Type de document

États de la question, rapports d'expertise et revues de littérature

Année de publication

2020

Langue

Français

Résumé

Le travail saisonnier, bien qu’il puisse à première vue sembler relativement marginal sur le marché du travail, est central pour plusieurs régions et secteurs d’activité. Communément associé aux activités d’exploitation des ressources naturelles (agriculture, foresterie, pêche), le travail saisonnier est également présent dans plusieurs autres secteurs d’activité (fabrication, transformation alimentaire, services publics, etc.). Ce type de travail se différencie de celui qui est permanent par sa temporalité, mais aussi par son incertitude liée à la saisonnalité. Les travailleurs saisonniers sont reconnus pour leurs longues heures de travail et l’alternance entre les périodes « saison » et « hors saison ». Toutefois, on connaît peu les effets de ces modalités particulières du temps de travail sur la santé des travailleurs et sur les actions de prévention des troubles musculosquelettiques (TMS) efficaces dans un tel contexte. De plus, les écrits sur le travail saisonnier demeurent très dispersés rendant difficile d’en dégager les enjeux pour la prévention des TMS et les besoins des milieux.

La présente étude vise à fournir des informations pertinentes afin de guider les actions de prévention des TMS en contexte saisonnier. Pour ce faire, deux objectifs sont nécessaires :

  1. dresser un bilan des connaissances sur le travail saisonnier et ses caractéristiques afin de contribuer à l’identification de problématiques prioritaires pour la prévention des TMS et
  2. développer une méthode d’analyse du suivi longitudinal de certains indicateurs de l’état de santé musculosquelettique de travailleurs saisonniers à partir d’une base de données déjà existante.

Pour répondre à l’objectif 1, une revue de la littérature (examen de la portée) ciblant le travail saisonnier et les TMS a été réalisée. Des analyses qualitatives (descriptives et catégorielles) ont été effectuées pour décrire le travail saisonnier et ses caractéristiques, ainsi que pour identifier les enjeux que pose le travail saisonnier pour la prévention des TMS. Pour le second objectif, la démarche globale de développement repose sur des approches complémentaires (qualitatives et quantitatives) et séquentielles d’analyses de schémas corporels complétés par 16 travailleuses saisonnières au début et à la fin de chaque quart de travail au cours de deux saisons de travail (135 000 scores de douleur). Dans un premier temps, une analyse qualitative approfondie et détaillée des évolutions de douleurs par région corporelle a été réalisée à l’aide de diagrammes de Kiviat et éclairée par les verbatim des entretiens. Dans un second temps, des analyses statistiques collectives ont été effectuées sur la base du calcul de deux séries d’indicateurs quantitatifs moyens (scores moyens de douleur et scores obtenus de l’outil d’indice d’impact de la douleur sur la vie quotidienne (IDVQ/NULI)). Les indicateurs et les profils obtenus lors de la première phase des analyses ont été confrontés statistiquement à ces deux séries d’indicateurs quantitatifs moyens pour identifier leur cohérence entre eux ou leur apport respectif à la compréhension de l’évolution des TMS.

Les résultats de l’objectif 1 font ressortir une réalité qui est peu documentée en soi et encore moins sous l’angle de la prévention des TMS. Ce contexte de travail revêt une complexité et est marqué par une main d’œuvre dont la vulnérabilité se décline différemment selon les profils des saisonniers. Les saisonniers récurrents seraient particulièrement à risque et souffriraient davantage de TMS. Pour bon nombre des secteurs où l’activité est saisonnière, celle-ci est particulièrement marquée par des conditions de travail difficiles où s’entremêlent de fortes contraintes organisationnelles, temporelles et physiques qu’il est d’usage d’accepter, puisqu’elles sont perçues comme passagères le temps d’une saison. Un tel contexte est même rapporté comme pouvant représenter une incompatibilité avec une prise en charge et un suivi des problèmes de santé. La compréhension de ce contexte de travail et des principes d’action en termes de prévention des TMS qui lui sont pertinents et efficaces demeure parcellaire, voire inconnue. De son côté, les résultats du second objectif ont mené au développement d’une méthode d’analyse du suivi longitudinal des TMS qui repose sur une série d’indicateurs et de profils (notamment, douleurs spécifiques et/ou diffuses, chronicité, trajectoire temporelle, etc.). Plus spécifiquement, ces indicateurs et l’approche globale de ce développement méthodologique permettent de caractériser l’évolution des TMS et d’analyser, sous ses diverses formes, la variabilité du caractère fluctuant des TMS au cours du temps.

Les résultats de cette étude mettent en évidence le besoin d’interventions visant à prévenir les TMS au sein des milieux en contexte saisonnier et, plus spécifiquement, reposant sur une approche systémique des déterminants de TMS et favorisant la mobilisation des acteurs clés. D’éventuelles études s’intéressant au développement et à l’implantation de telles interventions permettraient de mieux comprendre l’influence de ce contexte et d’éclairer les actions des professionnels de la santé qui oeuvrent en contexte saisonnier. De telles interventions et études gagneraient à être réalisées en complémentarité à une approche évaluative appropriée et à des modalités d’évaluation pertinentes pour permettre de mieux comprendre l’influence d’un tel contexte de travail et d’identifier des mécanismes d’actions visant à prévenir les TMS adaptés à ce contexte.

Dans cette perspective, la méthode de suivi longitudinal des TMS développée dans cette étude pourrait être réinvestie dans de telles études comme l’une des modalités d’évaluation. Cette méthode d’analyse représente une mesure sensible et fine de l’évolution des symptômes sur une base longitudinale et a le potentiel d’être utilisée en complémentarité à d’autres modalités pour mettre en évidence des variables explicatives liées à l’évolution des TMS. De plus, les résultats de cette étude permettent également de guider d’éventuels choix pour l’étude du suivi des TMS en milieux de travail et pour le développement de moyens pour les interventions ergonomiques. Plus particulièrement, cette méthode a permis d’évaluer le caractère chronique de douleurs et, dans cette perspective, porte à s’intéresser aux symptômes musculosquelettiques des travailleurs non seulement à la fin de la journée de travail, mais aussi en début de quart de travail. Par ailleurs, ce développement méthodologique a mené à des résultats d’une grande richesse pour la compréhension des TMS. Notamment, les résultats font ressortir une situation très préoccupante pour les travailleuses avec un profil de douleurs diffuses. Ces travailleuses affichent les scores moyens de douleur les plus élevés et les impacts de ces douleurs sur la vie quotidienne sont importants.

Ainsi, ce développement méthodologique souligne la pertinence de la dimension longitudinale des études et des démarches d’intervention en milieux de travail pour aider à cibler des situations prioritaires pour la prévention des TMS, ainsi que pour évaluer les effets et les retombées des projets de changement implantés. Enfin, l’étude de la trajectoire temporelle des TMS sur une base longitudinale à l’aide des indicateurs développés dans la présente étude représenterait une avenue pertinente à investiguer pour mieux comprendre les effets des expositions interrompues sur les TMS et, en particulier, du point de vue de l’alternance entre la saison de travail et la période hors saison.

Abstract

While at first glance seasonal work may appear relatively marginal in the labour market, it is central in a number of regions and sectors of activity. Commonly associated with natural resource exploitation (agriculture, forestry, fishing), seasonal work is also present in several other activity sectors (manufacturing, food processing, public services, etc.). This type of work differs from permanent employment because of its temporary nature, but also because of the uncertainty associated with seasonality. It is well known that seasonal workers have long working hours and alternate between “in-season” and “off-season” periods. However, little is known about the effects of these particular work patterns on the health of workers, and of effective means to prevent musculoskeletal disorders (MSDs) in such a context. Furthermore, the literature about seasonal work is very sparse, making it difficult to identify the challenges involved in MSD prevention and what is needed in the workplace.

The purpose of this study is to provide relevant information to guide MSD prevention efforts in the context of seasonal work. To do so, two objectives were set:

  1. To review what is known about seasonal work and its characteristics, in order to help pinpoint priority issues for MSD prevention;
  2. To develop a longitudinal monitoring analysis method for certain musculoskeletal health status indicators of seasonal workers, using an existing database.

To respond to the first objective, a review of the literature (a scoping review) focused on seasonal work and MSDs was conducted. Qualitative (descriptive and categorical) analyses were carried out to describe seasonal work and its characteristics, and to identify the challenges that seasonal work poses for MSD prevention. For the second objective, the overall development process was based on complementary (qualitative and quantitative) and sequential approaches to body schema analyses completed by 16 female seasonal workers at the beginning and end of each work shift over two working seasons (135,000 pain scores). Initially, an in-depth and detailed qualitative analysis of changes in pain by body region was carried out using Kiviat diagrams and informed by the verbatim interview transcripts. Next, collective statistical analyses were carried out by calculating two sets of average quantitative indicators (mean pain scores and scores obtained using a tool to measure the impact of pain on daily life (IDVQ/NULI). The indicators and the profiles obtained during the first phase of the analyses were statistically compared with these two sets of average quantitative indicators to ascertain their consistency with each other and their respective contribution to the understanding of the evolution of MSDs.

The results of the first objective highlight a reality that is not well documented on its own, let alone from the perspective of MSD prevention. The context surrounding this type of work is complex and is shaped by a workforce whose vulnerability varies, depending on the profiles of the seasonal workers. Returning seasonal workers appear to be especially at risk and to suffer more from MSDs. For many seasonal sectors, activities are characterized by difficult working conditions in which considerable organizational, temporal and physical constraints are interconnected. They are usually deemed to be acceptable, because they are seen as only lasting for the duration of a season. Seasonal work is even reported as being incompatible with the management and monitoring of health problems. An understanding of this work context and principles of action in terms of MSD prevention that are relevant and effective remains fragmented, even completely absent. The results of the second objective led to the development of a longitudinal monitoring analysis method for MSDs based on a series of indicators and profiles (such as specific and/or diffuse pain, chronicity, timeline). More precisely, the indicators and the overall approach of this methodological development made it possible to describe the evolution of MSDs and to analyze, in their various forms, the variability of their fluctuating nature over time.

The results of this study highlight the need for measures to prevent MSDs in seasonal settings that are based on a systemic approach to MSD determinants and that encourage the mobilization of key stakeholders. Further studies into the development and implementation of such measures would provide a better understanding of the influence of this context and would inform the actions of health professionals working in seasonal settings. Such measures and studies would benefit from being carried out in conjunction with an appropriate evaluative approach and relevant evaluation methods to make it possible to better understand the influence of this type of work context and to identify MSD prevention actions that are adapted to it.

From this perspective, the longitudinal monitoring method for MSDs developed in this study could be applied to future studies as one of the evaluation methods. This analysis method is a sensitive and fine-tuned measure to assess the progression of symptoms longitudinally and has the potential to be used in combination with other methods to reveal explanatory variables related to the evolution of MSDs. Moreover, the results of the study could also guide possible choices for a follow-up study of MSDs in workplaces and for the development of approaches for ergonomic interventions. This method has made it possible to assess the chronic nature of pain and, from that perspective, is focused on the musculoskeletal symptoms of workers, not only at the end of the workday but also at the beginning of the work shift. This methodological development has led to very valuable findings for the understanding of MSDs. In particular, the findings revealed a very worrisome situation for female workers with a profile of diffuse pain. These workers have the highest mean pain scores and the impact of that pain on their daily lives is significant.

This methodological development underscores the importance of the longitudinal dimension of studies and workplace intervention approaches in helping to target priority situations for MSD prevention, as well as to assess the effects and impacts of the change initiatives implemented. Finally, a longitudinally-based study of the timeline of MSDs using the indicators developed in this study will be a worthwhile avenue of investigation to better understand the effects of interrupted exposures on MSDs, particularly in terms of the alternation between work seasons and off-seasons.

ISBN

9782897971250

Mots-clés

Travail saisonnier, Seasonal work, Troubles musculosquelettiques, Musculoskeletal disease, Organisation de la prévention dans l'entreprise, Plant safety and health organisation, Analyse des données, Data analysis, Étude longitudinale, Longitudinal study

Numéro de projet IRSST

2015-0017

Numéro de publication IRSST

R-1102

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