Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
2003
Langue
Français
Résumé
La présente demande de subvention avait pour but de faire une analyse approfondie des données portant sur un suivi de 6,4 ans réalisé auprès de travailleurs lombalgiques ayant participé à un essai randomisé dans la région de Sherbrooke en 1991. Les travailleurs de cette étude avaient tous une dorso-lombalgie, causée par un accident de travail, ayant engendré une absence du travail de plus de quatre semaines. Au début de l'étude, les participants avaient été randomisés dans quatre groupes d'intervention différents: un groupe ne recevant aucune intervention de l’étude (groupe contrôle), un groupe recevant une intervention clinique de réadaptation (groupe clinique), un groupe recevant une intervention de médecine du travail et d'ergonomie (groupe ergonomie) et un groupe recevant à la fois une intervention clinique de réadaptation et une intervention de médecine du travail et d'ergonomie (groupe modèle de Sherbrooke). De nombreuses variables avaient été collectées auprès de ces travailleurs de façon répétée soit à quatre semaines suivant la première journée d’absence du travail régulier ainsi qu'à 12, 24 et 52 semaines suivant cette date. Ces variables sont le statut de travail, la douleur (McGill Pain Questionnaire), la mobilité lombaire (système optoélectrique d'analyse du mouvement, Spinoscope), le statut fonctionnel (Questionnaire Oswestry et Sickness Impact Profile), la présence d'irradiation et de symptômes neurologiques (classification de Spitzer ) et la satisfaction au travail (questionnaire APGAR). Par ailleurs, des variables concernant les entreprises participantes et les interventions ergonomiques offertes avaient également été recueillies. De plus, les dossiers des travailleurs à la CSST ont été ouverts afin de relever les périodes d’absence du travail et les coûts détaillés reliés à ces dossiers jusqu’au 31 décembre 1997 grâce à une entente avec le service de la statistique de la CSST. Ces données ont permis d'obtenir un suivi moyen de 6,4 ans des travailleurs. L’ensemble constituait donc une banque d'informations considérable composée de mesures transversales et longitudinales. L'analyse de ces données a permis de répondre aux objectifs spécifiques suivants:
- Comparer les coûts à moyen et long terme engendrés par les travailleurs ayant présenté un épisode de dorso-lombalgie subaigu, selon le mode de prise en charge;
- Évaluer la capacité de la mobilité lombaire à décrire le statut fonctionnel et la douleur chez les personnes ayant une dorso-lombalgie;
- Évaluer la validité discriminative et prédictive de la classification de Spitzer;
- Décrire le langage douloureux à différents stades du mal de dos et évaluer la relation existant entre le langage douloureux et la perception d'incapacité;
- Décrire l'intervention d'ergonomie utilisée dans le projet de Sherbrooke, évaluer la perception des participants sur l'implantation des solutions ergonomiques recommandées et évaluer les raisons ayant favorisé l'implantation ou la non-implantation de ces recommandations.
Les résultats obtenus suite à l'analyse de la base de données et leurs applications en recherche et en clinique sont nombreux. Premièrement, l'étude approfondie des coûts des interventions offertes dans le cadre du projet de Sherbrooke a permis de montrer qu'un investissement précoce et approprié dans des interventions de réadaptation et d'ergonomie permettait un bénéfice important à long terme et de sauver de nombreux jours de compensation à très faible coût. Les trois types d'intervention ont démontré un coût avantage et un coût efficacité à long terme. L'intervention ergonomique était la moins coûteuse mais permettait de sauver un plus petit nombre de jours d'indemnité de remplacement de revenus que le groupe modèle de Sherbrooke.
Deuxièmement, ce projet a aussi permis de mettre en lumière la limite de l'utilisation de la mobilité lombaire comme indicateur du niveau d'incapacité des travailleurs et le peu d'utilité clinique que peuvent avoir certains outils d'analyse cinématiques, tel le Spinoscope, pour quantifier la fonction lombaire et prédire le retour au travail. Plusieurs autres facteurs psychosociaux et environnementaux influencent de façon plus importante la situation de handicap au travail. D'ailleurs, les résultats obtenus suggéraient que le score au questionnaire Oswestry, mesurant la perception d'incapacité, était un meilleur prédicteur du changement dans le statut de travail. Ainsi, un questionnaire composé de dix questions permettait de mieux quantifier et discriminer le niveau d'incapacité des travailleurs qu'un appareil utilisant une technologie avancée et demandant environ trois heures d'administration.
Troisièmement, l'étude de la validité discriminative et prédictive de la classification de Spitzer a permis de confirmer l'importance de la présence de douleur irradiant au-dessous du genou chez les sujets dorso-lombalgiques. Les personnes ayant ce patron douloureux étaient généralement beaucoup plus à risque de développer un mal de dos chronique et de demeurer absent du travail de façon prolongée. Ce facteur de risque est donc fort utile pour classer les sujets ayant un mal de dos afin de les différencier dans les études futures et de leur offrir rapidement les interventions de réadaptation dont ils ont besoin.
Quatrièmement, l'analyse des données recueillies a démontré que l'intensité du langage douloureux (McGill Pain Questionnaire) exprimé à la phase subaiguë du mal de dos était très faiblement associée au niveau d'incapacité, au statut de travail et à la durée d'absence du travail. Ces résultats suggèrent donc aux professionnels de la réadaptation de relativiser l'importance qu'ils accordent au langage douloureux qui est exprimé par le travailleur au début de l'épisode douloureux. Toutefois, lorsque l'intensité de ce langage douloureux demeurait élevée après six mois, ce symptôme devenait plus fortement lié au niveau d'incapacité du travailleur ainsi qu'à la durée d'absence du travail.
Finalement, ce projet de recherche a aussi permis d'explorer plus en profondeur les données recueillies lors de la mise en œuvre de l'intervention ergonomique et du suivi réalisé à six mois auprès des entreprises participantes. Cette description d'une intervention d'ergonomie participative dans un contexte de réadaptation est un apport important à la littérature scientifique dans ce domaine afin de permettre à d'autres cliniciens et chercheurs de reproduire ce type d'intervention. Par ailleurs, la description des facteurs ayant influencé l'implantation des solutions ergonomiques permettra de mieux intervenir sur ces facteurs dans le futur et de favoriser la collaboration avec les entreprises dans ce type d'intervention.
En conclusion, l'ensemble des articles publiés dans le cadre de cette subvention de recherche contribue donc de façon importante à l'amélioration des connaissances dans le domaine de la réadaptation des personnes ayant un mal de dos et en ce qui concerne les coûts associés à la prise en charge des maux de dos, à la qualité des outils de mesure disponibles pour diagnostiquer et prédire l'incapacité prolongée et aux types d'intervention pouvant faciliter le retour au travail.
Mots-clés
Maux de dos, Backache, Réadaptation physique, Physical rehabilitation, Ergonomie, Ergonomics, Traitement médical, Medical treatment, Maintien en emploi, Job maintenance, Degré d'incapacité, Degree of disability, Douleur, Pain, Coût des maladies professionnelles, Cost of occupational diseases, Analyse coût-avantage, Cost benefit analysis, Absentéisme maladie, Sickness absenteeism, Banque de données factuelles, Data bank, Analyse des données, Data analysis, Québec
Numéro de projet IRSST
0097-1290
Numéro de publication IRSST
R-348
Citation recommandée
Loisel, P., Durand, M.-J., Vachon, B., Lemaire, J., Poitras, S. et Stock, S. (2003). Exploitation de la base de données recueillies dans le projet Sherbrooke sur la prise en charge des dorso-lombalgies reliées au travail avec un suivi de 6,4 ans (Rapport n° R-348). IRSST. https://pharesst.irsst.qc.ca/rapports-scientifique/618
