Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2002

Langue

Français

Résumé

La nature du travail des pompiers est propice à l’apparition de problèmes musculo-squelettiques. Les statistiques de la CSST montrent que les foulures et les entorses viennent au premier rang du type de lésion, le dos en est la cible principale suivi des pieds et des chevilles et les agents causals les plus souvent impliqués sont les mouvements du corps, les surfaces de travail et les véhicules. Une étude de l’IRSST (Cloutier et Champoux, 1996) révèle l’existence d’un scénario d’accident, parmi d’autres, impliquant « un effort excessif » et dont les résultats sont des douleurs et des entorses, en particulier au dos, dans 12,4 % des cas d’accidents étudiés.

L’objectif du projet consistait, en regard des accès aux véhicules et à la manutention d’outils et d’équipements qui y sont rangés à : a) identifier les tâches ou situations à risque sur et autour des véhicules d’urgence, b) faire l’analyse du travail et des astreintes biomécaniques des dites tâches ou situations et enfin, c) émettre des recommandations concernant la modification des tâches ou situations pour que ces dernières deviennent moins contraignantes pour le système musculo-squelettique, sans toutefois nuire à la finalité du travail des pompiers.

Un comité de pilotage, dont les membres sont issus du milieu de la lutte aux incendies, participa à l’identification des tâches ou situations potentiellement à risque. De concert avec l’équipe de recherche, ce comité retint les accès aux véhicules, en particulier la descente au sol à partir de différents points sur les camions, ainsi que la manutention des outils et équipements suivants : la scie à découper, la génératrice, le canon à eau, le ventilateur, le système de désincarcération, des échelles de longueurs différentes, les cales pour les vérins hydrauliques ainsi que l’appareil de protection respiratoire autonome. Sept services de lutte aux incendies du Québec acceptèrent de participer à l’étude, qui se déroula dans neuf casernes et sur 15 véhicules d’urgence différents (autos-pompes, camions-échelles, et unités d’urgence). Toutes les mesures et observations se sont faites en caserne avec des pompiers volontaires ou permanents.

Accès aux véhicules

L’étude des accès aux véhicules inclut le recueil des dimensions linéaires des accès et, dans deux des neuf casernes participantes, la mesure des forces de réactions au sol. Celles-ci furent mesurées à l’aide d’une plate-forme de force AMTI et le sentiment de sécurité lors de chaque descente, à l’aide d’une échelle psychophysique. Dans la première caserne, dix pompiers descendirent de trois endroits différents selon deux méthodes différentes, soit « face à la rue » et « face au camion ». Dans l’autre caserne, le même protocole fut appliqué avec huit sujets en quatre endroits différents.

Les cabines de conduite et les cabines-équipes se situent respectivement à 100,7 ± 22,3 cm et 103,2 ± 6.5 cm du sol et le nombre de marches pour y accéder varie de un à trois. La hauteur, à partir du sol, des marchepieds oscille autour de 50 cm. En moyenne, l’impact au sol lors de la descente atteint 3,6 fois la valeur du poids corporel du pompier lors de la descente « face à la rue ». Cette valeur est significativement moindre pour les descentes « dos à la rue ». Cette dernière méthode est perçue comme sécuritaire dans une des casernes, mais pas dans l’autre. La technique de descente « face à la rue » augmente l’amplitude des forces retransmises au corps lorsque le pied touche le sol alors que descendre « dos à la rue » permet un meilleur contrôle de la vitesse de descente. Outre la hauteur de chute libre et la technique de descente, les facteurs qui ont influencé les valeurs d’impact au sol sont la présence ou non d’appuis pour les mains (poignées, mains courantes) et la possibilité pour les pompiers de les utiliser.

Manutention des outils et équipements

Trente-deux pompiers d’expérience (28 hommes et 4 femmes) répartis dans neuf casernes, participèrent à ce segment de l’étude. Ils devaient prendre sur le véhicule, puis déposer au sol, les 12 outils et équipements préalablement identifiés par le comité paritaire de suivi du projet. Plusieurs variables furent considérées dans cette étude, dont le poids de l’outil ou de l’équipement, la hauteur de rangement par rapport au sol et le type de compartiment dans lequel il était rangé. Après chaque manutention, chaque pompier évaluait, sur une échelle psychophysique, sa perception de l’effort et de la difficulté à manipuler l’outil ou l’équipement, et son sentiment de sécurité lorsqu’il faisait la manutention. La manutention était enregistrée par vidéo et le niveau de compression lombaire a été calculé avec le logiciel 3D « Static Strength Prediction Program » de l’Université du Michigan. Le poids des outils et équipements manipulés variait de 3,26 à 102 kg.

En général, les outils et équipements les plus lourds et qui sont rangés sur le dessus du véhicule d’urgence (canon à eau, échelle de 35 pieds) se distinguent de tous les autres du point de vue de la perception de l’effort, de la maniabilité et du sentiment de sécurité lors de la manœuvre. L’analyse des forces de compression au niveau L5-S1 fut effectuée pour chaque outil ou équipement pour la situation jugée comme « la moins difficile » et pour celle jugée « la plus difficile » selon la perception de l’effort. La limite « acceptable » de 3400 N telle que définie par NIOSH fût dépassée en deux occasions (désincarcération, cales de vérin) parmi les manutentions jugées comme « moins difficiles » et fût également dépassée à deux reprises parmi les manutentions jugées « plus difficiles » (génératrice, canon à eau), dont une fois au delà de la « limite d’action » de 6400 N. Si le poids et la forme (via la prise qu’elle peut offrir) des outils peuvent influencer les valeurs de compression lombaire, les résultats suggèrent aussi que la localisation des outils dans les véhicules et le niveau d’encombrement des compartiments sont aussi des facteurs qui peuvent influencer la charge physique. Des outils moins lourds rangés dans des endroits difficiles d’accès ont généré des forces de compression lombaire supérieures à des outils plus lourds mais permettant un accès sans contrainte. L’aménagement des compartiments peut donc contraindre un pompier à adopter des postures qui ne sont pas favorables pour les manutentions.

Pour la descente des camions, les recommandations proposées incluent de réexaminer l’accès aux véhicules d’urgence à la lumière de la méthode dite « des trois points d’appui », méthode d’ailleurs préconisée dans la norme ULC S-515, et de favoriser la conception de cabine-équipe qui minimise le stress biomécanique aux membres inférieurs tout en facilitant la prise d’information visuelle par les pompiers. Les recommandations pour les manutentions sont plutôt sous la forme d’un rappel des principes généraux de manutention et d’une analyse comparative des avantages et inconvénients des différentes méthodes de rangement sur les véhicules d’urgence.

Mots-clés

Service des incendies, Fire service, Maux de dos, Backache, Troubles musculosquelettiques, Musculoskeletal disease, Échelle et autres équipements d'accès, Ladder and other means of access, Manutention manuelle, Manual handling, Mécanique humaine, Body mechanics, Recommandation, Directive, Québec

Numéro de projet IRSST

0095-8040

Numéro de publication IRSST

R-313

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