80% des ressources allouées aux maux de dos chez les travailleurs sont dirigées vers une minorité de cas (moins de 10%) ayant nécessité un arrêt de travail de plus de six mois. Il importe donc de concentrer des efforts de recherche sur cette minorité de cas sévères, de façon à les identifier le plus tôt possible pour leur offrir des services de santé mieux adaptés à leur condition, plus rapidement.

Les objectifs de cette étude consistaient à: 1) décrire l’évolution, sur une période de deux ans, des conséquences fonctionnelles des maux de dos chez les travailleurs consultant dans des milieux d’intervention médicale de première ligne pour un problème ayant affecté leurs capacités de travail; 2) identifier les déterminants du « retour au travail en bonne santé » (une mesure polytomique du devenir occupationnel) chez ces mêmes sujets, plus particulièrement les déterminants modifiables; 3) quantifier l’association de ces déterminants avec le « retour au travail en bonne santé »; et à 4) composer un modèle prédictif simple du « retour au travail en bonne santé » qui puisse être utilisé par les médecins dans cette population pour identifier précocement les cas nécessitant des interventions plus spécialisées.

Méthodologie : Dans le cadre de cette étude prospective, 1007 travailleurs ‚gés de 18 à 64 ans ayant consulté un médecin en 1999-2000 dans des milieux d’intervention de première ligne de la région de Québec pour un mal de dos non spécifique affectant leurs capacités de travail, ont été interviewés à cinq reprises pendant deux ans. De nombreuses variables d’ordres socio-démographique, anthropométrique, occupationnel, clinique et psychologique, de même que certaines variables liées aux services de santé, ont été mesurées à partir des dossiers médicaux et au moyen d'instruments administrés lors d'entrevues téléphoniques structurées. Le choix de ces variables a été inspiré par les résultats de groupes de discussion composés de travailleurs souffrant de maux de dos conduits préalablement à la partie quantitative de l’étude. Le « retour au travail en bonne santé », une variable composite qui tenait compte non seulement de la situation de travail, mais également du niveau d’incapacités fonctionnelles et du nombre de jours d’absentéisme occupationnel, constituait la variable dépendante principale de l'étude. Cette variable distinguait les sujets selon quatre groupes à chacune des entrevues : ceux ayant réintégré leur emploi régulier sans difficulté (« Succès »), les sujets ayant réintégré leur emploi, mais qui continuaient de présenter des incapacités importantes et des récurrences d’absentéisme (« Succès mitigé »), les sujets ayant effectué au moins une tentative infructueuse de retour au travail (« Échec après essai ») et finalement les sujets n’ayant jamais tenté de réintégrer leur emploi (« Échec »). Les analyses explicatives et prédictives nécessaires à l’étude des relations entre les variables indépendantes disponibles et le « retour au travail en bonne santé » ont été effectuées principalement par régression logistique polytomique et par partition récursive.

Résultats : Soixante-huit pour cent des sujets éligibles ont participé à la première entrevue. Par la suite, 86% des sujets recrutés ont complété toutes les autres entrevues (n=867). Les résultats des analyses descriptives ont montré que les incapacités fonctionnelles et la douleur ont diminué tout au long du suivi, mais que les principaux changements ont eu lieu environ six semaines après la consultation médicale index. Tant chez les hommes que chez les femmes, c’est cependant autour de 12 semaines que s’était effectué la principale transition occupationnelle, alors que plus de la moitié des sujets se retrouvait parmi les « Succès ». Deux ans après la consultation médicale, près de 20% des sujets étaient toujours absents du travail régulier et 7,4% n’avaient fait aucune tentative de retour. Parmi les travailleurs qui étaient au travail régulier à deux ans, 18% continuaient de présenter des incapacités fonctionnelles importantes.

Les analyses explicatives ont identifié de nombreuses associations bivariées avec le « retour au travail en bonne santé ». Dans les analyses multivariées, plusieurs variables socio-démographiques, cliniques, occupationnelles et psychologiques, de même que des caractéristiques de la relation avec le médecin, ont été identifiées comme déterminants du « retour au travail en bonne santé ». Les variables et les effets étaient différents chez les femmes et chez les hommes.

Les analyses prédictives ont permis d’identifier un ensemble de sept variables dichotomiques permettant d’établir le pronostic des travailleurs deux ans plus tard. Ce modèle offrait en particulier une valeur prédictive négative élevée (> 74%) dans l’échantillon de travail (40% des sujets) qui a été reproduite dans l’échantillon de validation (60% des sujets).

Conclusions : Les résultats de cette étude démontrent que chez les travailleurs, les maux de dos constituent une problématique beaucoup plus vaste que ce que les seuls accidents de travail déclarés ne suggèrent. Ils indiquent également une fois de plus que l’histoire naturelle des maux de dos chez les travailleurs n’est pas linéaire, que le taux d’échec à retourner au travail après deux ans est élevé et que beaucoup de travailleurs qui retournent au travail continuent de présenter des douleurs et des incapacités importantes. Ces résultats suggèrent que les mécanismes qui influencent le « retour au travail en bonne santé » des travailleurs souffrant de maux de dos sont différents chez les femmes et chez les hommes. Cependant, chez les individus des deux sexes, les croyances et les craintes quant au travail, le sentiment d’efficacité personnelle, des éléments de la demande physique du travail et certaines caractéristiques de la relation avec le médecin, sont particulièrement importants. Comme ces facteurs de risque sont modifiables, certaines interventions pourraient les cibler, dans la mesure où les sujets les plus susceptibles de subir les influences négatives de ces facteurs peuvent être identifiés rapidement, ce que le modèle prédictif développé au cours de cette étude peut permettre.

Retombées prévisibles : Cette étude pourrait favoriser une amélioration de la qualité des services médicaux et de réadaptation dispensés aux travailleurs qui souffrent de maux de dos, ainsi qu'une diminution des coûts liés à la gestion de ces problèmes, en permettant de cibler les cas les plus graves pour leur offrir des interventions spécialisées plus rapidement. Ces interventions devraient être orientées vers les facteurs de risque modifiables mis en lumière dans la présente étude.

Mots-clés

Maux de dos, Backache, Maintien en emploi, Job maintenance, Douleur, Pain, Degré d'incapacité, Degree of disability, Absentéisme accident, Accident absenteeism, Examen médical, Medical examination, Traitement médical, Medical treatment, Réadaptation professionnelle, Vocational rehabilitation, Modèle, Model, Prédiction du comportement, Behaviour prediction, Aspect psychosocial, Psychosocial aspect, Différence liée au sexe, Sex difference, Charge physique, Physical workload, Enquête par entrevue, Interview survey, Québec

Numéro de projet IRSST

0097-0610

Numéro de publication IRSST

R-356

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