Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2019

Langue

Français

Résumé

Certains secteurs d’activité sont particulièrement touchés par des problèmes qui affectent la santé et la sécurité des travailleurs. C’est le cas, entre autres, des centres jeunesse où le travail est généralement caractérisé par une demande émotionnelle élevée, attribuable aux contacts fréquents avec des enfants et des familles en crise, et par le manque de ressources nécessaires pour gérer cette demande émotionnelle. On reconnaît d’ailleurs de plus en plus les effets attribuables au « travail émotionnellement exigeant » (TÉE), que ce soit sur le plan de la santé physique ou psychologique (stress post-traumatique, troubles musculosquelettiques, détresse psychologique, absentéisme, roulement de personnel, etc.). Des effets qui touchent les travailleurs, mais aussi, les organisations qui les emploient. L’importance de développer des interventions organisationnelles afin d’agir de façon préventive sur les effets potentiels de l’exposition au TÉE est donc bien documentée, mais il existe peu de connaissances spécifiques sur les interventions à mettre en place pour prévenir les effets de ce travail émotionnellement exigeant.

L'étude, qui visait à combler en partie cette lacune, avait pour objectif principal d’implanter et d’évaluer une intervention préventive paritaire visant à contrer les effets du TÉE chez les travailleurs des centres jeunesse. L’équipe de recherche visait plus particulièrement à 1) cerner les contraintes psychosociales (facteurs de risque) présentes dans l’organisation ciblée ainsi que les facteurs de protection; 2) développer des interventions appropriées pour à la fois diminuer les contraintes psychosociales au travail et optimiser les facteurs de protection existants; 3) évaluer le processus d’implantation de l’intervention; 4) mesurer les effets de l’intervention. La population étudiée se compose de travailleurs d’un centre jeunesse ainsi que des cadres de premier niveau qui supervisent les équipes en contact étroit avec la clientèle.

L’étude s’est déroulée en trois phases : a) la phase de développement, durant laquelle a eu lieu l’identification des cibles concrètes d’intervention, b) la phase d’implantation où les interventions privilégiées ont été mises en place, c) la phase d’évaluation durant laquelle le processus d’intervention et les effets de la démarche d’intervention ont été appréciés. Des méthodes de recherche quantitatives et qualitatives ont été utilisées pour réaliser ces trois phases. Des interventions spécifiques ont été développées par un groupe paritaire mis sur pied dans le contexte de la démarche : le Groupe de soutien à l’intervention (GSI).

Les résultats obtenus touchent diverses dimensions. D’abord, le projet a permis de dresser un portrait exhaustif, par questionnaire, des facteurs de risque et de protection présents chez les travailleurs d’un centre jeunesse et les gestionnaires qui les encadrent. Il s’ajoute par ailleurs à un portrait qualitatif déjà réalisé lors de phases antérieures de recherche. C’est en s’appuyant sur ces facteurs ainsi que sur les pistes d’intervention déjà dégagées que les interventions ont été priorisées par les membres du GSI. L’analyse permet de constater qu’une majorité des projets qui ont été développés pour contrer les effets du travail émotionnellement exigeant se rassemble autour de la bonification des ressources de soutien, ce qui est en adéquation avec les besoins en ressources qui avaient été ciblés lors des entrevues préparatoires.

Une analyse de l’ensemble du processus d’intervention puis des effets engendrés par celle-ci a aussi été réalisée. Parmi les constats qui apparaissent au travers de cette analyse, un élément – qui relève du contexte et non du projet lui-même – est omniprésent : la réforme de la santé et des services sociaux, qui a été implantée dans la même période que le présent projet. Cette transformation majeure a ébranlé le milieu accueillant l’équipe de recherche et, conséquemment, plusieurs assises du projet lui-même. Mais grâce à la force du partenariat déjà en place et à la nature paritaire du projet, la démarche d’intervention a pu voir le jour et, incidemment, générer des effets qui ont pu être étudiés. Les principales conditions gagnantes, déjà en place au moment d’amorcer la démarche d’intervention, ont d’ailleurs été dégagées de l’analyse. Selon les témoignages, ces conditions ont contribué à favoriser le maintien de la démarche de recherche-intervention par l’intermédiaire du GSI. Un bilan des défis rencontrés a également été dressé ainsi que le portrait d’un ensemble de facteurs ayant favorisé ou entravé la réussite de la démarche. L’ensemble de ces constats pourra éventuellement servir de base de réflexion pour toute organisation désireuse d’amorcer une démarche d’intervention préventive.

Au-delà des projets développés par le GSI, par exemple l’obtention d’un local pour les employés, l’accès à une ressource spécialisée du programme d’aide aux employés ou la constitution d’un programme de pairs aidants, l’équipe de recherche a également pu observer que la démarche globale de recherche-intervention, amorcée dès 2012, semble avoir eu un effet particulièrement « porteur » pour le milieu. Cet effet porteur s’explique par le fait qu’il y ait eu, par l’ensemble des acteurs du milieu (travailleurs, syndicats, gestionnaires et direction), une reconnaissance formelle de l’exposition des travailleurs – et des personnes qui les encadrent – à un contexte de travail émotionnellement exigeant et, conséquemment, une volonté partagée d’agir de façon préventive.

L’originalité de la présente recherche reposait sur une démarche participative d’intervention en milieu de travail appuyée sur des assises théoriques et méthodologiques rigoureuses, laquelle a fait l’objet d’un processus d’évaluation systématique à l’aide d’un modèle d’évaluation reconnu. Bien qu’elle ait été réalisée dans un centre jeunesse, les connaissances théoriques et pratiques développées pourront être utiles dans de nombreux autres milieux de travail touchés par le travail émotionnellement exigeant tels les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), les milieux hospitaliers, les services d’urgence ou le secteur des déficiences intellectuelle et physique, par exemple.

Abstract

Certain activity sectors are particularly affected by problems that impact their workers’ health and safety. One example is the Youth Centre sector, where the work is generally characterized by high emotional demands due to frequent contacts with children and families in crisis and to a lack of the resources needed to effectively respond to these emotional demands. Moreover, there is growing recognition of the potential impacts of emotionally demanding work on both physical and psychological health (post-traumatic stress, musculoskeletal disorders, psychological distress, absenteeism, high staff turnover, etc.), impacts that not only affect workers, but also the organizations that employ them. However, while the importance of developing organizational interventions to prevent the potential impacts of exposure to emotionally demanding work is well documented, little is known specifically about the interventions that should be implemented to mitigate the impacts of this type of work.

The main objective of this study was to implement and assess an employer/employee preventive intervention designed to mitigate the potential impacts of emotionally demanding work on workers in youth centres. More specifically, the researchers’ aim was to (1) identify the psychosocial stressors (risk factors) and protective factors present in the target organization; (2) develop appropriate interventions for both reducing the psychosocial stressors in the workplace and optimizing the existing protective factors; (3) assess the intervention implementation process; and (4) measure the intervention’s effects. The study population consisted of workers in a youth centre and the first-level managers who supervise the teams working in close contact with clients.

The study was conducted in three phases: (a) the development phase, during which a profile of the situation was developed and concrete intervention goals were identified, (b) the implementation phase, during which the actual interventions were identified and implemented, and (c) the assessment phase, during which the intervention process and its effects were evaluated. Quantitative and qualitative research methods were used to carry out the three phases. Specific interventions were developed by the Intervention Support Group (ISG), an employer/employee group created during the process.

With respect to the study’s findings, first, the project provided an exhaustive profile of the risk and protective factors present in the workers and their supervisors. Based on these factors, the ISG members prioritized the interventions that emerged from their reflections. The majority of these interventions focused on improving support resources, which was consistent with the resource needs identified during the initial research phase.

The intervention process as a whole and its effects were also analyzed. Among the findings that emerged from this analysis, one element – which pertained to the context, not to the actual project – was pervasive: the reform of health and social services that took place during the same period as the project. This major overhaul completely destabilized the establishment hosting the research team, and consequently, several of the foundations of the project itself. However, thanks to the strong partnership already in place and the joint employer/employee nature of the project, the intervention process saw the light of day, and (incidentally) had effects that could be studied. The main winning conditions, already in place when the intervention process began, also emerged from the analysis. Based on the testimonials, these conditions helped keep the research-intervention process going with assistance from the Intervention Support Group (ISG). An assessment was also drawn up of the challenges encountered, as was an overview of a set of factors that promoted or hindered the success of the process. All these findings could eventually serve as a basis for reflection for any organization wishing to undertake a preventive intervention process.

In addition to the projects developed by the ISG, such as obtaining a room for employees or access to a specialized resource person from the Employee Assistance Program, or developing a program for peer helpers, the research team was able to observe that the overall research-intervention process, begun in 2012, appeared to have a particularly beneficial effect on the workplace. This beneficial effect was attributable to the fact that all the workplace actors (workers, unions, supervisors and senior management) formally recognized that the workers – and their supervisors – were exposed to an emotionally demanding work environment, and accordingly, had a shared desire to take preventive action.

The originality of this study lies in its participatory, workplace intervention process that was built on rigorous theoretical and methodological foundations and also underwent systematic evaluation using a recognized evaluation model. While the study was conducted in a youth centre, the theoretical knowledge and practices developed may be useful in other workplaces affected by emotionally demanding work, such as long-term residential care facilities (CHSLDs), hospitals, emergency services or the sector working with people who have intellectual or physical impairments.

ISBN

9782897970451

Mots-clés

Services sociaux, Social services, Enfant, Child, Santé mentale, Mental health, Programme de prévention, Health and safety program, Comportement humain, Human behaviour, Relations humaines, Human relations, Aspect psychologique, Psychological aspect, Stress factor, Enquête par entrevue, Interview survey, Enquête par questionnaire, Questionnaire survey, Centre jeunesse, Youth center

Numéro de projet IRSST

2013-0089

Numéro de publication IRSST

R-1042

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