Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2002

Langue

Français

Résumé

Depuis quelques années le travail se transforme; il impose de plus en plus aux travailleurs une plus grande polyvalence, un élargissement des compétences et une capacité d’adaptation quasi instantanée pour s’ajuster à la variabilité croissante des produits, des services et des conditions d’exécution du travail. Dans un contexte de vieillissement de la main-d’œuvre et d’entrée de plus en plus tardive des jeunes sur le marché du travail, ces transformations soulèvent des questions concernant la transmission intergénérationnelle des savoirs professionnels. Or peu d’études se préoccupent de ces enjeux. Ce contexte peut compromettre les conditions minimales de protection de la santé au travail et occasionner des pertes de temps et d’efficacité considérables, à cause des improvisations auxquelles sont contraints les nouveaux travailleurs privés de la mémoire de l’entreprise. Enfin, une main-d’œuvre âgée et expérimentée est un atout en termes de protection vis-à-vis des risques, le taux d’incidence des lésions professionnelles décroissant selon l’âge.

L’objectif de cette étude exploratoire est de mieux comprendre les enjeux de santé et de sécurité du travail dans la transmission des savoirs professionnels en milieu de travail. Ceci s’est fait dans le cadre d’un programme de compagnonnage d’Emploi-Québec chez les usineurs et les cuisiniers, deux métiers à risque. L’étude est orientée sur les facteurs organisationnels et les autres facteurs favorisant ou faisant obstacles à la transmission des expertises.

Dans un premier temps l’étude a consisté à faire le point sur la question du compagnonnage en entreprises avec Emploi-Québec. Par la suite, l’étude s’est déroulée dans deux entreprises, une d’usinage et une cuisine d’un grand hôtel, afin de comprendre comment se déroulait la transmission dans un contexte de production réelle.

Des rencontres de gestionnaires, de représentants syndicaux, de compagnons et d’apprentis ont été réalisées. De plus, des données de main-d’œuvre et de lésions, d’observation de l’activité de compagnons et d’apprentis ainsi que des caractéristiques du programme de qualification ont été analysées. Enfin, une recension des écrits scientifiques a été réalisée.

Pour chaque situation de transmission observée, une chronique d’activité a été réalisée à partir des actions observées ainsi que des communications échangées entre l’expert et le novice. Comme l’analyse était centrée sur l’activité de transmission, les façons de transmettre de même que les types de savoir transmis ont été extraits de chacune de ces chroniques.

Une classification des stratégies de transmission ou façons de transmettre a été élaborée à partir des observations et en s’inspirant de typologies existantes (démontrer et expliquer, faire ensemble, faire répéter, démontrer et expliquer différentes méthodes, etc.). Elles ont été catégorisées selon le niveau d’implication du novice par l’expert ainsi que selon leur niveau de sophistication.

Une catégorisation des types de savoirs transmis selon qu’ils concernent différents aspects du travail d’usinage a également été réalisée. Elle concerne des aspects microscopiques du travail comme l’objet fabriqué, l’outil ou la machine utilisé et les modes opératoires; des aspects mésoscopiques comme le collectif de travail, la santé et la sécurité du travail, les écarts entre l’école et l’entreprise et le traitement de l’information ainsi que des aspects macroscopiques comme l’organisation du travail et le processus de production, les valeurs partagées dans l’entreprise et le sens du travail.

Les deux études de cas en usinage et en cuisine révèlent que la problématique de la transmission des savoirs est un sujet complexe qui se présente sous de multiples facettes. Ainsi, à un niveau très macroscopique, il est important d’examiner la répartition des tâches selon l’âge et l’expérience des personnes ainsi que les parcours professionnels dans les entreprises. En outre de nombreux facteurs organisationnels et environnementaux conditionnent la transmission; ils sont donc extrêmement importants à documenter puisqu’ils peuvent la faciliter ou lui nuire. À titre d’exemples, mentionnons l’importance des contraintes de temps et de la politique de gestion des ressources humaines. Il a aussi été possible de dégager des attitudes dominantes chez les apprenants en usinage, attitudes qui peuvent influencer l’apprentissage.

À un autre niveau de connaissances sur la problématique, les études de cas en usinage et en cuisine montrent que différentes façons de transmettre sont mises en œuvre par les experts selon l’âge et le nombre d’années d’expérience dans le métier. De plus, des savoirs de différents types sont transmis par tous les travailleurs experts observés. Les plus nombreux concernent l’objet ou le mets, l’outil et la machine, les modes opératoires ainsi que l’organisation du travail et le processus de production. Les travailleurs font des liens entre l’objet ou le mets fabriqué, l’outil et la machine utilisée, la façon de faire et l’organisation du travail et du processus. En outre l’étude en usinage a permis de montrer que les types de savoirs transmis varient selon l’expérience de l’expert impliqué. La dimension de la santé au travail est de plus en plus intégrée aux savoirs transmis sur les modes opératoires selon l’expérience des experts observés. D’autre part, le formateur le plus expérimenté est celui qui ramène la responsabilité de la gestion de la prévention au niveau de l’entreprise plutôt qu’au niveau individuel comme le font les autres formateurs.

La discussion replace ces résultats dans la perspective des relations existant entre le vieillissement de la main-d’œuvre, la SST et la transmission. Par la suite, les questions des tensions intergénérationnelles ainsi que les enjeux de sens et d’identité qui y sont rattachés sont abordés. Enfin, un modèle schématisant l’impact de l’organisation du travail et de la transmission individuelle et collective sur la SST est produit.

Les questions de recherche à approfondir suite à cette étude exploratoire sont présentées. Par la suite, des aspects méthodologiques sont abordés de deux points de vue : en précisant quoi faire en amorçant un nouveau projet sur cette problématique complexe à la lumière de l’expérience acquise et en abordant des aspects liés aux concepts et aux méthodes à utiliser en situation réelle de travail. Enfin des suggestions sont formulées à Emploi-Québec pour favoriser le compagnonnage en entreprises.

Mots-clés

Formation sur le tas, On-the-job training, Initiation, Introductory training, Travailleur âgé, Older worker, Apprenti, Apprentice, Travail aux cuisines, Cooking, Fabrication des outils, Tool making industry, Description de procédé, Process description, Organisation du travail, Work organisation, Méthodologie, Methodology

Numéro de projet IRSST

0099-0160

Numéro de publication IRSST

R-316

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