Type de document
États de la question, rapports d'expertise et revues de littérature
Année de publication
2005
Langue
Français
Résumé
La recherche dans le domaine des nanoparticules (NP) et de la nanotechnologie croît à un rythme stupéfiant. La raison en est fort simple : les propriétés uniques des NP devraient permettre le développement de produits aux caractéristiques inédites et une pléthore d’applications dans tous les champs de l’activité humaine, générant de ce fait des retombées économiques considérables.
On prévoit que le nombre de travailleurs québécois exposés aux NP, tant par leur utilisation et leur transformation que par leur production, s’accentuera au cours des prochaines années. D’ailleurs, plusieurs produits sont déjà commercialisés et quelques entreprises québécoises ont maintenant la capacité de fabriquer des NP à grande échelle.
Alors que la recherche technologique est déjà bien établie avec de nombreux transferts en production industrielle, celle sur l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité (SST) des travailleurs accuse un important retard. Elle s’est toutefois fortement développée au cours des dix dernières années. Un premier bilan des connaissances sur les risques pour la santé des NP avait été publié par notre équipe à l’hiver 2006 et couvrait alors la littérature jusqu’en 2004. Le présent rapport en est la seconde édition et il intègre les connaissances scientifiques jusqu’à la mi-2007.
Les NP insolubles ou peu solubles dans les fluides biologiques sont les plus préoccupantes. À cause de leur taille infime, plusieurs études ont démontré un comportement qui est unique aux NP. Certaines peuvent franchir nos différents mécanismes de défense et être transportées sous forme insoluble dans l’organisme. Elles peuvent donc se retrouver dans le sang en ayant franchi les membranes pulmonaires ou gastro-intestinales, se distribuer dans les différents organes et s’accumuler à certains sites spécifiques. D’autres peuvent voyager le long des nerfs olfactifs et pénétrer directement dans le cerveau ou encore franchir les barrières cellulaires et rejoindre le noyau de la cellule. Très étudiées en pharmacologie, ces propriétés pourraient permettre d’utiliser des NP comme vecteurs afin d’acheminer des médicaments à des sites ciblés de l’organisme, incluant le cerveau. Le corollaire est que des NP indésirables pourraient être distribuées dans l’organisme des travailleurs exposés et y produire des effets délétères.
Normalement, en toxicologie, les effets sont corrélés à la quantité de produit auquel l’animal ou l’homme sont exposés. Plus grande est la masse absorbée, plus grand est l’effet. Dans le cas des NP, il a clairement été démontré que les effets mesurés ne sont pas reliés à la masse du produit, bouleversant ainsi l’interprétation classique des mesures de toxicité. Il est en effet avéré qu’à masse égale, les NP sont plus toxiques que les produits de même composition chimique de taille supérieure.
Quoique plusieurs études aient trouvé une corrélation entre la surface spécifique et les effets toxiques, il semble se dégager un consensus dans la communauté scientifique à l’effet que plusieurs facteurs contribuent à la toxicité de ces produits de nouvelle génération et qu’il est actuellement impossible, à partir de nos connaissances fragmentaires, de pondérer leur importance respective ou de prédire avec précision la toxicité d’une nouvelle NP. Les études publiées relient les effets observés à différents paramètres: la surface spécifique, le nombre de particules, la taille et la distribution granulométrique, la concentration, la dose de surface, le recouvrement de surface, le degré d’agglomération des particules et le site de déposition pulmonaire, la charge de surface, la forme, la porosité, la structure cristalline, le potentiel d’attraction électrostatique, la méthode de synthèse des particules, le caractère hydrophile/hydrophobe et les modifications post-synthèse (le recouvrement de surface pour empêcher l’agglomération). La présence de certains contaminants tels les métaux peut également favoriser la formation de radicaux libres et l’inflammation alors que la composition chimique et le relargage de composantes de la surface, les propriétés colloïdales et de surface des NP, la compartimentation dans les voies respiratoires et la biopersistence sont autant de facteurs rendant plus complexe encore la compréhension de leur toxicité. En outre, la lente dissolution de certaines NP ou de certaines composantes des NP dans l’organisme est à même de devenir un élément majeur dans leur toxicité. Ces divers facteurs vont conséquemment influencer leur impact fonctionnel, toxicologique et environnemental.
Chez l’animal, plusieurs effets ont déjà été démontrés dont des effets toxiques au niveau de plusieurs organes (cœur, poumons, reins, système reproducteur...) de même que de la génotoxicité et de la cytotoxicité. Certaines particules, par exemple, causent des granulomes, de la fibrose et des réactions tumorales au niveau pulmonaire. C’est ainsi qu’une substance reconnue comme peu toxique, le bioxyde de titane, démontre une importante toxicité pulmonaire lorsqu’elle est de dimension nanométrique. Globalement, les données toxicologiques spécifiques aux NP demeurent limitées. Au-delà de données très partielles, l’évaluation quantitative du risque est difficile pour la plupart des substances notamment à cause de la courte période d’exposition, de la composition différente des NP testées (diamètre, longueur et agglomération) ou de la voie d’exposition souvent non représentative de l’exposition professionnelle. Des études additionnelles (l’absorption, la biopersistance, la cancérogénicité, la translocation vers d’autres tissus ou organes, l’accumulation, etc.) sont donc nécessaires afin de disposer de l’ensemble des informations requises pour l’évaluation quantitative du risque associé à l’exposition par inhalation et à l’exposition percutanée chez les travailleurs.
Bien que de grandes tendances se dessinent et révèlent de nombreux effets toxiques reliés à certaines NP, il ressort que chaque produit synthétisé pourra avoir une toxicité qui lui est propre. Il semble en effet que toute modification de procédé ou de surface puisse avoir un impact sur la toxicité du produit résultant.
Dans un tel contexte, les auteurs de ce rapport sont d’avis que l’IRSST devrait favoriser l’instauration de procédures strictes de prévention qui demeure la seule façon de prévenir le risque de développement de maladies professionnelles. Ils recommandent ainsi fortement que l’IRSST concentre prioritairement ses efforts de recherche sur le développement de stratégies et d’outils d’évaluation de l’exposition de même que sur le développement et la mesure de l’efficacité de moyens de contrôle de l’exposition professionnelle aux NP.
Abstract
Research in the nanoparticle (NP) and nanotechnology field is growing at a breathtaking pace. The reason is simple: the unique properties of NP will allow the development of products with unprecedented characteristics and opportunities in every field of human activity, and with tremendous economic impacts. It is currently anticipated that the number of exposed Quebec workers, not only in manufacturing these products but also in using and processing them, will increase over the next few years. Several products are already available commercially and some Quebec companies now have large-scale NP production capacity.
While technological research is already well established, with many transfers to industrial production, research on occupational health and safety (OHS) risk assessment has lagged behind significantly. Fortunately, the latter has shown strong growth in the scientific community over the last ten years. An initial evaluation of existing knowledge concerning nanoparticle health risks had been published by our team in early 2006 and covered the literature up to 2004. This report is the second edition and incorporates scientific knowledge up to mid-2007.
Insoluble or low-solubility nanoparticles in biological fluid are the greatest cause for concern. Because of their tiny size, several studies have shown behaviour unique to NP. Some of them can pass through our various defence mechanisms and be transported through the body in insoluble form. Thus, some NP can end up in the bloodstream after passing through all the respiratory or gastrointestinal membranes. They are then distributed to various organs and accumulate at specific sites. Others travel along the olfactory nerves and penetrate directly into the brain, while still others pass through cell barriers and reach the nucleus of the cell. These properties, extensively studied in pharmacology, could allow NP to be used as vectors to carry drugs to targeted body sites, including the brain. The corollary is that undesirable NP could be distributed through the bodies of exposed workers and has deleterious effects.
In toxicology the effects are normally correlated to the quantity of product to which individual animals or humans are exposed. The greater the mass absorbed, the greater the effect. In the case of NP, it has been clearly shown that the measured effects are not linked to the mass of the product, which challenges our entire approach to the classical interpretation of toxicity measurement. It is clearly shown that at equal mass, NP are more toxic than products of the same chemical composition but of greater size.
Although several studies find a good correlation between the specific surface and the toxic effects, a consensus seems to be emerging in the scientific community that several factors can contribute to the toxicity of these products and that it is currently impossible, with our limited knowledge, to weight the significance of each of these factors or predict the precise toxicity of a new nanoparticle. The published studies link the observed effects to different parameters: specific surface, number of particles, size and granulometric distribution, concentration, surface dose, surface coverage, degree of agglomeration of the particles and pulmonary deposition site, the “age” of the particles, surface charge, shape, porosity, crystalline structure, electrostatic attraction potential, particle synthesis method, hydrophilic/hydrophobic character and post-synthesis modifications (grafting of organic radicals or surface coverage to prevent aggregation). The presence of certain contaminants, such as metals, can also favour free radical formation and inflammation, while the chemical composition and delivery of surface components, NP colloidal and surface properties, compartmentation in the lung passages and biopersistence are other factors adding a dimension of complexity to the understanding of their toxicity. The slow dissolution of certain NP or NP components in the body can become a major factor in their toxicity. These various factors will influence the functional, toxicological and environmental impact of NP.
Several effects have already been shown in animals. Among these, toxic effects have been identified in several organs (heart, lungs, kidneys, reproductive system…), as well as genotoxicity and cytotoxicity. For example, some particles cause granulomas, fibrosis and tumoural reactions in the lungs. Thus, titanium dioxide, a substance recognized as having low toxicity, shows high pulmonary toxicity on the nano-scale in some studies and no or almost no effects in other studies. In general, the toxicological data specific to nanoparticles remains limited, often rendering quantitative risk assessment difficult due to the small number of studies for most substances, the short exposure period, the different composition of the nanoparticles tested (diameter, length and agglomeration), or the often-unusual exposure route in the work environment. Additional studies (absorption, biopersistence, carcinogenicity, translocation to other tissues or organs, etc.) are necessary for quantitative assessment of the risk associated with inhalation exposure and percutaneous exposure of workers.
Although major trends may emerge and show numerous toxic effects related to certain NP, it can be seen that each product, and even each synthesized NP batch, can have its own toxicity. Any process or surface modification can have an impact on the toxicity of the resulting product.
Given this context, the authors of this report consider that the IRSST should favour the introduction of strict prevention procedures, which remain the only way to prevent the development of occupational diseases. Thus, the authors strongly recommend that the IRSST concentrate its future research efforts on developing exposure assessment strategies and tools, and on the development and measurement of the effectiveness of control methods for occupational NP exposure.
Mots-clés
Nanoparticule, Nanoparticle, Risque d'atteinte à la santé, Health hazard, Effet toxique, Toxic effect, Nanotechnologie, Nanotechnology, Nanotube de carbone, Carbon nanotube, Fullerène, Fullerene, Nanomatériaux, Nanomaterials, Point quantique, Quantum dot
Numéro de projet IRSST
0099-3340
Numéro de publication IRSST
R-400
Citation recommandée
McGregor, D. (2005). Risques de tumeurs de la vessie urinaire chez les pompiers (Rapport n° R-400). IRSST.