Type de document

États de la question, rapports d'expertise et revues de littérature

Année de publication

1998

Langue

Français

Résumé

L'absorption du styrène se fait principalement par inhalation et, moindrement, par voie cutanée. Le styrène est métabolisé principalement en 7,8-époxyde (oxyde de styrène) par le système des oxydases à fonction mixte. D'un point de vue cinétique, l'exposition d'animaux de laboratoire à des niveaux croissants de styrène résulte en la saturation progressive des voies métaboliques. Ainsi, le métabolisme du styrène est saturé au-dessus de 426-852 mg/m³ chez I'humain, selon le degré d'activité physique. Ceci a pour conséquence d'augmenter la proportion de styrène inchangé qui s'accumule dans les graisses.

Chez l'humain, le temps de demi-vie pour l'élimination du styrène dans le tissu adipeux est de deux à trois jours. Les principaux métabolites urinaires détectés sont l'acide mandélique et l'acide phénylglyoxylique. L'élimination urinaire de l'acide mandélique est biphasique avec un temps de demivie de 2,5-9,4 heures pour la phase initiale et de 16,6-30 heures pour la seconde phase. L'élimination de l'acide phénylglyoxylique est plus lente que celle de l'acide mandélique avec un temps de demi-vie de 10.5 heures. Au moins 97% du styrène est éliminé dans l'urine par voie de transformation métabolique, alors que moins de 3% est éliminé inchangé dans l'air expiré.

Les études en laboratoire et en milieu professionnels ont démontré que les effets néfastes pour la santé les plus fréquement rapportés suite à une exposition au styrène sont l'irritation des yeux, ainsi que l'irritation des membranes muqueuses du nez et de la gorge. Les symptômes apparaissent quand les travailleurs sont exposés à des concentrations de styrène ne dépassant pas 1244 mg/m³, mais incluant des pics d'exposition à court terme parfois très élevés. De plus, des volontaires exposés à 920 mg/m³ de styrène pendant 20 min ou à 1602 mg/m³ durant une heure ont développé une irritation nasale caractéristique. L'irritation oculaire, quant à elle, a été observée à partir de 1602 mg/m³.

Les études menées chez des travailleurs exposés aux vapeurs de styrène en milieu de travail suggèrent que les effets neurotoxiques sont probablement les indicateurs de toxicité du styrène les plus sensibles. Les données disponibles ne permettent cependant pas d'établir de NOAEL et/ou de LOAEL pour les effets neurotoxiques suite à une exposition par inhalation aiguë ou chronique. Mais la majorité de ces études comportent des lacunes majeures, telles qu'une description tronquée de l'exposition, un trop petit nombre de sujets et des facteurs confondants contrôlés inadéquatement. Seuls quelques travaux permettent de distinguer les effets à court terme des effets à long terme.

L'évaluation de l'exposition des travailleurs au styrène dans l'industrie de la fabrication d'articles en plastique renforcé à la fibre de verre a démontré que les pics de concentrations doivent être pris en considération dans l'évaluation des effets aigus et chroniques sur la santé suite à l'exposition occupationnelle au styrène. Il apparaît évident qu'il n'est pas justifié d'établir un lien entre les effets observés en se basant uniquement sur les concentrations moyennes pondérées sur 8 h, surtout pour les effets aigus du styrène. Ceci pourrait conduire à une surestimation de la toxicité du styrène.

Nous avons préparé une grille de la fiabilité des études quant (1) à la qualité de la présentation de l'exposition des sujets au styrène et (2) à la qualité de l'évaluation des effets nocifs, y compris le contrôle des facteurs confondants. En prenant en considération cette classification, nous avons proposé un seuil de concentration du styrène pour chaque effet neurotoxique et nous avons suggéré un degré de fiabilité pour chaque seuil.

Des études dont la fiabilité est moyenne, suggèrent la présence de symptômes prénarcotiques pour des concentrations de styrène dépassant 213 mg/m³ pendant 15 minutes. Il a été impossible de déterminer une valeur au-delà de laquelle des anomalies pourraient être détectables sur les EEG. Les données disponibles suggèrent avec une fiabilité élevée un allongement du temps de réaction lorsque les concentrations des pics excèdent 240 mg/m³. Le seuil au-delà duquel il y a perte de perception des couleurs semble se situer avec une fiabilité élevée à des concentrations de pics d'environ 240 mg/m³ pendant 15 minutes. Avec une fiabilité moyenne, de faibles scores dans d'autres tests neurocomportementaux peuvent survenir à des concentrations de pics supérieures à 300 mg/m³. Il y a de preuves convaincantes (fiabilité élevée) qu'une exposition à long terme à des concentrations n'excédant pas 300 mg/m³ pendant 15 minutes ne peut causer des effets nocifs sur la vitesse de conduction nerveuse. Des effets sur les mesures se rapportant à l'équilibre semblent survenir, avec une fiabilité moyenne, à des concentrations de pics inférieures à 300 mg/m³.

Les tests sur les fonctions pulmonaires sont normaux chez les travailleurs exposés jusqu'à 1244 mg/m³ de styrène, avec des pics d'exposition allant jusqu'à 6390 mg/m³. Une étude a mentionné des bronchites chroniques sans complications chez des travailleurs ayant une concentration urinaire en AM de 808 mg/L (dont l'exposition au styrène a été estimée à 172 mg/m³), mais ces derniers étaient aussi exposés à des pics de concentration pouvant atteindre 2130 mg/m³. De plus, aucune information sur des expositions à long terme n'a été fournie, qui auraient permis de tirer une conclusion définitive.

Il a été démontré que le seuil de détection olfactif du styrène se situait entre 0,2 et 0,34 mg/m³; l'odeur devient nettement incommodante aux fortes concentrations. Cependant, la capacité de détecter cette odeur s'atténue au fur et à mesure que les individus exposés s'adaptent.

Plusieurs études indiquent que l'inhalation de styrène par les humains est sans effets, ou bien est accompagnée d'effets mineurs au niveau du sang. Les principales lacunes de ces études sont la faiblesse du protocole expérimental de type transversal, l'exposition à d'autres produits chimiques, ainsi qu'une description insuffisante de l'exposition. Cependant, d'après l'étude bien menée de Stengel, il y aurait un effet direct de l'exposition au styrène sur la distribution statistique de certains paramètres hématologiques pour des concentrations inférieures à 426 mg/m³.

Les études réalisées sur les humains et portant sur les effets hépatiques de l'inhalation de styrène ont souvent utilisé les niveaux d'activité sériques d'enzymes comme indicateur d'atteinte hépatique. En général, les études sur les humains ont donné des résultats négatifs ou équivoques. Bien qu'une étude bien menée sur des travailleurs exposés à des concentrations moyennes en styrène relativement élevées de 511 mg/m³, avec des pics allant jusqu'à 852 mg/m³, ait donné des résultats négatifs, les études animales suggèrent que l'inhalation de styrène affecterait les fonctions hépatiques mais, probablement, seulement qu'à des niveaux d'exposition très élevés.

La capacité du styrène à exercer des effets toxiques au niveau des reins a été étudiée chez les humains. Deux études ont montré que 100 à 225 mg/m³ de styrène n'avaient aucun effet sur les fonctions rénales et deux autres ont observé des changements. Mais les effets rénaux observés étaient le plus souvent peu importants et leur incidence ne corrélait pas avec les indices d'exposition au styrène. L'induction d'une néphrotoxicité chronique suite à une exposition à de faibles concentrations de styrène demeure donc très hypothétique.

Seules deux études d'importance ont été retenues pour la révision des effets immunologiques. Issues du même laboratoire, elles indiquent qu'une exposition professionnelle au styrène modifie la distribution des différents types de lymphocytes. Ces changements traduisent une réduction de l'immunité à médiation cellulaire, avec également des effets mineurs sur l'immunité à médiation humorale. Cependant, les valeurs diagnostique et pronostique des changements immunologiques associés à l'exposition au styrène restent à être déterminées. Le manque de données rend difficile la formulation d'une conclusion sur les effets immunotoxiques du styrène.

Les résultats de quelques études indiquent que les travailleuses exposées au styrène ont un plus haut taux d'avortements spontanés que les groupes témoins. D'autres travaux n'ont cependant pu mettre en évidence ce lien. L'interprétation des ces études est difficile à cause des faibles effectifs utilisés et de l'exposition à de multiples autres produits chimiques dans le milieu de travail. Les études sur l'exposition au styrène et le cycle menstruel ont donné des résultats, eux aussi, contradictoires et difficilement interprétables. Ainsi, les travailleuses participant au suivi n'ont pas été exposées uniquement au styrène mais aussi à d'autres produits chimiques, les concentrations d'exposition au styrène n'ont pas été détaillées avec précision et il existait des facteurs de risque non contrôlés en rapport avec le dysfonctionnement menstruel. En ce qui concerne la toxicité de reproduction chez l'homme, les données obtenues ne permettent pas de tirer de conclusion définitive.

L'évaluation d'effets potentiels du styrène sur le développement embryonnaire et fœtal chez les travailleuses exposées suggère que ce produit n'est pas tétatogène pour l'humain, bien que les niveaux d'exposition n'aient pas été correctement déterminés.

Des données de mutagénicité de travailleurs exposés au styrène suggèrent qu'une exposition à ce produit chimique peut provoquer une incidence accrue d'aberrations chromosomiques (tels les cassures et les brèches dans les chromosomes). L'interprétation de ces données, cependant, est rendue difficile en raison de l'exposition à une multitude d'autres produits chimiques. Les données plus récentes, présentées dans la section 3.5.2, ont montré que l'exposition au styrène provoque une incidence accrue d'échange de chromatides sœurs dans quatre des neufs études présentées et aucun changement dans la formation de micronucléi dans chacune des sept études disponibles. Mais vu qu'il n'était pas de notre mandat d'évaluer ces travaux, nous ne formulerons ici aucune conclusion. Bien que plusieurs études épidémiologiques sur des travailleurs exposés suggèrent une association entre l'exposition au styrène et une augmentation du risque de développer une leucémie ou un lymphome, ces preuves restent généralement non fondées à cause de la possible exposition à de multiples autres produits chimiques ainsi que de la description inadéquate des niveaux et des durées d'exposition.

Bien que les preuves émanant d'études animales soient limitées, les résultats de ces études suggèrent que le styrène est faiblement cancérigène chez certaines souches de rats et de souris. Ni l'EPA, ni l'OMS n'ont pu arriver, à ce jour, à classer le styrène dans l'une ou l'autre des différentes catégories de produits cancérigènes qu'ils ont établies. L'IARC l'a classé dans le groupe 2B qui, selon son échelle de classement, correspond à un cancérigène possible pour l'humain.

Mots-clés

Styrène, Styrene, CAS 100425, Exposition, Exposure, Risque d'atteinte à la santé, Health hazard, Toxicocinétique, Toxicokinetics, Irritation, Effet hématologique, Haematological effect, Effet sur la reproduction, Reproduction effect, Enquête épidémiologique, Epidemiologic survey

Numéro de projet IRSST

0096-0370

Numéro de publication IRSST

B-053

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