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Année de publication

2017

Langue

Français

Résumé

Les données tirées d’un portrait récent de l’exposition des travailleurs québécois à 38 cancérogènes avérés ou probables ont suscité un fort intérêt parmi les intervenants en santé et en sécurité du travail (SST), qui ont exprimé le besoin d’une analyse plus détaillée de la situation québécoise. Le rapport actuel vise à répondre à cette demande en présentant une analyse par secteurs et sous-secteurs d’activité économique et en soulignant les groupes professionnels particulièrement concernés pour 41 substances classées comme cancérogènes.

Les substances étudiées sont classées comme cancérogène « démontré » ou « soupçonné » chez l’humain (notations C1 et C2, respectivement) ou « démontré » chez l’animal (C3), selon l’annexe 1 du Règlement sur la santé et la sécurité du travail, ou encore comme cancérogène « avéré » ou « probable » pour l’humain (groupes 1 et 2A, respectivement), selon le classement du Centre international de recherche sur le cancer. Pour chaque cancérogène, le nombre de travailleurs potentiellement exposés a été obtenu en appliquant des pourcentages de travailleurs exposés à ce cancérogène dans les secteurs d’activité concernés, calculés à partir de diverses sources d’information, aux effectifs de la main-d’œuvre québécoise estimés à partir des données de l’Enquête nationale auprès des ménages de Statistique Canada menée en 2011. L’information sur l’exposition a été extraite en majeure partie des données d’exposition compilées dans le cadre du projet CARcinogen EXposure Canada (CAREX Canada), qui tiennent compte des professions et des secteurs d’activité économique. Des données de l’Enquête québécoise sur la santé de la population 2008 et de l’Enquête québécoise sur des conditions de travail, d’emploi et de santé et de sécurité du travail ont permis de vérifier certains résultats obtenus des données de CAREX Canada. Pour quelques cancérogènes, les données d’exposition proviennent de deux sources françaises : l’enquête Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels de 2010 (SUMER 2010) menée par la Direction générale du travail et la DARES, du ministère français du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social et basée sur le volontariat des médecins du travail, et les matrices emplois-expositions du Programme de matrices emplois-expositions en population générale (MATGÉNÉ) développées par l’Institut de veille sanitaire (InVS). L’estimation des pourcentages d’exposition a été effectuée indépendamment des niveaux d’exposition subis.

Selon cette approche, les dix substances ou circonstances auxquelles les travailleurs québécois sont exposés en plus grande proportion sont : le travail de nuit, même occasionnel (14,2 %), le rayonnement solaire (6,6 %), les émissions de moteurs diésels (4,9 %), les huiles minérales (2,4 %), le benzène (2,1 %), les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) (2,0 %), la silice (2,0 %), les poussières de bois (1,9 %), le plomb ou ses composés inorganiques (1,6 %) et les rayonnements ionisants (1,2 %). Il faut souligner que la proportion d’exposition rapportée ici pour le travail de nuit est beaucoup plus réaliste que celle rapportée dans notre rapport précédent (6,6 %) qui avait été obtenue à partir d’une autre source de données.

À partir de ces pourcentages d’exposition, on estime qu’au moins 242 300 travailleurs québécois seraient exposés au rayonnement solaire et que près de 180 000 travailleurs seraient exposés aux émissions de moteurs diésels dans le cadre de leur travail. Par ailleurs, les secteurs de la fabrication, du transport et entreposage et des soins de santé et d’assistance sociale compteraient chacun plus de 50 000 travailleurs exposés à des cancérogènes.

Bien que plusieurs sous-secteurs d’activité économique soient touchés par la multiexposition, ceux où l'on retrouve plus de 20 cancérogènes se concentrent dans quatre secteurs, soit ceux de la fabrication, de la construction, des autres services (notamment réparation et entretien; services personnels, de blanchissage, etc.) et des soins de santé et d’assistance sociale. Ces données ne renseignent pas sur le nombre de cancérogènes différents auxquels un travailleur donné est exposé dans ces secteurs et sous-secteurs, mais montrent que le potentiel de multiexposition est bien réel. Les professions particulièrement concernées par la multiexposition sont les métiers spécialisés (notamment ceux des opérateurs de machines et des soudeurs et opérateurs de machines à souder et à braser) dans les secteurs et sous-secteurs de la fabrication de produits chimiques, plastiques et métalliques et des services professionnels, scientifiques et techniques, ainsi que les manœuvres de plusieurs sous-secteurs.

L’analyse des données selon le sexe montre que les femmes sont plus nombreuses à être exposées à des cancérogènes dans le secteur des soins de santé et d’assistance sociale, entre autres au travail de nuit, aux rayonnements ionisants, aux cytostatiques (médicaments toxiques pour les cellules) et au rayonnement solaire. Les hommes exposés se retrouvent en plus grande proportion dans les secteurs de l’agriculture, foresterie, pêche et chasse, de l’extraction minière, de pétrole et de gaz, de la construction, des services publics, de la fabrication et du transport et entreposage; ces secteurs se caractérisent notamment par l’exposition au travail de nuit, au rayonnement solaire et aux émissions de moteurs diésels.

Les expositions aux HAP, aux émissions de moteurs diésels, au benzène et au rayonnement solaire touchent une majorité des secteurs dont les jeunes travailleurs constituent une proportion non négligeable de la main-d’œuvre, soit notamment ceux du commerce de détail, des arts, spectacles et loisirs et de l’hébergement et restauration. Les expositions aux émissions de moteurs diésels et au rayonnement solaire touchent une majorité des sous-secteurs où se trouvent les travailleurs plus âgés (55 ans ou plus), spécialement le groupe d’activité du transport scolaire et transport d'employés par autobus.

Cinq secteurs d’activité se distinguent par une proportion de plus de 90 % de très petits milieux de travail (moins de 20 employés). Il s’agit des secteurs de l’agriculture, foresterie, pêche et chasse et de la construction, et de secteurs offrant des services, soit les services immobiliers et services de location et de location à bail, des services professionnels, scientifiques et techniques, et des autres services sauf les administrations publiques; les cancérogènes qu’on y retrouve sont, entre autres, le rayonnement solaire, le travail de nuit (même occasionnel), les émissions de moteurs diésels, les poussières de bois et les rayonnements ionisants.

Malgré leurs limites, les estimations produites donnent des indications utiles quant à l’importance de l’exposition potentielle des travailleurs québécois aux substances cancérogènes selon les secteurs d’activité et des groupes professionnels concernés, afin d’orienter les actions préventives des intervenants et des décideurs en santé et en sécurité du travail. Les cancers prennent plusieurs années à se développer et il est souvent difficile de faire le lien entre un cancer et une exposition professionnelle particulière. La meilleure stratégie préventive est donc de repérer où se trouvent les cancérogènes en milieu de travail, puis d’appliquer la démarche d’hygiène pour tout danger en milieu de travail en visant une exposition la plus basse possible selon le principe ALARA (« as low as reasonably achievable » ou « aussi bas que raisonnablement possible »).

Note

Ce rapport a une annexe, RA-964.

Abstract

A recent portrait of occupational exposure in Québec to 38 known or probable carcinogens proved of great interest to occupational health and safety (OHS) stakeholder, who expressed a need for more in-depth analysis of the situation in Québec. This report aims to meet that need, providing an analysis by industries and subsectors and identifying occupational groups of particular concern in the case of 41 substances classified as carcinogenic.

Studied were substances classified as having a “known” or “suspected” carcinogenic effect in humans (C1 and C2 respectively) or a “known” carcinogenic effect in animals (C3) according to Schedule 1 of the Regulation respecting occupational health and safety, or as “carcinogenic to humans” or “probably carcinogenic to humans” (groups 1 and 2a, respectively) according to the International Agency for Research on Cancer. The number of workers potentially exposed to each carcinogen was obtained by applying the percentage of exposed workers in a given industry, calculated from various data sources, to the number of people working in that industry in Québec according to the 2011 National Household Survey conducted by Statistics Canada. The information on exposure was largely extracted from data compiled as a part of the CARcinogen EXposure Canada (CAREX Canada) project, which takes occupation and industry into account. Data from the 2008 Enquête québécoise sur la santé de la population (Québec population health survey) and the Enquête québécoise sur des conditions de travail, d’emploi et de santé et de sécurité du travail (Québec survey on working, employment and OHS conditions) were used to check some of the results obtained with the CAREX Canada data. For some carcinogens, the exposure data came from two French sources: SUMER 2010, a voluntary survey of occupational health physicians concerning medical surveillance of occupational risk exposure, conducted by the labour branch and statistics service of France’s ministry of labour, employment, occupational training and social dialogue; and the job-exposure matrices developed through MATGÉNÉ, a program to develop job-exposure matrices in the general population implemented by France’s institute for public health surveillance (InVS). Exposure percentages were estimated independently of exposure levels.

Based on this approach, the 10 carcinogenic substances or conditions to which the greatest proportion of Québec workers are exposed are night work, including occasional night work (14.2%), sunlight (6.6%), diesel exhaust (4.9%), mineral oils (2.4%), benzene (2.1%), polycyclic aromatic hydrocarbons (HAPs) (2.0%), silica (2.0%), wood dust (1.9%), lead or its organic compounds (1.6%) and ionizing radiation (1.2%). Note that the percentage of workers exposed to night work reported here is much more realistic than that reported in our earlier report (6.6%), obtained from another data source.

Based on these percentages, it is estimated that at least 242,300 Québec workers are exposed to solar radiation and close to 180,000 to diesel exhaust on the job. In addition, over 50,000 are exposed to carcinogens in each of the following sectors: manufacturing, transportation and warehousing, and health care and social assistance. Though multiple exposures occur in many subsectors, those where more than 20 different carcinogens are found are concentrated in four particular industries: manufacturing, construction, other services (repair and maintenance; personal and laundry services; etc.) and healthcare and social assistance. These data do not indicate the number of different carcinogens to which any given worker is exposed in these industries and subsectors, but they do show that the potential for multiple exposure is very real. Multiple exposure is a particular concern for skilled trades (machine operators, welders, welding and brazing machine operators) in chemical, plastics and metal manufacturing, and professional, scientific and technical services, and well as for general labourers in a number of subsectors.

A breakdown of the data by sex shows that more women are exposed to carcinogens in healthcare and social assistance (night work; ionizing radiation; cytostatic drugs, that is, medicine toxic to cells; and solar radiation). A higher proportion of men are exposed in agriculture, forestry, hunting and fishing, mining, oil and gas extraction, construction, utilities, manufacturing and transportation and warehousing. These industries are characterized in particular by exposure to night work, solar radiation and diesel exhaust.

Exposure to PAHs, diesel exhaust, benzene and solar radiation occurs in most industries where young workers constitute a considerable portion of the labour force, including retail trade, arts, entertainment and recreation and accommodation and food service. Exposure to diesel exhaust and solar radiation occurs in most subsectors where older workers are employed (55 years of age), particularly in school and employee bus transportation.

In five major sectors, more than 90% of the enterprises are small businesses (less than 20 employees): agriculture, forestry, hunting and fishing; construction; real estate and rental and leasing; professional, scientific and technical services; and other services (except public administration). The carcinogens in these sectors include solar radiation, night work (including occasional), diesel exhaust, wood dust and ionizing radiation.

Despite their limitations, the estimates obtained are useful indicators of the extent of Québec workers’ potential exposure to carcinogens depending on industry and occupational group and can provide guidance on preventive measure for OHS professionals and decision-makers. Cancers take years to develop, and it can be difficult to establish a link between a cancer and a given occupational exposure. The best preventive strategy is thus to determine where carcinogens are found in the workplace and then use the same approach as for any occupational hazard, that is, application of the ALARA (as low as reasonably achievable) principle, also called the ALARP (as low as reasonably practicable) principle.

Note

This report has an appendix, RA-964.

ISBN

9782896319329

Mots-clés

Substance cancérogène, Carcinogen, Essence diesel, Diesel fuel, CAS 68334305, Poussière de bois, Wood dust, Hydrocarbures polycycliques aromatiques, Polycyclic aromatic hydrocarbons, Benzène, Benzene, CAS 71432, Silice, Silica, Plomb, Lead, CAS 7439921, Rayonnement ultraviolet, Ultraviolet radiation, Huile minérale, Mineral oil, CAS 8012951, Effet cancérogène, Carcinogenic effect, Évaluation de l'exposition, Exposure evaluation, Travail de nuit, Night work, Rayonnement solaire, Solar radiation, Gaz d'échappement, Exhaust gas, Québec

Numéro de projet IRSST

2013-0040

Numéro de publication IRSST

R-964

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