Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2019

Langue

Français

Résumé

Les insecticides pyréthrinoïdes sont une famille de pesticides largement utilisés au Québec pour lutter contre les insectes nuisibles dans les cultures maraîchères. Parmi ces insecticides, on compte la lambda-cyhalothrine. Malgré l’utilisation abondante de ce pyréthrinoïde, il existe peu de données sur le comportement biologique de cette molécule chez l’humain. Il devient donc essentiel de développer des outils pour bien évaluer l’exposition des travailleurs à ces pesticides lors d’épandages ou de travaux dans des zones traitées. La surveillance biologique, par la mesure de produits excrétés dans l’urine (appelés métabolites), est considérée comme une approche privilégiée pour évaluer les doses réellement absorbées de ce type de produit en milieu de travail. La mesure de ces biomarqueurs d’exposition chez les agriculteurs permet d’obtenir une indication de l’exposition combinée par les voies respiratoire, cutanée et orale, par inadvertance et ainsi de tenir compte des conditions d’exposition variées. L’interprétation des données de surveillance biologique nécessite toutefois une bonne connaissance du devenir (comportement toxicocinétique) de la substance d’intérêt dans l’organisme humain, afin de pouvoir relier les niveaux de biomarqueurs chez les travailleurs aux doses réellement absorbées. Récemment, ce lien a été établi par la présente équipe de recherche pour la perméthrine et la cyperméthrine.

L’objectif général du présent projet de recherche a été de combler le manque de connaissance sur la toxicocinétique de biomarqueurs d’exposition à la lambda-cyhalothrine chez l’humain, pour une meilleure interprétation des données de biosurveillance des travailleurs exposés à ce pesticide et une meilleure évaluation des risques associés.

Ce projet a été divisé en deux volets. Dans le premier volet, une étude cinétique contrôlée a été réalisée chez des volontaires exposés à la lambda-cyhalothrine de façon aiguë, à de faibles doses orale (dose de référence orale) et cutanée (formulation à base de lambda-cyhalothrine), afin d’analyser les profils temporels des biomarqueurs d’exposition (le CFMP et le 3-PBA), dans le plasma et l’urine. Dans le second volet, un modèle toxicocinétique a été développé à partir des données de l’étude chez les volontaires, afin de simuler la cinétique de biomarqueurs d’exposition à la lambda-cyhalothrine pour différents scénarios d’exposition et de fournir un outil permettant de reconstruire les doses absorbées chez des travailleurs exposés.

L’étude cinétique chez les volontaires et la modélisation de ces données ont montré que la lambda-cyhalothrine pénétrait rapidement dans le corps, mais qu’elle était également rapidement éliminée après une exposition par ingestion ou par contact sur la peau. La mesure des métabolites dans le plasma ou l’urine reflète donc l’exposition récente à ce pesticide. Les travaux ont aussi montré des différences dans la vitesse d’absorption et d’élimination de la lambda-cyhalothrine selon que l’exposition est orale ou cutanée. Ces différences s’expliquent par le fait que la peau peut produire la biotransformation de la lambda-cyhalothrine en ses métabolites (CFMP et 3-PBA), utilisés comme biomarqueurs d’exposition. Elles s’expliquent aussi par le fait que le produit mère et les métabolites formés sont retenus par la peau. La modélisation effectuée a toutefois montré que la peau laissait peu pénétrer ces molécules, de sorte que les doses d’exposition d’un travailleur par cette voie doivent donc être très élevées pour contribuer de façon significative aux quantités totales absorbées par les différentes voies (combinaison des voies orale, cutanée et respiratoire).

Les résultats ont également montré que le comportement des biomarqueurs d’exposition à la lambda-cyhalothrine (mesurés dans le plasma et l’urine) est similaire à celui des métabolites d’autres pyréthrinoïdes déjà étudiés, la perméthrine et la cyperméthrine. La mesure des différents métabolites de ces pyréthrinoïdes dans des fluides biologiques accessibles comme l’urine peut donc servir à évaluer l’exposition globale aux pyréthrinoïdes. À l’aide de la modélisation, il a aussi été possible de proposer un niveau urinaire de métabolite servant de valeur de référence biologique à ne pas dépasser pour réduire les risques d’effets sur la santé. Un dépassement de cette valeur serait un indicateur que les pratiques et l’hygiène de travail devraient être modifiées pour limiter les risques d’effets néfastes.

Les nouvelles données cinétiques obtenues par cette étude ainsi que la modélisation effectuée peuvent directement servir à interpréter des données de surveillance biologique de l’exposition chez des travailleurs exposés à la lambda-cyhalothrine ou à d’autres pyréthrinoïdes, et pour reconstituer les doses absorbées pour différents scénarios d’exposition. Par ailleurs, la comparaison des niveaux urinaires de biomarqueur chez un travailleur agricole à la valeur de référence biologique proposée comme repère peut servir à évaluer les risques associés à l’exposition à la lambda-cyhalothrine et de façon plus large aux pyréthrinoïdes. Ce projet permet un avancement des connaissances actuelles pour mieux évaluer l’exposition et les risques associés à l’usage de pesticides en milieu agricole, dans une démarche de prévention.

Abstract

Pyrethroid insecticides are a family of pesticides widely used in Quebec to control insect pests in market garden crops. One such insecticide is lambda-cyhalothrin. Despite its extensive use, there is very little data on this pyrethroid’s biological behaviour in the human body. It has therefore become essential to develop tools to accurately assess worker exposure to these pesticides during spraying or work in already treated areas. Biological monitoring, by measuring products (called metabolites) excreted in the urine, is considered to be an appropriate method of assessing the doses actually absorbed of this type of product in the workplace. Measuring these exposure biomarkers in farmers provides an indication of combined respiratory, dermal and inadvertent oral exposure and allows varied exposure conditions to be taken into account. Interpretation of biological monitoring data requires a good knowledge of the fate (toxicokinetic behaviour) of the substance of interest in the human body, so that biomarker levels in workers can be related to doses actually absorbed. That relationship was recently established by this research team for permethrin and cypermethrin.

The overall objective of this research project was to address the lack of knowledge about the toxicokinetics of biomarkers of exposure to lambda-cyhalothrin in humans, and so to enable better interpretation of biomonitoring data for workers exposed to this pesticide and better assessment of the associated risks.

The project was divided into two parts. In the first part, a controlled kinetic study was conducted on volunteers exposed acutely to low oral (oral reference dose) and dermal (lambda-cyhalothrinbased formulation) doses of lambda-cyhalothrin, in order to analyze the time profiles of the exposure biomarkers (CFMP and 3-PBA) in their plasma and urine. In the second part, a toxicokinetic model was developed based on data from study volunteers to simulate the kinetics of biomarkers of exposure to lambda-cyhalothrin for various exposure scenarios and to provide a tool for recreating the doses absorbed by exposed workers.

The kinetic study of the volunteers and the data modelling showed that lambda-cyhalothrin enters the body quickly, but that it is also quickly eliminated following exposure through ingestion or skin contact. Measurement of metabolites in plasma or urine therefore reflects recent exposure. The research also revealed differences in the rate of absorption and elimination of lambda-cyhalothrin depending on whether the exposure is oral or dermal. The differences can be explained by the fact that the skin can cause the biotransformation of lambda-cyhalothrin into its metabolites (CFMP and 3-PBA), which serve as exposure biomarkers. They can also be explained by the fact that the parent product and the resulting metabolites are retained in the skin. The modelling did show, however, that the skin penetration of the molecule was limited, so that a worker’s exposure doses by that route must be very high to make a significant contribution to the total amounts absorbed by the different routes (combination of oral, dermal and respiratory).

The results also showed that the behaviour of lambda-cyhalothrin exposure biomarkers (measured in plasma and urine) is similar to that of the metabolites of other pyrethroids already studied: permethrin and cypermethrin. The different metabolites of those pyrethroids in accessible biological fluids like urine can therefore be measured to assess overall exposure to pyrethroids. The modelling was also essential to proposing a urinary level of metabolites that can serve as a biological reference value that should not be exceeded, to reduce the risks of health effects.

Exceeding this threshold would be an indicator that workplace practices and hygiene need to be adjusted to limit the risks of harmful effects.

The new kinetic data obtained through the study, as well as the modelling performed, can be used directly to interpret biological monitoring data on worker exposure to lambda-cyhalothrin or other pyrethroids, and to reconstruct the doses absorbed under different exposure scenarios. Furthermore, comparing a farmworker’s urinary biomarker levels with the biological reference value proposed as a benchmark can serve to assess the risks associated with exposure to lambda-cyhalothrin and, more broadly, to pyrethroids in general. This study has helped advance current knowledge, which will lead to better assessment of exposure and the risks associated with the use of pesticides in agriculture, from a prevention perspective.

ISBN

9782897970468

Mots-clés

Insecticide, Évaluation de l'exposition, Exposure evaluation, Technique d'échantillonnage, Sampling method, Agriculture, Test d'exposition, Exposure test, Aérosol, Aerosol, Surveillance des urines, Urine monitoring, Surveillance du sang, Blood monitoring, Pyréthroïdes, Pyrethroids

Numéro de projet IRSST

2015-0013

Numéro de publication IRSST

R-1043

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