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Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2020

Langue

Français

Résumé

Le vieillissement de la population est un thème complexe et sensible qui concerne plusieurs acteurs et sphères de la société (emploi, santé, finances). Cette étude porte sur le retour au travail durable[1] après une lésion de nature psychologique (LÉS_PSY; p. ex. : dépression) ou physique (LÉS_PHY; p. ex. : troubles musculosquelettiques) chez les travailleurs « seniors » âgés de 45 ans et plus. Au Québec, l’analyse des données de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) de 2013 à 2015 a permis de constater que le groupe de travailleurs âgés de 45 ans et plus (travailleurs seniors) se caractérise par une durée d’absence moyenne plus longue pour les lésions avec une perte de temps indemnisée (PTI) de nature psychologique ou physique par rapport à ceux qui sont âgés de 44 ans et moins (Busque et Lebeau, 2019). Pour la même période, les coûts totaux et moyens annuels par lésion sont plus élevés pour les travailleurs seniors (Busque et Lebeau, 2019).

L’objectif général de cette étude est d’identifier les déterminants du retour au travail durable des travailleurs âgés de 45 ans et plus ayant subi une lésion professionnelle de nature psychologique (LÉS_PSY) ou physique (LÉS_PHY). Cet objectif se décline en quatre objectifs spécifiques :

  1. concevoir l’outil intitulé « ACT45+ » (acronyme d’Aménagements des Conditions de Travail pour les travailleurs seniors âgés de 45 ans et plus) pour répertorier quels sont les aménagements[2] des conditions de travail spécifiques mis en place pour faciliter le retour au travail durable des travailleurs âgés de 45 ans et plus ayant subi une LÉS_PSY ou une LÉS_PHY;
  2. valider l’outil ACT45+;
  3. identifier quels sont les aménagements les plus souvent implantés;
  4. définir un modèle de prédiction du retour au travail durable intégrant les facteurs psychosociaux, les aménagements des conditions de travail, les aspects positifs et négatifs de la santé psychologique au travail.

L’étude est fondée sur un devis mixte à volet qualitatif (Phase 1) et quantitatif (Phase 2). À la Phase 1, 32 entrevues qualitatives semi-structurées ont été effectuées auprès de travailleurs seniors ayant vécu une lésion totalement ou partiellement liée au travail (n = 15 LÉS_PSY; n = 17 LÉS_PHY). L’analyse et l’interprétation du contenu des entrevues qualitatives ont permis de dégager les éléments essentiels pour concevoir les dimensions conceptuelles et les énoncés (items) de l’outil ACT45+. Cette première phase de l’étude a été suivie par une Phase 2 au cours de laquelle la validation du questionnaire a été complétée et un recueil des données a été effectué de façon longitudinale (suivi aux six mois) auprès de 65 travailleurs seniors (n = 34 LÉS_PSY; n = 31 LÉS_PHY). Le retour au travail durable a été mesuré à l’aide de la variable durée du retour au travail durable (distance en mois entre la date du retour au travail et la date du T2). Des analyses statistiques de différent ordre ont été effectuées pour répondre aux objectifs spécifiques de l’étude.

Les aménagements les plus souvent implantés (≥ 70 %) sont le Plan de retour au travail et suivi et l’Horaire et lieu de travail. Les aménagements Santé au travail et Soutien des collègues montraient une différence selon le type de lésion, car ils étaient plus souvent implantés pour faciliter le retour au travail durable à la suite d’une lésion physique que psychologique.

Ces aménagements ont été implantés plus souvent auprès des travailleurs ayant subi une LÉS_PHY, car leur entourage connaissait probablement leur diagnostic et/ou ils l’ont divulgué pour pouvoir demander des aménagements. Ceci est souvent plus difficile dans les cas d’absences liées à des LÉS_PSY. La durée du retour au travail durable est influencée par deux variables référant au contexte de travail (Ergonomie) et à la santé psychologique au travail (Appréhension d’une rechute). En général, il a été possible de constater que la présence d’aménagements et de facteurs psychosociaux favorables au climat de sécurité et à l’équilibre santé-travail, ainsi que des aspects de la santé psychologique au travail contribuent indirectement à la durée du retour au travail durable des travailleurs seniors.

En se basant sur les résultats de cette étude, les acteurs des milieux concernés (p. ex. : les coordonnateurs du retour au travail, les supérieurs immédiats, les syndicats, les intervenants en réadaptation au travail) pourront utiliser l’outil ACT45+ pour identifier d’une part, les aménagements qui peuvent être mis en place pour favoriser le retour au travail durable des travailleurs seniors et d’autre part, les leviers qui peuvent assurer un maintien en emploi, en santé, des travailleurs seniors.

[1] Dans le cadre de cette étude, retour au travail durable est synonyme de « maintien en emploi », pour indiquer que le travailleur reste dans la même organisation au même poste qu’il occupait avant l’absence ou encore un autre poste, avec un lien d’emploi à temps plein ou à temps partiel. Le retour au travail est « durable » si le travailleur se maintient en emploi au moins six mois après y être retourné à la suite d’une absence due à une lésion professionnelle de nature psychologique ou physique (définition adaptée de Dekkers-Sánchez, Wind, Sluiter et Frings-Dresen, 2011; Etuknwa, Daniels et Eib, 2019).

[2] Dans cette étude les aménagements des conditions de travail font référence à des mesures « raisonnables et faisables » prises par l’employeur ou par d’autres acteurs de l’organisation, dans le but de faciliter le retour au travail durable. Ces mesures peuvent être la conséquence de l’obligation légale de l’employeur d’accommoder, ou encore relever d’ajustements mineurs ou de soutiens naturels qui ne renvoient pas à l’aspect légal du terme (Corbière et al., 2019; Corbière, Villotti, Lecomte, et al., 2014; MacDonald-Wilson, Rogers, Massaro, Lyass et Crean, 2002; Schultz, Krupa, Rogers et Winter, 2012; Villotti et al., 2017). Ils concernent davantage le contexte de travail, le contenu du travail et les relations interpersonnelles. Toutefois, des aménagements « hors travail » pris par le travailleur lui‑même ou par d’autres acteurs de son contexte de vie hors travail peuvent être implantés dans le but de faciliter le retour au travail durable après une absence due à une lésion professionnelle (Negrini et al., 2019).

Abstract

The aging of the population is a complex and sensitive topic involving many stakeholders and systems (work, health, finances). This study explores sustainable return to work[1] (S-RTW) among workers aged 45 and over (older workers) following an injury that is psychological (e.g. depression) or physical (e.g. musculoskeletal disorders) in nature. In Québec, an analysis of data for the years 2013-2015 from the Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) reveals that workers aged 45 years and over average longer sick leaves for compensated lost-time (CLT) injuries that are psychological or physical in nature than do workers aged 44 years and under (Busque and Lebeau, 2019). The total costs and average annual costs per injury were also higher for older workers (Busque and Lebeau, 2019) for the same period.

The general objective of this study was to identify the determinants of S-RTW among workers aged 45 and over who had experienced a psychological or physical injury. This objective was broken down into four specific objectives:

  1. to develop the tool titled “WAC45+” (acronym for Work Accommodations for older workers aged 45 years and over) in order to document the specific work accommodations[2] that should be implemented to facilitate the S-RTW of workers in this age category who have experienced a psychological or physical injury;
  2. to validate the WAC45+;
  3. to identify which accommodations are implemented most frequently; and
  4. to define a S-RTW prediction model including psychosocial factors, work accommodations, and the positive and negative aspects of occupational health psychology.

The study had a mixed design with both a qualitative component (Phase 1) and a quantitative component (Phase 2). In Phase 1, 32 semi-structured interviews were conducted with older workers who had experienced an injury that was totally or partly work-related (n = 15, had experienced psychological injuries; n = 17, had experienced physical injuries). Analyses and interpretation of the content of the interviews highlighted the essential elements needed to develop the conceptual dimensions and statements (items) for the WAC45+. This first phase was followed by Phase 2, in which the questionnaire was validated and longitudinal data collection was performed (follow-up at six months) with 65 older workers (n = 34, had experienced psychological injuries; n = 31, had experienced physical injuries). The S-RTW was measured using the duration of S-RTW variable (time elapsed, in months, between the date of the RTW and the date at T2). Different types of statistical analyses were performed to achieve the specific objectives of the study.

The work accommodations most frequently implemented (≥ 70%) were the Return to work plan and follow-up and the Work schedule and workplace accommodations. The Health in the workplace and Support from co-workers accommodations revealed differences by type of injury, as these accommodations were implemented more often to facilitate S-RTW following physical rather than psychological injuries.

These accommodations were implemented more often for workers who had experienced a physical injury, conceivably because the people around them probably knew their diagnosis and/or the workers disclosed it themselves in order to ask for accommodations. Asking for accommodations was often more difficult in cases of sick leave for psychological injuries. The duration of the S-RTW was influenced by two variables related to the work context (Ergonomics) and to occupational health psychology (Fear of a relapse). Generally speaking, it was observed that the presence of accommodations and psychosocial factors conducive to an atmosphere of safety and health-work balance, as well as aspects of occupational health psychology, contributed indirectly to the longer duration of the S-RTW of the older workers.

Based on the results of this study, the stakeholders in the workplaces concerned (e.g. individuals filling the role of return-to-work coordinators, direct supervisors, unions, and work rehabilitation professionals) will be able to use the WAC45+ to identify, on the one hand, accommodations that could be implemented to facilitate the S-RTW of older workers, and on the other, drivers that could help ensure older workers’ ability to stay at work safely.

[1] In this study, sustainable return to work is synonymous with “staying at work,” meaning that the worker remained in the same organization and held the same job as prior to the sick leave or another job, with a full-time or part-time employment relationship. A return to work is “sustainable” if the worker stays at work for at least six months after returning from a sick leave for a psychological or physical work-related injury (definition adapted from Dekkers-Sánchez, Wind, Sluiter and Frings-Dresen, 2011; Etuknwa, Daniels and Eib, 2019).

[2] In this study, work accommodations refers to the “reasonable and feasible” measures taken by the employer and other stakeholders in the organization to facilitate S-RTW. These measures may be the result of the employer’s legal obligation to provide accommodations, or may involve minor adjustments or natural supports unrelated to the legal aspect of the term (Corbière et al., 2019; Corbière, Villotti, Lecomte, et al., 2014; MacDonald-Wilson, Rogers, Massaro, Lyass and Crean, 2002; Schultz, Krupa, Rogers and Winter, 2012; Villotti et al., 2017). Work accommodations concern more the work context, work content, and interpersonal relations. However, non-work-related accommodations made by the workers themselves and by other actors in their lives outside work may also be made to facilitate S-RTW following sick leave for a work-related injury (Negrini et al., 2019).

ISBN

9782897971366

Mots-clés

Travailleur âgé, Older worker, Maintien en emploi, Job maintenance, Conditions de travail, Conditions of work, Aménagement du travail, Work design, Enquête par entrevue, Interview survey, Enquête par questionnaire, Questionnaire survey, Étude longitudinale, Longitudinal study, Aspect psychosocial, Psychosocial aspect, Outil ACT45+, Aménagement des conditions de travail pour les travailleurs seniors âgés de 45 ans et plus

Numéro de projet IRSST

2015-0062

Numéro de publication IRSST

R-1116

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