Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

1999

Langue

Français

Résumé

Cette étude approfondit le phénomène de la participation directe des travailleurs à la prévention des lésions professionnelles, phénomène qui avait commencé à être exploré dans une recherche antérieure dont le rapport synthèse, intitulé La participation des travailleurs à la prévention des accidents du travail: formes, efficacité et déterminants a été publié par l'IRSST en 1997. Rappelons que ce phénomène réfère aux comportements préventifs que les travailleurs adoptent dans leur vie courante de travail, et à ce titre doit être distingué de la participation indirecte des travailleurs à la prévention qui s'exerce par l'intermédiaire de représentants sur le comité de santé-sécurité ou de représentants à la prévention. Notre intérêt pour la participation directe des travailleurs tient au fait qu'elle est encore peu connue scientifiquement alors qu'elle est un puissant facteur d'efficacité des efforts de prévention.

Les comportements des travailleurs qui concrétisent leur participation directe à la prévention peuvent être regroupés en trois grandes catégories. La première catégorie est celle des comportements de prudence qui consistent essentiellement pour les travailleurs à appliquer des règles prédéfinies et prescrites de santé-sécurité, par exemple porter les équipements désignés de protection individuelle, appliquer certaines procédures de santé-sécurité lors de l'exécution de certains travaux, travailler selon certaines méthodes sécuritaires de travail, etc.... La deuxième catégorie est celle des comportements d'initiatives par lesquels les travailleurs ne répondent pas à des obligations, mais manifestent plutôt leur désir d'accroître la santé-sécurité dans l'exécution ou l'environnement de leur travail, par exemple en rapportant les situations dangereuses, en faisant des suggestions d'amélioration de la santé-sécurité, en participant volontairement à certaines activités de prévention, etc.... Enfin, la troisième catégorie réfère aux comportements d'appui au comité de SST de leur établissement, lorsqu'il existe, par exemple en ayant recours au comité pour solutionner certains problèmes de SST, en participant aux activités et sous-comités de travail qu'il organise.

L'objectif de l'étude était de mieux connaître les facteurs organisationnels et psycho-sociaux qui favorisent le développement de ces catégories de comportements chez les travailleurs, et surtout d'explorer les processus par lesquels ces facteurs agissent, afin de fournir aux intervenants des pistes plus concrètes d'intervention. Pour atteindre cet objectif, nous avons recueilli des données par entrevues et questionnaires auprès de 1375 personnes (gestionnaires, superviseurs, représentants syndicaux et surtout travailleurs) de neuf établissements industriels syndiqués représentant divers niveaux de risques, diverses tailles d'établissement et divers secteurs d'activité économique.

Les résultats montrent que la dynamique sous-jacente à ces comportements des travailleurs en matière de santé-sécurité est plus complexe qu'on pourrait le penser. En effet, il est courant de penser que si les travailleurs se conforment dans leur travail aux règles prescrites de santé-sécurité, prennent même certaines initiatives en rapportant des dangers ou en suggérant des mesures correctives, ou encore ont recours ou appuient le travail du comité de SST, c'est essentiellement pour se prémunir et se protéger contre les risques auxquels ils sont exposés dans leur travail. Et effectivement, nos résultats montrent que divers aspects de ce qu'on appelle le rapport aux risques (perception et évaluation des dangers, etc... ) influencent certains des comportements mentionnés plus haut, mais pas toujours dans le sens attendu. Par exemple, plus le travailleur estime que son travail est dangereux, moins il a tendance à appliquer les règles prescrites de santé-sécurité, ce qui peut paraître irrationnel si on se place d'un point de vue strictement de santé-sécurité. Mais en fait, le travailleur est rationnel parce qu'il se place d'un point de vue plus large qui tient notamment compte d'autres caractéristiques du travail qu'il a à faire. Or, les travailleurs estiment que la dangerosité du travail est généralement associée à sa complexité et aux imprévus qu'il comporte, et que dans ce contexte les règles prescrites de santé-sécurité sont souvent inadéquates, voire même dangereuses. Ils utilisent donc alors davantage leur capacité d'initiative sécuritaire pour éviter de se blesser en faisant leur travail. Cependant, les aspects du rapport aux risques, et plus largement du rapport aux caractéristiques du travail, ne sont pas les facteurs qui ont le plus grand impact sur les comportements des travailleurs en matière de santé-sécurité.

Des facteurs proprement organisationnels sont beaucoup plus importants. Parmi ces facteurs, les plus importants renvoient à la dynamique des relations entre les travailleurs et les divers paliers du personnel hiérarchique de l'entreprise (superviseurs, cadres supérieurs, fonction SST). En bref, plus les travailleurs estiment que leurs relations avec les gestionnaires leur permettent d'être écoutés avec respect quant aux problèmes qu'ils vivent au travail, d'être consultés et considérés dans l'élaboration des solutions à apporter, et de compter sur un système efficace de prévention pour le suivi des mesures préventives et correctives, plus ils appliquent les règles prescrites de santé-sécurité, plus ils prennent d'initiatives sécuritaires, et plus ils accordent leur appui au comité de SST de l'établissement. A l'inverse, lorsque cette dynamique relationnelle est négative, la participation des travailleurs en santé-sécurité diminue. De même, la dynamique des relations entre les travailleurs eux-mêmes au sein des équipes de travail influence leur participation en santé-sécurité. Lorsque les travailleurs forment des collectifs de travail fonctionnels et reconnus, ils sont davantage portés à appliquer les règles prescrites de santé-sécurité et à prendre des initiatives sécuritaires. Cet ensemble de relations verticales et horizontales définit ce qu'on appelle "le climat de travail" et son influence primordiale montre que les comportements des travailleurs en santé-sécurité relèvent autant, sinon plus, du domaine de l'interaction sociale que de celui, mieux connu, de la seule défense contre les risques du travail.

Ces constats ont d'importantes implications pratiques qui sont développées dans la conclusion générale du rapport. Brièvement, les recommandations découlant de l'étude concernent d'une part les actions de sensibilisation des travailleurs aux risques menées par les responsables et intervenants en santé-sécurité, lesquelles consistent actuellement surtout en des campagnes d'information assez technique, alors qu'elles devraient faire une plus large place à la communication psycho-sociale sur l'expérience des travailleurs en regard des risques de leur travail. D'autre part, les stratégies de promotion des comportements sécuritaires auprès des travailleurs devraient mettre l'emphase autant sur les aspects relationnels du climat de travail que sur les comportements proprement dit des travailleurs, et dans ce dernier cas, les interventions devraient viser davantage à stimuler et canaliser la capacité d'initiative sécuritaire des travailleurs qu'à obtenir leur simple conformité à des règles prescrites de santé-sécurité.

Mots-clés

Participation des travailleurs, Worker participation, Organisation de la prévention dans l'entreprise, Plant safety and health organisation, Santé et sécurité du travail, Occupational health and safety, Méthodologie, Methodology, Vigilance, Aspect psychosocial, Psychosocial aspect, Comportement humain, Human behaviour, Étude de cas, Case study, Suggestion de prévention, Safety suggestion, Évaluation des résultats, Evaluation of results, Comité de santé et de sécurité, Safety and health committee, Québec

Numéro de projet IRSST

0092-1200

Numéro de publication IRSST

R-211

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