Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2021

Langue

Français

Résumé

Plusieurs études démontrent une diminution importante des risques de décès chez les agents de police qui portent un gilet pare-balles (GPB). Cependant, certains patrouilleurs demeurent réticents à le revêtir à cause des inconforts qu’il engendre sur les plans thermiques et de la mobilité; ceux-ci représentent 8 % de l’ensemble des agents de police et 47 % des agents motards, ce qui accroît les risques pour leur sécurité. Les agents des unités motocyclistes seraient donc parmi les plus exposés, notamment en raison de conditions particulières telles que le travail à l’extérieur, la proximité d’une source de chaleur (moteur), le port de pièces d’uniforme supplémentaires (manteau, bottes, casque), ainsi que les postures et manœuvres de conduite nécessitant de grandes amplitudes articulaires. Ce projet de recherche découle à la fois d’une intervention ergonomique antérieure faisant état des contraintes thermiques et opérationnelles liées au port du GPB et d’un intérêt manifesté par le milieu après la diffusion de ces résultats auprès des membres de l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail ‒ secteur affaires municipales (APSAM) et de l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail – secteur administration provinciale (APSSAP) pour évaluer les contraintes liées au port de ce type de gilet dans les unités motocyclistes. Les objectifs de cette étude exploratoire visaient donc à étudier les contraintes ergonomiques liées au port du GPB par les agents motards, notamment les entraves à la mobilité et les astreintes thermiques, puis à élaborer des critères de sélection et de conception de gilets mieux adaptés à leur travail.

La méthode déployée inclut à la fois une analyse ergonomique réalisée sur le terrain avec des agents motards en situations réelles et un protocole expérimental qui intégrait des simulations d’activités de travail « contrôlées ». Deux organismes policiers ont participé à l’étude : un organisme policier provincial (PP) et un organisme policier municipal (PM). La méthodologie comportait cinq grandes étapes : 1) une revue de la littérature incluant une analyse des modèles de GPB offerts et des données des organismes policiers; 2) une analyse de l’activité des agents motards (n = 5 motards) effectuée à l’aide d’observations, d’entrevues et d’un questionnaire spécifique sur les contraintes de mobilité; 3) une analyse des contraintes de mobilité lors du port du gilet (n = 16 motards) réalisée à l’aide d’une simulation expérimentale; 4) une analyse des contraintes thermiques lors du port du GPB réalisée aussi à l’aide de deux approches parallèles, soit : i) une approche ergonomique sur la contrainte thermique durant le travail réel en monitorant, entre autres, les indices physiologiques (température corporelle interne [TCI], température cutanée [Tcut], fréquence cardiaque [FC], coût cardiaque relatif [CCR]) et ii) une approche expérimentale en situation de simulation pour évaluer l’influence de certains déterminants sur la contrainte thermique, notamment le gilet, l’activité et le vêtement (terrain, n = 22 motards; simulations, n = 16 motards); 5) l’élaboration et la validation de critères de sélection et de conception de GPB qui sont adaptés aux caractéristiques de leur travail.

Les résultats montrent que les unités motocyclistes dans les organismes de police jouent un rôle très important. Également, l’ensemble des conditions d’exécution du travail, notamment les aspects physiques, cognitifs et environnementaux, en font un travail exigeant, voire plus exigeant que celui en autopatrouille. Les valeurs de CCR recueillies sur le terrain montrent globalement une intensité de travail modérée sur le plan physique, mais les motards ont été soumis à plusieurs reprises à des exigences physiques lourdes (CCR > 30 %), très lourdes (CCR > 40 %), voire intenses (CCR > 50 %). Le port du GPB exacerbe les contraintes de mobilité et l’astreinte thermique déjà omniprésentes dans le travail.

L’étude permet de montrer que le port de trois modèles de GPB a engendré des entraves et des points de pression plus marqués aux « épaules, creux de l’épaule et aisselles », et des inconforts plus intenses sur les « côtés » et sur « l’abdomen ». La coupe, le poids, l’ajustement et la souplesse des GPB à l’étude n’étaient pas en adéquation avec l’importante mobilité du tronc et des membres supérieurs, requise pour effectuer le travail, et aussi avec la position de conduite de la moto qui exige de nombreuses flexions et rotations du tronc, des postures liées à la montée et à la descente de la moto, au ciblage avec le cinémomètre, à la gestion de la circulation, etc. Le devant, les côtés et les poches du gilet interféraient avec les équipements du ceinturon.

La plupart des agents motards ont été soumis à des astreintes thermiques importantes, dont des TCI supérieures à 38 °C, dépassant les valeurs critiques établies par le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH), l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et la British Occupational Hygiene Society (BOHS), pendant des périodes répétées et prolongées. L’ensemble des données convergent et témoignent de ces astreintes : indices physiologiques, verbalisations, réponses aux questionnaires, observations. À l’instar de la TCI, la Tcut moyenne était aussi plus élevée lorsque le GPB était porté. Des Tcut moyennes supérieures à 35 °C ont été mesurées chez la majorité des motards (n = 15/18). Cependant, l’intensité de l’activité physique du travail des motards s’est avérée être un facteur déterminant de l’élévation de la TCI, de la Tcut moyenne et du CCR des agents, plus que l’endossement du gilet lui-même, bien que celui-ci procure un effet isotherme qui maintient une température corporelle élevée. L’astreinte thermique était présente à des températures ambiantes aussi basses que 14 °C, voire 9 °C lors du port du manteau en cuir. Toutefois, les données de CCR et d’EPCT tendent à démontrer que la situation globale ne présente pas de risques pour la santé. Les verbalisations et symptômes notés se situent dans la catégorie des « malaises de chaleur modérés ». En ce qui concerne la perception globale des motards, elle corrobore les données d’astreinte thermique recueillies. Les conséquences du travail à la chaleur sont nombreuses : fatigue, maux de tête, étourdissements, irritations cutanées, baisse de la vigilance, difficulté à se concentrer, etc.

L’étude montre également que les équipements comme la moto, le ceinturon et les autres pièces de vêtement, ainsi que leurs interactions avec le GPB, constituent d’autres déterminants qui peuvent exacerber les contraintes thermiques et de mobilité. La superposition de différents vêtements (T-shirt, chemise, sous-vêtements, pantalon, chaussettes, bottes, GPB, dossard de sécurité à haute visibilité) multiplie les couches de tissus, ce qui accroît les contraintes.

Les pistes de changement portent sur les principaux déterminants qui participent à la genèse des contraintes thermiques et de mobilité, notamment (i) les critères de recouvrement, de choix des matériaux textiles (housse et panneaux balistiques) et de confection d’un GPB; (ii) la méthode d’essayage qui doit intégrer les gestes réellement déployés dans le travail; (iii) les technologies alternatives de refroidissement des gilets; (iv) les autres pièces d’équipements; (v) l’organisation du travail. Les perspectives de recherche portent, entre autres, sur la conception d’un nouveau design de GPB léger favorisant plus de souplesse et d’aération, et sur le développement d’une logique de conception et d’achat de pièces d’uniforme permettant d’éviter la superposition de plusieurs couches de tissu ou de matériau.

Abstract

A number of studies have shown that police officers who wear bulletproof vests (BPVs) are significantly less likely to die in the line of duty than officers who do not don vests. Nevertheless, some patrol officers are reluctant to wear them, saying that they are uncomfortably hot and reduce mobility; they represent 8% of all police officers and 47% of all motorcycle officers. Yet refusing to wear a BPV increases their risk of being killed or wounded. Officers in motorcycle units would therefore appear to be among those most exposed to danger, especially because they have to work outside, are close to a heat source (motor), have to wear additional uniform items (jacket, boots, helmet), and the postures and manoeuvres involved in riding a motorcycle require a large range of motion. This research project stems from an earlier ergonomic assessment that underscored the thermal and operational constraints associated with wearing a BPV and from the interest expressed by the OHS community in evaluating the constraints on motorcycle unit officers wearing this type of vest, after the assessment results were made available to members of the Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail—secteur affaires municipales (APSAM) and the Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail—secteur administration provinciale (APSSAP). The objectives of this exploratory study were therefore to examine the ergonomic constraints associated with motorcycle police officers wearing BPVs, including restricted movement and thermal strain, and then to develop selection and design criteria for vests better suited to the officers’ work.

The study method involved both an ergonomic analysis conducted in the field with motorcycle police officers in real situations and an experimental protocol that incorporated “controlled” simulations of work activities. Two police forces took part in the study: a provincial police force and a municipal force. There were five main stages to the method: (1) a review of the literature, including an analysis of the BPV models used and of police force data; (2) an analysis of motorcycle police officers’ activity (n = 5 officers) conducted by means of observations, interviews and a survey specifically about mobility constraints; (3) an analysis of the mobility constraints on officers (n = 16) who wore a vest, conducted by means of experimental simulation; (4) an analysis of thermal constraints when wearing a BPV performed using two parallel approaches, that is: (i) an ergonomic approach to thermal strain during actual work by monitoring physiological indicators such as core body temperature [CBT], skin temperature [Tskin], heart rate [HR] and relative cardiac cost [RCC], and (ii) an experimental approach in a simulation situation to assess the influence of certain determinants on thermal strain, especially the vest, activity and clothing (field, n = 22 bike officers; simulations, n = 16 bike officers); (5) development and validation of BPV selection and design criteria adapted to the characteristics of motorcycle police officers’ work.

The results show that motorcycle units play an important role on police forces. The various conditions under which they perform their work, especially the physical, cognitive and environmental aspects, make it demanding, indeed more demanding than working out of a patrol car. The RCC values recorded in the field indicate, overall, moderate work intensity on a physical level, but the motorcycle officers were subjected, several times, to physical demands that were heavy (RCC > 30%), very heavy (RCC > 40%) or even intense (RCC > 50%). Wearing a BPV exacerbates the mobility constraints and thermal strain already omnipresent in their work.

The study results for three different models of BPV showed that wearing one reduced mobility and created noticeable pressure points at the “shoulders, crook of the shoulder and underarms,” and greater discomfort on the “sides” and on the “abdomen.” The cut, weight, fit and flexibility of the BPVs studied were not compatible with the major mobility demands of the upper body and arms required to perform the work, or with motorcycle riding, which involves repeated bending and turning of the upper body, movements specific to getting on and off the motorcycle, targeting vehicles with speed detection equipment, directing traffic, etc. Also, the front, sides and pockets of the vests interfered with the equipment in the officers’ duty belts.

Most motorcycle police officers were subjected to significant thermal strain, including CBTs of over 38°C, exceeding critical values set by the National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH), the World Health Organization (WHO) and the British Occupational Hygiene Society (BOHS), for repeated and extended periods. All the data converge and provide evidence of these strains: physiological indicators, debriefing comments, survey responses and observations. Like CBT, the mean Tskin was also higher when BPVs were worn. Mean Tskin greater than 35°C were measured for most motorcycle officers (n = 15/18). However, the intensity of the officers’ physical activity turned out to be a determining factor in raising their CBTs, mean Tskin and RCCs, more than the wearing of the vest itself, although the vest does have an isothermal effect that maintains a high body temperature. Thermal strain was present at ambient temperatures of as low as 14°C, or even 9°C when a leather jacket was worn. However, the RCC and EPCT (resting HR increases due to thermal strain) data tend to show that the overall situation does not involve any health risks. The debriefing comments and symptoms noted would be classified in the “moderate heat-related discomfort” category. As for the motorcycle officers’ overall perception, it corroborated the recorded thermal strain data. The many effects of working in heat include fatigue, headache, dizziness, skin irritation, lower vigilance and trouble concentrating.

The study findings also show that equipment such as the motorcycle, police belt and other items of clothing, as well as the way they interact with the BPV, constitute other determinants that can exacerbate the thermal and mobility constraints. Wearing other items of clothing on top of one another (undergarments, T-shirt, shirt, pants, socks, boots, BPV, high-visibility safety vest) increases the number of layers of fabric, and therefore the constraints.

Suggestions for improvement should focus on the main determinants of the vest’s thermal and mobility constraints, especially (i) the criteria for the covering, choice of textiles (shell and ballistic panels) and manufacture of the BPV; (ii) the fitting method, which must take into account the movements an officer actually makes at work; (iii) alternative cooling technologies for vests; (iv) other items of police equipment; and (v) work organization. Future research should concentrate on, among other things, designing a new light BPV that emphasizes greater flexibility and ventilation, and the development of a logic for the design and purchasing of uniform items that avoids having to wear several layers of fabric or material one top of another.

ISBN

9782897971380

Mots-clés

Police, Poice force, Gilet pare-balles, Body armor, Motocyclette, Motorcycle, Évaluation ergonomique, Ergonomic evaluation, Température cutanée, Skin temperature, Température corporelle, Body temperature, Confort thermique, Thermal comfort, Conception du matériel, Design of equipment, Enquête par entrevue, Interview survey, Enquête par questionnaire, Questionnaire survey, Détermination expérimentale, Experimental determination, Critère de confort, Comfort criteria

Numéro de projet IRSST

2013-0094

Numéro de publication IRSST

R-1115

Partager

COinS