Type de document
États de la question, rapports d'expertise et revues de littérature
Année de publication
2015
Langue
Français
Résumé
Les activités reliées à des travaux d’aménagement, de sécurisation ou de réhabilitation de sites contaminés par de l’amiante peuvent entraîner la mise en suspension de fibres dans l’air. Les concentrations de fibres dans l’air peuvent dépendre de plusieurs paramètres dont la connaissance peut influer sur le choix de mesures de prévention et de protection des travailleurs.
La présente étude visait donc à dresser l’état des connaissances sur la relation entre les concentrations de fibres d’amiante dans le sol et celles dans l’air. Pour ce faire, une revue de la littérature a été réalisée à partir de différents mots-clés incluant : « asbestos » associé à « soil » et « air ». Les études en situation réelle ou simulée ainsi que les études expérimentales ont été considérées. Au total, 241 publications ont été recensées, mais seulement cinq ont été retenues dont deux de type terrain et trois de type expérimental.
En résumé, le taux d’humidité du sol, sa concentration en amiante et le genre d’activités sur le site (qui est directement lié au brassage du sol), apparaissent comme étant les caractéristiques les plus influentes de la libération des fibres dans l’air. Des facteurs de moindre importance, tels que la nature du sol, le type d’amiante et la distance de la source d’émission peuvent également avoir une incidence. Enfin, les conditions météorologiques (pluie, vent et ensoleillement), la présence de couvert végétal et la friabilité des matériaux pourraient avoir un effet de moindre impact sur l’émission de fibres d’amiante aéroportées.
De façon plus détaillée, les études de terrain ont montré que le niveau de dérangement du sol est un paramètre important pouvant influencer la mise en suspension dans l’air de fibres d’amiante à partir d’un sol contaminé. Ainsi, lors de travaux de réparation d’une route recouverte de gravier contaminé par de l’amiante (moins de 0,5 % de trémolite-actinolite), les opérateurs de niveleuse et les inspecteurs étaient les plus exposés, avec une moyenne respective de 0,276 f/cm3 et 0,260 f/cm3 tandis que l’exposition des signaleurs et des opérateurs de rouleau compacteur était faible, soit inférieure à 0,1 f/cm3. De plus, lors de la réalisation de travaux de différentes natures (râtelage, pelletage et excavation d’une tranchée à l’aide d’une pelle rétrocaveuse) sur des sols dont la distribution de l’amiante était non homogène (de non détecté à 3 % d’amiante), les concentrations de fibres provenant d’échantillons prélevés en postes personnels variaient de non détecté à 0,25 f/cm3. Ces mêmes échantillons de sols, agités en chambre expérimentale dans des conditions de pire scénario, ont donné des concentrations de fibres aéroportées pouvant dépasser 10 f/cm3.
La distance de la source d’émission est un facteur pouvant également influencer la concentration de fibres d’amiante dans l’air. Ainsi, pour un sol contenant 10 % d’amiante, les concentrations près de la source se situaient entre 0,01 et 0,1 f/cm3 et diminuaient avec la distance pour s’abaisser à moins de 0,001 f/cm3 à plus de 100 mètres de la source, soit un facteur d’abaissement variant de 10 à 100.
Les études expérimentales, réalisées en chambre à partir d’échantillons pour lesquels les différents paramètres (concentration d’amiante, nature du sol – sable, argile, intermédiaire – et type d’amiante – amosite, chrysotile, crocidolite) étaient contrôlés, ont montré des relations entre les propriétés du sol et la génération de fibres dans l’air.
Ainsi, les sols dont la teneur en amiante était plus élevée (1 %) ont généré une concentration plus importante de fibres dans l’air, soit 100 fois plus que pour des sols contenant 0,001 % (10,8 et 0,11 f/cm3 respectivement). Les sols sablonneux ont généré les plus hautes concentrations de fibres d’amiante aéroportées alors que l'argile a libéré les plus basses concentrations, avec respectivement 0,07 - 15,9 f/cm3 et 0,13 - 6,6 f/cm3. Les sols contenant du chrysotile ont libéré les plus basses concentrations de fibres (de 0,06 à 6,1 f/cm3), suivis des sols contenant de l’amosite (0,1 à 12,6 f/cm3) et finalement de ceux renfermant de la crocidolite (0,17 à 13,8 f/cm3). Les concentrations de fibres d’amiante aéroportées dépendaient plus de la teneur de ce minerai dans le sol que du type d’amiante ou de la nature du sol. Il faut faire preuve d’une grande prudence dans l’interprétation de ces résultats, provenant d’études expérimentales réalisées souvent dans des conditions de pires scénarios, et veiller à ne pas généraliser ou à extrapoler en appliquant les conclusions à des situations réelles.
De tous les paramètres influant sur la diminution de la concentration de fibres aéroportées, c’est l’arrosage du sol qui a le plus grand impact. De façon générale, on peut considérer que pour tous les types de sol et d’amiante évalués, l’introduction de seulement 5 à 10 % d’humidité provoque le plus grand effet sur la réduction de fibres dans l’air et que la concentration de fibres peut passer de 5 à 0,01 f/cm3 en humidifiant le sol à 50 %, soit une réduction pouvant aller jusqu’à 500 fois. Par ailleurs, dans l’environnement extérieur, un sol couvert de végétation contiendrait déjà plus de 10 % d’humidité alors qu’un sol sans couvert végétal aurait tendance à sécher plus rapidement, en particulier dans des conditions de chaleur et d’ensoleillement, et serait plus susceptible de libérer des fibres dans l’air.
Toutefois, les informations scientifiques sont encore trop limitées pour déterminer avec une certaine assurance et avec précision la contribution du sol contaminé à l’amiante aux concentrations de fibres dans l’air et, ultimement, à l’exposition des travailleurs. En effet, le peu d’études, leurs limites méthodologiques, la non-comparabilité des études de terrain et des études expérimentales, et la variabilité des résultats rendent difficile toute initiative permettant de conclure de façon ferme. Considérant que seul le taux d’humidité du sol est un paramètre sur lequel une action immédiate peut être portée pour minimiser la libération des fibres d’amiante dans l’air, il est fortement suggéré d’arroser les sols avant toute intervention et d’appliquer les principes généraux d’hygiène du travail pour assurer la protection des travailleurs.
Abstract
Activities involved in the development, securement or reclamation of sites contaminated by asbestos can lead to suspension of fibres in the air. However, the concentration of airborne asbestos fibres depends on a number of parameters, and knowledge of these can affect the choice of occupational prevention or protection measures.
The purpose of this study was to draft a state-of-the-science report on the relation between airborne and soil concentrations of asbestos fibres. To this end, a literature search was performed using keywords, including asbestos together with “soil” and “air.” Studies of real as well as simulated situations were considered, as were experimental studies. A total of 241 publications were identified, but only five were selected for our report, two field studies and three experimental studies.
In sum, the moisture and asbestos content of the soil and the type of activities performed at the site (amount of soil mixing) seem to be the factors with the biggest impact on release of airborne fibres. Other factors of lesser importance that can also have an impact include the nature of the soil, the type of asbestos and the distance from the source of emission. Last, weather conditions (rain, wind and sunshine), plant cover and the friability of the materials can have a smaller impact on emission of airborne asbestos fibres.
More specifically, the field studies showed that the level of soil disturbance is a key parameter in the airborne suspension of asbestos fibres from contaminated soil. Thus, during the repair of a road covered with asbestos-contaminated gravel (less than 0.5% tremolite-actinolite), the operators of the graders and the inspectors were most exposed, averaging 0.276 f/cm3 and 0.260 f/cm3 respectively, whereas exposure of the flagmen and the road roller operators was not as great, 0.1 f/cm3. In addition, fibre concentrations in samples collected at individual workstations during different types of work (raking, turning and trench digging with a backhoe) on soil in which the distribution of asbestos was not homogeneous (from undetected to 3% asbestos) ranged from undetected to 0.25 f/cm3. Agitated in a test chamber under worst-case scenario conditions, these same soil samples yielded airborne fibre concentrations that sometimes exceeded 10 f/cm3.
Distance from the source of fibre release can also affect the concentration of airborne asbestos fibres. For example, with soil containing 10% asbestos, fibre concentrations near the source ranged from 0.01 to 0.1 f/cm3 and diminished with distance, dropping to less than 0.001 f/cm3 at a distance of more than 100 m from the source, that is, a drop-off factor of 10 to 100.
The experimental studies, conducted in a test chamber using samples in which the different parameters—asbestos concentration, nature of the soil (sand, clay, intermediate), type of asbestos (amosite, chrysotile, crocidolite)—were controlled, demonstrated correlations between the properties of the soil and the generation of airborne fibres.
For example, soils with a higher asbestos content (1%) generated concentrations of airborne fibres that were 100 times higher than soils with a lower asbestos content (0.001%)—10.8 and 0.11 f/cm3 respectively. Sandy soils generated higher concentrations of airborne asbestos fibres, whereas clay released the lowest concentrations (0.07 – 15.9 f/cm3 and 0.13 – 6.6 f/cm3 respectively). Soils containing chrysotile released the lowest airborne fibre concentrations (0.06 to 6.1 f/cm3), followed by soil containing amosite (0.1 to 12.6 f/cm3) and then soil containing crocidolite (0.17 to 13.8 f/cm3). Airborne asbestos fibre levels depended more on the asbestos content of the soil than on the type of asbestos or the nature of the soil. However, caution must be exercised in interpreting the results of these experimental studies, often conducted under worst-case scenario conditions, and care must be taken not to generalize or extrapolate by applying the conclusions to real situations.
Of all the parameters that can reduce the concentration of airborne fibres released, watering of the soil has the biggest impact. In general, for all types of soil and asbestos studied, even a 5 to 10% increase in soil moisture content has a major effect in reducing airborne fibre concentrations, whereas a 50% increase in the water content of the soil can cause airborne fibre concentrations to drop from 5 f/cm3 to 0.01 f/cm3, that is, a 500-fold reduction. In an outdoor environment, the moisture content of soil with a plant cover is already more than 10%, whereas soil without a plant cover tends to dry up more rapidly, especially under hot and sunny conditions, and is more likely to generate airborne fibres.
There is still too little scientific information, however, to identify with any confidence or accuracy the contribution of asbestos-contaminated soil to the concentration of airborne asbestos fibres and hence to occupational exposure. Given the small number of studies, their methodological limitations, the non-comparability of the field research and the experimental studies and the variability of the results, it is difficult to draw decisive conclusions. Given that the moisture content of the soil is the only parameter on which immediate action can be taken to minimize the release of airborne asbestos fibres, it is strongly recommended that soil be watered before any work is undertaken and that the general principles of occupational hygiene be applied to protect workers.
ISBN
9782896318148
Mots-clés
Amiante, Asbestos, CAS 1332214, Pollution du sol, Soil pollution, Poussière en suspension dans l'air, Airborne dust, Construction et réfection de routes, Road work, Excavation et tranchée, Trenching and excavating, Dosage dans l'air, Determination in air, Évaluation de l'exposition, Exposure evaluation, Échantillonnage dans l'air, Air sampling, Engin de terrassement, Earthmoving equipment, Niveleuse, Grader
Numéro de projet IRSST
n/a
Numéro de publication IRSST
R-880
Citation recommandée
Lévesque, M., Dion, C., Labrèche, F. et Zayed, J. (2015). État des connaissances sur la relation entre les concentration d'amiante dans le sol et dans l'air (Rapport n° R-880). IRSST.