Type de document
États de la question, rapports d'expertise et revues de littérature
Année de publication
2005
Langue
Français
Résumé
Problématique de santé et sécurité du travail et objectifs spécifiques :
La silicose est une maladie pulmonaire causée par l’exposition à la poussière de silice. Il s’agit d’une maladie se caractérisant par la destruction du tissu du poumon qui peut continuer d’évoluer même si le travailleur est retiré du travail et si l’exposition à la silice cesse. Les secteurs de l’activité ouvrière les plus souvent concernés comprennent les mines et carrières, les fonderies ainsi que l’utilisation du jet de sable. La maladie est le plus souvent décelée chez les travailleurs ‚gés d’environ une soixantaine d’années, après plusieurs décennies d’exposition aux poussières de silice. La silicose est la troisième maladie professionnelle pulmonaire reconnue par les Comités des maladies professionnelles pulmonaires de la Commission de la Santé et sécurité du Travail (CSST), après l’asthme professionnel et les maladies reliées à l’exposition à l’amiante. Entre 1988 et 2003 inclusivement, 494 nouveaux cas de silicose ont été diagnostiqués par les comités des maladies professionnelles pulmonaires de la CSST.
Il n’est pas rare qu’un patient exposé professionnellement à la silice ou même qu’un patient silicotique présente aussi un cancer primitif du poumon. Par exemple, au Québec, durant la période 1995-2000, 18 travailleurs ont été reconnus par les Comités des maladies professionnelles pulmonaires de la CSST comme étant porteurs d’un cancer pulmonaire professionnel relié à l’exposition à la silice. Ces données ignorent probablement un nombre encore plus élevé de patients exposés à la silice et chez qui une silicose n’a jamais été reconnue ou d’autres qui n’ont jamais eu droit aux compensations de la CSST et qui ne sont donc pas comptabilisés dans ces statistiques.
Plusieurs études ont été réalisées au cours des deux dernières décennies afin de tenter de répondre à la question suivante : « Y a-t-il une association entre la silicose (ou l’exposition à la silice) et le cancer primitif du poumon? ». Malheureusement, des résultats contradictoires ont souvent été obtenus. Plusieurs de ces études ont été critiquées en raison de problèmes méthodologiques importants qui en ont limité la validité. Aussi, plusieurs de ces études n’ont pas considéré qu’une histoire antérieure de tabagisme pouvait aussi causer un cancer primitif du poumon.
Depuis quelques années, les Comités des maladies professionnelles pulmonaires de la CSST ont reconnu qu’il existe une association entre la silicose et certains cas de cancer primitif du poumon. Cette situation fait suite aux rapports de l’Agence internationale pour la recherche sur le cancer (IARC) présentés en 1997. Cette reconnaissance ne fait toutefois pas l’unanimité parmi les pneumologues qui s’intéressent à la santé et la sécurité au travail et les médecins du travail.
Objectif :
L’objectif de cette étude est donc de déterminer si la littérature médicale permet d’affirmer qu’il existe une relation significative entre la silicose (et l’exposition à la silice) et le cancer du poumon.
Méthode :
Cette revue systématique de la littérature épidémiologique a débuté par une recherche bibliographique dans 4 bases de données électroniques, (Medline, Toxline, BIOSIS et Embase, de 1966 à mai 2004). Deux investigateurs ont examiné, de façon indépendante et à l’aveugle (le nom des auteurs, leur affiliation et le nom de la publication étant masqués) les références identifiées. Les bibliographies des articles pertinents ont aussi été systématiquement révisées. La sélection des articles a été basée sur des critères d’inclusion bien définis : toutes les études épidémiologiques rapportant une mesure d’association entre la silicose et le cancer du poumon ont été retenues. Deux analyses séparées ont été effectuées. La première s’est intéressée à l’association entre la silicose et le cancer du poumon. La deuxième s’est intéressée à l’association entre l’exposition à la silice et le cancer du poumon.
Synthèse des données:
Au total, 1071 références ont été triées. Silicose et le cancer du poumon: 32 études épidémiologiques ont rencontré les critères de sélection; 27 études de cohorte (23 305 silicotiques) ont contribué à la méta-analyse. Ces études permettent d’affirmer que la silicose confère un risque accru de mortalité par cancer du poumon (taux de mortalité standardisé [SMR] non ajusté: 2.45; IC 95%: 1.63 - 3.66; p homogénéité < 0.0001). Après ajustement pour le tabagisme, la silicose représente toujours un facteur de risque significatif de mortalité par cancer du poumon (SMR: 1.60; IC 95%: 1.33 - 1.93; p homogénéité = 0.52). Même lorsque l’analyse se limite aux patients silicotiques qui n’ont jamais fumé, il existe encore un risque accru de mortalité par cancer du poumon (SMR: 1.52; IC 95%: 1.02 - 2.26; p homogénéité = 0.25). Aussi, il existe une relation « dose-effet » entre l’étendue des anomalies radiologiques attribuables à la silicose (exprimées selon la classification de l’International Labour Organisation [ILO]) et le risque de cancer du poumon. Exposition à la silice et cancer du poumon: 8 études ont quantifié l’exposition à la silice (exposition cumulative exprimée en mg/m3 • années) permettant ainsi une analyse de la réponse dose-effet entre la silice et le cancer du poumon. Sans période de latence, la méta-analyse indique la présence d’une faible relation significative entre l’exposition à la silice et le cancer du poumon : pour chaque unité d’exposition à la silice (exprimée en mg/m3 • années), le risque de cancer du poumon s’élève de 8% (risque relatif: 1.08 ; 95% CI : 1.02 - 1.15; p homogénéité = 0.0002). En tenant compte d’une période de latence (lag time) de 15 ans, la méta-analyse de 4 études indique aussi la présence d’une relation significative entre l’exposition à la silice et le cancer du poumon : pour chaque unité d’exposition à la silice (exprimée en mg/m3 • années), l’augmentation du risque est de 1.15 (95% CI : 1.10 - 1.20; phomogénéité < 0.0001). La portée de ces résultats est limitée par l’hétérogénéité retrouvée parmi les études analysées.
Conclusion:
La littérature médicale actuelle suggère qu’il existe un risque accru de mortalité par cancer du poumon chez les patients silicotiques. Aussi, les données publiées à date suggèrent aussi que l’exposition à la silice représente un faible facteur de risque pour le cancer du poumon à des taux d’exposition élevés qui dépassent la limite d’exposition permissible selon les standards nord-américains. Ces résultats sont en accord avec les conclusions de l’IARC, tout en les nuançant.
ISBN
9782896311033 (PDF)
9782896311026 (version imprimée)
Mots-clés
Silicose, Silicosis, Silice, Silica, Cancer du poumon, Lung cancer, Méta-analyse, Meta-analysis, Exposition, Exposure, Relation dose-réponse, Dose-response relationship, Mortalité, Mortality, Période de latence, Latency, Fumeur, Smoking
Numéro de projet IRSST
0099-1630
Numéro de publication IRSST
R-403
Citation recommandée
Lacasse, Y., Martin, S. et Desmeules, M. (2005). Silicose, silice et cancer du poumon : méta-analyse de la littérature médicale (Rapport n° R-403). IRSST. https://pharesst.irsst.qc.ca/expertises-revues/80
