Type de document

Portraits statistiques

Année de publication

2024

Langue

Français

Résumé

La population immigrante connaît une croissance importante au Québec depuis plusieurs années. La proportion d’immigrants dans la population en emploi a augmenté de 8,3 points de pourcentage entre 2006 et 2021, passant de 10,9 % à 19,2 %. Cette augmentation de la représentativité des immigrants sur le marché du travail pose divers défis, notamment ceux liés à leur intégration ainsi qu'à leur santé et sécurité au travail (SST). Malgré l’intérêt croissant porté aux enjeux de la SST touchant les personnes issues de l’immigration, il n’existe pas de portrait statistique détaillé des lésions professionnelles indemnisées chez les immigrants au Québec. Dans ce contexte, cette étude vise à brosser un portrait statistique des lésions professionnelles chez les immigrants admis au Québec depuis 1980 ainsi qu’à identifier les groupes de travailleurs immigrants les plus fortement associés à la présence et la gravité de ces lésions.

Des données du recensement de 2016 et de l’Enquête sur la population active (EPA) de 2015 à 2017 ont permis de documenter les caractéristiques sociodémographiques des travailleurs immigrants ainsi que les caractéristiques des emplois occupés par ces derniers. De plus, puisque les données administratives de la CNESST ne contiennent pas d’information permettant d’identifier les travailleurs issus de l’immigration, un appariement couplant des données du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) et de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) à celles de la CNESST a été réalisé.

Les analyses ont d’abord montré que les immigrants présentent un niveau de diplomation plus élevé que celui des non-immigrants, davantage de surqualification, une proportion plus élevée de travail à temps partiel involontaire, une plus grande proportion de travailleurs autonomes et un taux de présence syndicale moins élevé. Ces disparités sont susceptibles d'influer sur les risques d'accident du travail.

De 2012 à 2017, la proportion des accidents acceptés à la CNESST qui surviennent à des immigrants est passée de 8,9 % à 12,2 %, une augmentation plus importante que l’augmentation de leur représentativité dans la population en emploi. De façon générale, les caractéristiques des lésions professionnelles chez les immigrants sont similaires à celles des non-immigrants. Les immigrants semblent toutefois avoir moins de lésions de courte durée et plus de lésions de longue durée que les non-immigrants. On rapporte d’ailleurs une durée moyenne d’indemnisation plus longue chez les immigrants.

Les résultats des régressions binomiales négatives, sur l’ensemble des accidents acceptés, révèlent un risque accru de blessures chez certains groupes d’immigrants, notamment les immigrants récents (admis il y a moins de cinq ans). Les analyses suggèrent que le risque d’accident devient similaire aux non-immigrants à mesure que le nombre d’années depuis l’admission augmente. Des analyses ont aussi été réalisées en ciblant uniquement les accidents avec perte de temps indemnisée de plus de 90 jours. Ces cas, dont la gravité est considérée comme plus élevée, sont moins susceptibles d’être influencés par la sous-déclaration. Les résultats obtenus en utilisant ce sous-ensemble d’accidents, et à l’aide d’un modèle ajusté qui tient compte du sexe, de l’industrie et de la catégorie professionnelle, suggèrent que les immigrants ont un plus grand risque d’accident que les non-immigrants, et ce, pour toutes les catégories de nombre d’années depuis l’admission. Des analyses par stratification apportent des nuances en démontrant que les résultats obtenus dépendent de l'âge et du sexe.

Ce rapport confirme certaines conclusions établies dans la littérature, tout en ajoutant de nouvelles perspectives. Il met en lumière que les différences observées entre les immigrants et les non-immigrants, en termes de caractéristiques sociodémographiques et d'emplois ainsi que d’accidents du travail, sont principalement constatées entre les immigrants récents et les non-immigrants. Le nombre d’années depuis l'admission apparaît donc comme un facteur plus significatif que le simple statut d'immigrant. Les immigrants récents, et particulièrement certains groupes d'âge, semblent effectivement être plus à risque d’accident du travail que les non-immigrants. Ce rapport apporte également une contribution significative en mettant en évidence l’importance de cibler les accidents du travail plus graves, afin d’analyser les écarts de risque de lésions professionnelles entre les immigrants et les non-immigrants. En se concentrant sur les cas les plus graves, cela permet de réduire les biais potentiels liés à la sous-déclaration des accidents chez les travailleurs immigrants. De plus, il souligne l’importance d'adopter une perspective intersectionnelle pour comprendre la problématique des accidents du travail chez les immigrants et propose des orientations pour cibler les interventions visant à réduire ce risque.

Abstract

In recent years, Quebec’s immigrant population has grown substantially. The proportion of immigrants in the employed population increased by 8.3 percentage points between 2006 and 2021, rising from 10.9% to 19.2%. This increase in immigrant representation in the labour market raises various challenges in relation to their integration and their occupational health and safety (OHS), among other things. Despite the growing interest in OHS issues affecting people with immigrant backgrounds, there is no detailed statistical picture of compensated occupational injuries among immigrants in Quebec. In this context, this study aims to create a statistical profile of workplace injuries among immigrants admitted to Quebec since 1980 and to identify the groups of immigrant workers that are most at risk of suffering an occupational injury and the characteristics and consequences of these injuries.

Data from the 2016 census and the 2015 to 2017 Labour Force Survey (LFS) enabled us to document the socioeconomic characteristics of immigrant workers and of the jobs they hold. In addition, since the CNESST’s administrative data do not contain information that could allow us to identify workers with immigrant backgrounds, a matching process was applied, pairing data from the Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) and the Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) with the CNESST data.

The analyses first showed that immigrants have a higher graduation rate, are more likely to be overqualified, have a higher proportion of involuntary part-time work and of self-employment, and are less likely to be unionized than non-immigrants. These differences are likely to affect risks of workplace accidents.

From 2012 to 2017, the proportion of accidents accepted by the CNESST that happened to immigrants rose from 8.9% to 12.2% – greater than the increase in their representation in the employed population. In general, the characteristics of occupational injuries in immigrants are similar to those in non-immigrants. However, immigrants seem to have fewer short-term injuries and more long-term injuries than non-immigrants. The mean duration of compensation is reported to be longer for immigrants.

The results of negative binomial regressions on all accepted accidents reveal an increased risk of injuries in certain groups of immigrants, particularly recent arrivals (admitted less than five years ago). The analyses suggest that the risk of accident becomes increasingly similar to that for non-immigrants as the number of years since admission increases. Analyses were also done targeting only accidents with compensated lost time of more than 90 days. These cases, which are considered to be more severe, are less likely to be influenced by under-reporting. The results obtained using this subset of accidents, and a model that takes sex, industry and occupational category into consideration, suggest that immigrants have a greater risk of accidents than non-immigrants for all numbers of years since admission. Stratification analyses provide further information, showing that the results obtained depend on age and sex.

This report confirms certain conclusions established in the literature and adds some new perspectives. It highlights the fact that the differences observed between immigrants and non-immigrants, in terms of sociodemographic and employment characteristics and workplace accidents, mainly apply to recent immigrants. The number of years since admission therefore appears to be a more significant factor than immigrant status per se. Recent immigrants, and especially certain age groups, do in fact appear to be more at risk of workplace accidents than non-immigrants. This report also makes a significant contribution by underscoring the importance of targeting the most serious workplace accidents to analyze gaps between occupational injury risk in immigrants and non-immigrants. Focusing on the most serious cases allows us to reduce potential biases related to under-reporting of accidents by immigrant workers. In addition, it highlights the importance of adopting an intersectional perspective to understand workplace accidents among immigrants and propose guidelines to target interventions designed to reduce this risk.

ISBN

9782897973032 (PDF)

Mots-clés

Travailleur immigrant, Immigrant worker, Aspect statistique-accidents et maladies, Statistical aspect-accidents and diseases, Taux de fréquence, Frequency rate, Taux de gravité, Severity rate, Évaluation statistique, Statistical evaluation, Québec

Numéro de projet IRSST

2015-0058

Numéro de publication IRSST

S-1202-fr

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