Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
2019
Langue
Français
Résumé
Nombre de personnes ayant subi une blessure au travail présentent des symptômes de douleur et de dépression. La combinaison de symptômes de douleur et de dépression peut avoir un effet négatif sur le rétablissement de l’individu. La présence de symptômes de dépression peut nuire à la capacité d’accomplir de nombreuses activités importantes de la vie quotidienne, inclusion faite des activités professionnelles. Des études ont démontré que les travailleurs blessés qui présentent des symptômes de dépression demeurent absents du travail deux fois plus longtemps que les travailleurs blessés non dépressifs. Les interventions utilisées pour traiter la douleur et l’incapacité fonctionnelle chez les travailleurs blessés s’avèrent nettement moins efficaces lorsque ces derniers présentent aussi des symptômes de dépression. De nombreux cliniciens et chercheurs ont réclamé le développement et l’évaluation de traitements précisément conçus pour répondre aux besoins des travailleurs blessés qui présentent des symptômes de douleur et de dépression.
La présente étude visait à évaluer la faisabilité et l’impact d’une forme d’intervention expressément conçue pour répondre aux besoins des travailleurs blessés qui présentent des symptômes de douleur et de dépression. Ce type d’intervention a été appelé « Programme de gestion de l'activité progressive » (PGAP). Il réunit un large éventail de techniques conçues pour accroître la pratique d’activités physiques, améliorer l’humeur et aider le travailleur blessé à retourner au travail. Dans le cadre d’une telle intervention, le travailleur blessé rencontre un professionnel de la réadaptation dûment formé, à raison d’une heure par semaine pendant un maximum de 10 semaines.
En vue de recruter des participants à l’étude, des annonces ont été diffusées dans les journaux, à la radio et dans les cliniques de réadaptation du Grand Montréal. Au total, 57 travailleurs blessés (43 hommes et 14 femmes) présentant des symptômes de douleur et de dépression se sont portés volontaires pour participer à l’étude. La majorité des participants ont pris part à l’intervention jusqu’au bout. Seulement neuf participants (17 %) se sont prématurément désistés par manque d’intérêt, en raison de complications d’ordre médical ou du fait des distances de déplacement.
L’âge moyen des participants était de 41 ans. La majorité des participants étaient mariés ou vivaient en union de fait, et avaient au moins 12 ans de scolarité. Au moment d’entreprendre l’étude, les participants étaient en moyenne absents du travail depuis environ 6 mois.
La participation au PGAP a suscité de nombreux changements positifs. À la fin de l’intervention, les participants étaient plus optimistes quant à leur situation et à leur état de santé, et ils craignaient moins de s’engager dans des activités physiques. Ils ont en outre déclaré que leur douleur avait diminué, que leur humeur s’était améliorée et que le programme d'intervention avait amélioré leur qualité de vie. La majorité des participants ont par ailleurs indiqué qu’ils étaient « très » ou « extrêmement » satisfaits du traitement qu’ils avaient reçu.
Lorsqu’ils ont été contactés six mois après la fin du traitement, 58 % des participants ont fait savoir qu’ils étaient retournés au travail. Vu l’absence d’un groupe témoin, il est impossible de se prononcer formellement sur la mesure dans laquelle les résultats en matière de retour au travail ont été influencés par l’intervention. Des études épidémiologiques indiquent qu’environ 40 % des personnes retournent au travail après avoir été absentes du travail pendant 3 mois, et que seulement 25 % des personnes retournent au travail après avoir été absentes du travail pendant six mois. Les taux de retour au travail sont encore plus faibles dans le cas des travailleurs blessés qui sont également atteints de dépression. Étant donné que la durée moyenne d'absence du travail était de six mois dans l’échantillon à l’étude, les taux de retour au travail observés peuvent être considérés comme positifs.
Une certaine prudence est toutefois de mise en ce qui concerne l’interprétation des résultats de l’étude. Vu la taille modeste de l’échantillon, il n’a pas été possible de contrôler tous les facteurs externes (p. ex. : traitement concomitant, antécédents de traitement, secteur d’emploi) susceptibles d’avoir influé sur la probabilité de retour au travail. Il importe aussi de souligner que les participants à l’intervention étaient tous volontaires; il se peut en effet que les personnes qui se portent volontaires pour prendre part à des études soient particulièrement motivées à se rétablir et à retourner au travail, ce qui pourrait ne pas être le cas de tous les travailleurs blessés.
Les défis de mise en oeuvre doivent aussi être pris en compte. Les compétences requises pour administrer l’intervention ne sont pas enseignées dans le cadre des programmes de formation clinique des professionnels de la réadaptation. Les cliniciens responsables des traitements offerts dans le cadre de cette étude ont ainsi reçu une formation spécialisée pour acquérir les compétences nécessaires à la prestation de l’intervention. La mise à disposition de la formation en question aux professionnels de la réadaptation à l’échelle de la province serait exigeante et coûteuse.
Une éventuelle option à envisager consisterait à évaluer l’efficacité d’une version de l’intervention axée sur la prestation de services à distance. Un modèle de traitement axé sur la télémédecine ne nécessiterait en effet la formation que d’un petit nombre de professionnels de la réadaptation. Un tel modèle augmenterait également l’accès aux services pour les travailleurs blessés vivant en milieu rural ou en région éloignée. Il importe aussi de noter qu’un modèle de traitement axé sur la télémédecine serait moins coûteux que les services fournis par les cliniques de réadaptation.
En conclusion, les résultats de cette étude suggèrent que le PGAP peut contribuer à l’amélioration de l’état clinique et au retour au travail des travailleurs blessés qui présentent des symptômes de douleur et de dépression. La majorité des participants ont déclaré qu’ils étaient satisfaits des traitements reçus et que leur qualité de vie s’était améliorée. Une accessibilité accrue d’interventions telles que celle évaluée dans cette étude pourrait améliorer les perspectives de rétablissement des travailleurs blessés qui présentent des symptômes de douleur et de dépression. Les résultats de l’étude permettent d’envisager l’évaluation de l’efficacité du PGAP dans le cadre d’essais cliniques contrôlés.
Abstract
Many individuals who have sustained injuries in the workplace will experience symptoms of pain as well as symptoms of depression. The combination of pain and depressive symptoms can have a negative impact on recovery. The presence of depressive symptoms can interfere with an individuals’ ability to engage in many important activities of daily living, including occupational activities. Studies have shown that injured workers with depressive symptoms will be absent from work twice as long as injured workers without depression. Interventions that have been used to treat pain and disability in injured workers are much less effective when the injured worker is also experiencing symptoms of depression. Many clinicians and researchers have called for the development and evaluation of treatments specifically designed to meet the needs of injured workers who are experiencing symptoms of pain and depression.
The present study was designed to evaluate the feasibility and impact of an intervention specifically designed to meet the needs of injured workers experiencing symptoms of pain and depression. The intervention that was evaluated in this study is referred to as the ‘Progressive Goal Attainment Program’ (PGAP). The intervention contains a wide range of techniques designed to increase activity involvement, improve mood, and assist the injured worker in returning to work. In this intervention, the injured worker meets with a specially trained rehabilitation professional for one hour each week, for a maximum of 10 weeks.
In order to recruit participants for this study, advertisements were placed in newspapers, on the radio and in rehabilitation clinics in the greater Montreal region. A total of 57 injured workers (43 men, 14 women) experiencing symptoms of pain and depression volunteered to participate in the study. The majority of participants successfully completed the intervention. Only 9 participants (17%) discontinued the intervention prematurely either due to lack of interest, medical complications or geographical distance.
The average age of participants was 41 years of age. The majority of participants were married or living common-law and had completed at least 12 years of schooling. On average, participants had been absent from work for approximately 6 months when they enrolled in the study.
Participation in PGAP led to many positive changes. At the end of the intervention, participants were more optimistic about their situation and their health condition, and they were less worried about engaging in physical activities. Participants also reported that their pain had decreased and their mood had improved. Participants reported that the intervention program had improved their quality of life and the majority of participants indicated that they were either ‘very’ or ‘extremely’ satisfied with the treatment they received.
When contacted 6 months after the end of treatment, 58% of participants indicated that they had returned to work. In the absence of a control group, it is not possible to make confident statements about the degree to which return to work outcomes were influenced by the intervention. Epidemiological studies suggest that, for individuals who have been work-disabled for 3 months, approximately 40% will return to work; for individuals who have been workdisabled for 6 months, only 25% will return to work, Return to work rates are even lower in injured workers who also suffer depression. Considering that the mean duration of work disability in the current sample was 6 months, the observed return to work rates would be considered a positive outcome.
Although the outcome of the study would be considered positive, some degree of caution must be exercised in the interpretation of the findings. Given the modest sample size, it was not possible to control for all extraneous factors (e.g., concurrent treatment, previous treatment history, employment sector) that might have influenced the probability of returning to work. It is also important to note that the participants in the intervention were volunteers. It is possible that people who volunteer for research studies might be especially motivated to improve and return to work. This might not be true of all injured workers.
Implementation challenges must also be considered. The skills that are required to deliver the intervention are not taught in the clinical training programs of rehabilitation professionals. The clinicians that provided services for this study received specialized training to acquire the skills necessary to deliver the intervention. Attempting to make this specialized training available to rehabilitation professionals across the province would be challenging and costly.
One possible avenue to consider would be to evaluate the effectiveness of a tele-health version of the intervention. By using a tele-health model of service delivery, only a small number of rehabilitation professionals would need to be trained. A tele-health model of service delivery would also increase access to services for injured workers who live in rural or remote communities. Also important is that a tele-health model of service delivery would be associated with lower costs than services provided through rehabilitation clinics.
In conclusion, the results of this study suggest that PGAP can contribute to clinical improvement and return to work in injured workers with symptoms of pain and depression. The majority of participants indicated they were satisfied with the treatment they received and that their quality of life had improved. Greater accessibility of interventions such as the one tested in this study could improve the recovery outcomes of injured workers experiencing symptoms of pain and depression. The results of the study warrant consideration of testing the effectiveness of PGAP within a controlled clinical trial.
ISBN
9782897970772
Mots-clés
Troubles musculosquelettiques, Musculoskeletal disease, Dépression, Depressive disorder, Maintien en emploi, Job maintenance, Invalidité de longue durée, Long-term disability, Réadaptation, Rehabilitation, Motivation, Étude de cohorte, Cohort study, Aspect psychosocial, Psychosocial aspect, Critère de risque, Hazard criteria, Effet psychologique, Psychological effect, Recommandation, Directive, Québec
Numéro de projet IRSST
2013-0024
Numéro de publication IRSST
R-1068
Citation recommandée
Sullivan, M. J. L., Wideman, T. H. et Thomas, A. (2019). Dépression et douleurs musculosquelettiques : évaluation préliminaire d'une approche de réadaptation axée sur la promotion du retour au travail (Rapport n° R-1068). IRSST.