Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2019

Langue

Anglais

Résumé

Des recherches internationales ont déterminé que la peau constituait la principale voie d’exposition aux pesticides utilisés en agriculture. L’utilisation des équipements de protection individuelle (ÉPI) joue un rôle clé dans la prévention des risques liés à l’exposition. L’utilisation non systématique des ÉPI prescrits est toutefois documentée et constitue une cible prioritaire des interventions pour la réduction de l’exposition aux pesticides. Cette étude approfondit les résultats d’une première enquête auprès des producteurs de pommes en ciblant spécifiquement l’exposition cutanée aux pesticides et l’utilisation des vêtements de protection (VP). Elle a comme objectif de décrire les situations d’exposition lors des activités principales liées à l’utilisation des pesticides et de les mettre en relation avec les perceptions du risque des producteurs, leur utilisation des VP et leurs pratiques de prévention. Les résultats contribuent à l‘avancement des connaissances sur les facteurs qui facilitent ou qui font obstacle à l’utilisation des VP.

Une recension de la littérature présentant plusieurs perspectives complémentaires sur l’utilisation des ÉPI en général et des VP en particulier, constitue le premier volet de cette étude. La recension fait le point sur l’utilisation des ÉPI et des VP, leurs définitions, leurs caractéristiques, leur efficacité ainsi que la manière dont ils sont utilisés. Elle présente ensuite les résultats d’études adoptant des perspectives variées sur l’utilisation des ÉPI ou des pratiques de prévention. Les connaissances et la perception du risque sont toujours considérées comme des variables clés pour expliquer l’utilisation des ÉPI. Grâce à l’avancement des connaissances, la nécessité de prendre en compte des facteurs liés aux contextes social et économique pour comprendre et influencer les pratiques des agriculteurs en matière d’utilisation des ÉPI est reconnue.

La recension fait également le point sur les caractéristiques méthodologiques des études sur l’utilisation des ÉPI, ce qui permet de situer la contribution particulière de l’étude présentée. D’une part, l’hétérogénéité des études sur les utilisateurs d’ÉPI, en particulier les populations étudiées, les méthodes de collecte, de même que la variété des objets étudiés, font qu’il est difficile de compiler les résultats et d’en tirer des conclusions. D’autre part, les méthodes de mesure de l’exposition en épidémiologie et en toxicologie ne permettent pas de comprendre comment survient l’exposition. Les études réalisées sur le terrain, souvent associées à l’ergonomie et la sociologie du travail, utilisent l’observation de l’activité et les entrevues pour décrire le travail et l’exposition en situation réelle, ainsi que l’utilisation des ÉPI.

Une méthodologie s’appuyant sur la sociologie du travail et l’ergonomie est utilisée pour étudier les pratiques habituelles de protection contre l’exposition cutanée aux pesticides dans diverses conditions d’exposition chez les producteurs de pommes. La collecte de données a été réalisée auprès d’un petit nombre des producteurs volontaires lors des phases de préparation-remplissage et de pulvérisation des pesticides. La répétition des observations et des entrevues dans des conditions différenciées selon des variables prédéterminées permet d’étudier plusieurs situations de travail et d’exposition pendant lesquelles les VP sont portés et contribue à la validité des résultats. L’analyse systématique de l’activité à partir des vidéos permet de décrire plusieurs éléments du contexte de travail et des phases de l’activité, et d’étudier des situations d’exposition habituelles associées à des contacts avec les pesticides, ainsi que d’observer plusieurs facettes de l’utilisation des VP. L’analyse des entrevues permet d’enrichir et de valider la compréhension des situations d’exposition, des pratiques de prévention et de l’utilisation des VP.

L’analyse qualitative des observations révèle l’importance de situations de « microexposition » variées, familières et répétées; l’exposition est limitée en intensité et en durée, plus ou moins visible, et intégrée à l’activité. Ces situations sont liées à des actions, déplacements et manipulations, eux aussi fréquemment répétés, associés aux déterminants de l’activité. Les incidents associés à une exposition importante et imprévue et à la perturbation du déroulement de l’activité sont peu fréquents. La répétition des situations de « microexposition » permet d’introduire une dimension quantitative dans l’analyse des observations, et de formuler l’hypothèse du cumul de l’exposition cutanée lors des activités observées. En l’absence de mesures biologiques et quantifiables de l’exposition, cette information peut contribuer à la sensibilisation des utilisateurs aux risques liés aux pesticides et à l’adoption de mesures de protection cutanée efficaces.

Les producteurs agricoles qui ont participé à cette étude utilisaient des vêtements de travail à manches longues et pantalons longs ainsi qu’un VP dans la majorité des situations d’exposition analysées. La variété des VP portés et une utilisation non conforme aux prescriptions des étiquettes ou qui n’assure pas nécessairement toute la protection recherchée ont toutefois été observées. Les producteurs expriment leurs préoccupations pour leur santé et leurs doutes à propos de l’efficacité des VP qu’ils utilisent. La recension de la littérature permet de confirmer que la protection réelle ne correspond pas toujours à la protection escomptée. Les résultats sont associés à plusieurs lacunes de l’offre de VP au Québec, concernant en particulier la certification, la désignation claire, les prescriptions d’utilisation de VP en fonction des situations d’exposition, l’information sur l’utilisation des VP, ainsi que leur distribution. Les facteurs efficacité, confort thermique, adaptation au travail et coût des VP influent aussi sur leur utilisation.

Les données démontrent toutefois que les producteurs agricoles s’appuient également sur des savoir-faire de métier pour élaborer et mettre en application des pratiques de prévention qui s’intègrent au déroulement de leur activité et qu’ils présentent comme complémentaires à l’utilisation des VP. Cette partie des résultats permet de présenter les pratiques non conformes aux prescriptions comme une adaptation à des situations de « microexposition » familières, au manque d’information sur les VP et à des règles inadaptées à la réalité de leur travail et à leurs besoins. Les pratiques de prévention révèlent la préoccupation des producteurs agricoles à propos des risques associés à leur travail.

La combinaison des perspectives de la sociologie et de l’ergonomie permet de produire des résultats et des recommandations ancrés dans la réalité des producteurs. La participation de la main-d’œuvre agricole à l’élaboration, à la mise à l’essai et à la validation de règles de sécurité au sein de collectifs de métier pourrait produire des résultats favorables à une meilleure protection contre l’exposition aux pesticides. La concertation entre les acteurs de l’agriculture et ceux de la santé publique, notamment, permettrait de concevoir des interventions bien ancrées dans le travail réel et les dynamiques sociales.

Abstract

International research has shown that the skin is the main route of exposure to the pesticides used in agriculture. The use of personal protective equipment (PPE) plays a key role in preventing exposure. However, failure to use recommended PPE systematically is well documented and has become a prime target of initiatives to reduce exposure to pesticides. This study expands on the findings of a first investigation of apple growers by looking specifically at skin exposure to pesticides and the use of protective clothing (PC). The purpose of the study was to describe exposure situations during the main activities involved in using pesticides and to link them to apple growers’ perceptions of risk, use of PC and prevention practices. The findings advance our knowledge of the factors that facilitate or interfere with the use of PC.

The first step was a literature review that looks at different perspectives on PPE use in general and PC use in particular. PPE and PC use, definitions, characteristics and effectiveness and the way they are used are examined, and the results of studies with diverse perspectives on PPE use or prevention practices are presented. Knowledge and perception of risk have always been considered key variables in explaining PPE use. Thanks to the advancement of knowledge, the need to consider factors related to the social and economic context in order to understand and influence growers’ PPE use practices is now also recognized.

The review also examines methodological features of the studies of PPE use, helping to situate the particular contribution of this study. For one thing, the heterogeneity of the studies of PPE users, in particular the populations studied, the data collection methods and the variety of aspects studied, make it difficult to compile results and draw conclusions. In addition, the methods used to measure exposure in epidemiology and toxicology do not provide information on how exposure occurs. Field studies, often from the standpoint of ergonomics or the sociology of work, use activity observation and interviews to describe work and exposure, including PPE use, in real circumstances.

For this study, a method based on the sociology of work and on ergonomics was used to examine how apple growers commonly protect their skin against exposure to pesticides under a variety of exposure conditions. Data were collected from a small number of volunteer growers during the pesticide mixing-loading and application (spraying) phases. Repeated observations and interviews under conditions differentiated according to predetermined variables made it possible to study a number of work and exposure situations during which PC is worn and contributed to the validity of the results. Through systematic analysis of videos of grower activities, various aspects of the work setting and activity phases were described, common exposure situations associated with contact with pesticides were studied and many facets of PC use were observed. Analysis of the interviews enriched and confirmed our understanding of exposure situations, prevention practices and PC use.

Qualitative analysis of the observations highlighted the significance of varied, repeated, routine “microexposure” situations, where exposure is of low intensity and short duration, not particularly visible and an integral part of activities. These situations are related to actions, movements and handlings that are likewise frequently repeated and associated with activity determinants. Incidents involving unexpected major exposure and disruption of the activity are actually infrequent. Repeated microexposures added a quantitative dimension to observation analysis, and a hypothesis of cumulative skin exposure during the observed activities was formulated. In the absence of quantifiable biological exposure measurements, this information can help to make users more aware of pesticide-related risks and encourage implementation of effective skin protection measures.

The growers who participated in this study wore work clothes that included long sleeves and long pants, as well as PC, in most of the exposure situations analysed. However, there was considerable variety in the PC worn and it was not always used as recommended on the pesticide labels or in a way that fully ensured the desired level of protection. The growers expressed their concerns about their health and their doubts about the efficacy of the PC they were using. The literature review confirms that real protection does not always match anticipated protection. These findings are related to a number of shortcomings with respect to PC available in Quebec, particularly with regard to certification, clear labelling, recommendations for PC use depending on exposure situations and information on PC use and its distribution. The effectiveness, thermal comfort, suitability for work and cost of PC also influence its use.

The data show, however, that apple growers also rely on trade know-how in developing and implementing prevention practices that become an integral part of their activities and that they present as complementing their use of PC. These findings suggest that practices that do not comply with recommendations may be seen as adaptations to common microexposure situations, to a lack of information about PC or to rules unsuited to the realities of growers’ work and needs. The prevention practices reveal the growers’ concern about the risks associated with their work.

Thanks to a combined sociological and ergonomic approach, this project produced findings and recommendations firmly rooted in the realities faced by growers. Getting farm workers involved in developing, testing and validating safety rules through trade collectives could yield outcomes that result in better protection against pesticide exposure. If the agricultural community and public health stakeholders join forces, it should be possible to design measures grounded in the realities of growers’ work and social dynamics.

ISBN

9782897970901

Mots-clés

Pesticide, Équipement de protection individuelle, Personal protective equipment, Arboriculture, Méthode de travail et sécurité, Safe working method, Évaluation de l'exposition, Exposure evaluation, Entreposage, Warehousing, Manutention et stockage, Handling and storage, Organisation de la prévention dans l'entreprise, Plant safety and health organisation, Québec

Numéro de projet IRSST

2015-0036

Numéro de publication IRSST

R-1053

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