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Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2019

Langue

Anglais

Résumé

Depuis 2010, l’industrie utilise un nouveau genre de robot capable d’interagir avec les travailleurs en production ou simplement de partager le même espace de travail. On les appelle « robots collaboratifs » ou cobots. Le cobot se distingue des robots conventionnels par l’interaction entre la machine et le travailleur; il accompagne ce dernier, l’assiste ou l’aide à réaliser des tâches. Toutefois, ce changement technologique fait apparaître de nouveaux risques surtout en production : risques de collisions (puisque l’humain peut être en contact avec le cobot), risques de troubles musculosquelettiques (TMS) (même si le cobot est conçu pour les éviter, il faut savoir le manipuler correctement pour limiter ou éviter ces troubles), risques psychosociaux (stress lié aux mouvements du cobot et à sa cadence de production), etc. Face à cela, une étude exploratoire a été menée. Elle visait, d’une part, à émettre des recommandations en matière de sécurité au travail concernant la mise en œuvre de robots dans un contexte collaboratif et, d’autre part, à formuler des pistes de réflexion en vue d’outiller les intervenants au regard de l’implémentation d’installations cobotiques.

Cette recherche comprend deux volets : l’un théorique et axé sur l’étude de plans et l’autre pragmatique et axé sur la réalité du terrain. Le premier volet visait à évaluer la manière dont les fonctions de sécurité du robot, qui transitent par des cartes électroniques dédiées à la sécurité, assurent la protection des opérateurs dans le cadre des quatre modes de fonctionnement collaboratif établis par la norme ISO 10218:2011 : 1) arrêt nominal de sécurité contrôlé, 2) guidage manuel, 3) contrôle de la vitesse et de la distance de séparation, 4) limitation de la puissance et de la force du robot. D’après la norme ISO 13849-1:2015, une fonction de sécurité d'une machine est une fonction dont la défaillance peut provoquer un accroissement immédiat des risques menaçant l’intégrité physique d’une personne. Par exemple, l’arrêt d’urgence sur une machine est une fonction de sécurité. Le second volet de l’étude visait à faire un retour d’expérience sur la prise en compte de la sécurité dans les projets d’intégration de robots collaboratifs au Québec. Ce retour d’expérience a été effectué auprès de trois types de participants : les utilisateurs (donneurs d’ouvrage) de robots collaboratifs, les intégrateurs et les travailleurs concernés.

La partie « théorique » a été menée en analysant la documentation technique de trois robots : un dit « collaboratif » d’origine et deux conventionnels transformés en collaboratifs. De plus, une étude de cas succincte illustre l’implémentation d’une installation cobotique sur la base de l’analyse effectuée. Le volet « terrain » a été réalisé en observant des installations cobotiques dans quatre entreprises et en menant des entrevues semi-dirigées avec les participants concernés.

L’étude de cas du volet théorique a montré que pour sécuriser un mode de fonctionnement collaboratif, il faut, selon le robot, combiner plusieurs fonctions de sécurité. Le volet théorique a notamment révélé que le niveau de performance établi par le fabricant pour un contrôleur dédié à la sécurité n’est pas garant du niveau de performance global de la fonction de sécurité qui y transite. En effet, la carte électronique dont est doté le contrôleur ne remplit que la partie « traitement de signal » des fonctions de sécurité. Ainsi, le donneur d’ouvrage qui fait l’acquisition d’un robot dit « collaboratif » muni d’un contrôleur qui respecte le niveau de performance exigé par la normalisation ne doit pas considérer que les fonctions de sécurité de ce robot respecteront nécessairement les exigences normatives. En effet, il est souvent nécessaire de compléter la fonction de sécurité du robot en y ajoutant un composant en entrée, tel qu’un dispositif de détection de présence. Les contraintes environnementales peuvent être, dans certains cas, un facteur prépondérant dans le choix du dispositif de détection. Le choix adéquat de ce composant est capital, car si ses performances de sécurité sont inférieures à celles de la partie « traitement », la fonction de sécurité sera moins fiable. Les exigences normatives recommandent des composants dits de sécurité.

Le volet « terrain » de l’étude a démontré que la cobotique en est à ses débuts au Québec. Une seule des quatre entreprises visitées avait une installation cobotique en service. Les trois autres étaient en processus d’intégration. Aussi, d’autres entreprises contactées lors du recrutement pour les visites comptaient acquérir un robot dit « collaboratif » ou réfléchissaient encore à la manière de l’intégrer au processus de production. Les entreprises visitées ont choisi des cobots en raison de : 1) leur faible coût comparé à celui d’un robot conventionnel, 2) le retour rapide sur investissement, 3) la réassignation de tâches plus valorisantes aux travailleurs, 4) la contrainte d’espace, 5) la réduction potentielle des risques pour la santé et la sécurité du travail (SST). Ainsi, selon nos observations, ce n’est pas nécessairement un besoin d’interactions homme-robot en production qui suscite le recours à la cobotique, mais plutôt des motifs économiques, spatiaux et de SST.

Les intégrateurs rencontrés ont confirmé que la conception d’une installation cobotique est une tâche complexe en raison de la nouveauté de la technologie et de ses exigences particulières en matière de sécurisation. L’étape la plus difficile selon eux est l’appréciation des risques. Souvent, elle se limitait à l’identification des risques. Or, pour savoir si un robot peut être utilisé dans un contexte collaboratif, il faut minimalement estimer les risques de l’installation future pour déterminer le niveau de performance minimal requis. Le niveau de performance des fonctions de sécurité doit être égal ou supérieur à ce minimum et en adéquation avec l’analyse des risques associés au fonctionnement collaboratif.

Enfin, pour que la sécurité soit un élément décisif lors de la détermination des besoins et de l’intégration, il est important de l’inclure dans chaque fonctionnalité prévue de l’installation. Cette inclusion doit se faire dans le cadre d’un dialogue étroit entre le donneur d’ouvrage, l’intégrateur et le travailleur. D’après nos observations, le travailleur était peu impliqué dans le processus de détermination des besoins et d’intégration. Compte tenu de cette faible participation du travailleur dans l’appréciation des risques, qui est en soi une étape complexe, il est proposé de conduire des recherches sur la démarche d’appréciation des risques liés à la cobotique, en y intégrant l’analyse de l’activité des travailleurs. De plus, concernant la réduction du risque, certains aspects méritent d’être investigués, notamment : 1) la détection de présence, dans les modes 1 et 3, par des composants qui ne sont pas de sécurité, 2) l’applicabilité et l’acceptabilité des valeurs limites d’effort issues de la spécification technique ISO/TS 15066:2016. En effet, la proximité du travailleur par rapport au robot en production nécessite une évaluation du risque lié à un contact possible. En définitive, les robots dits « collaboratifs » ne riment pas systématiquement avec exemption de moyens de protection. L’appréciation des risques est toujours nécessaire à l’étape d’intégration, comme le spécifient les manuels de fabricants et les normes traitant de cobotique. Selon l’acceptabilité ou non du risque, des moyens de protection pourront être requis.

Abstract

Since 2010, industry has been using a new type of robot capable of interacting with workers during production or simply sharing the same workspace with them. They are called collaborative robots, or cobots. Cobots differ from conventional robots with respect to machine-worker interaction; they accompany workers, assist them and help them perform tasks. However, this technological change also brings with it new risks, especially in production: collision risks (since humans can come into contact with cobots), risks of musculoskeletal disorders (MSDs) (even though a cobot may be designed to prevent such problems, operators must learn to handle it properly to limit or prevent them), psychological and social risks (human stress related to cobot movements and work pace), etc. An exploratory study was conducted to investigate these issues. The purpose of the study was, first, to make occupational safety recommendations regarding the implementation of robots in a collaborative setting and, second, to suggest ways to inform stakeholders about the issues involved in implementing cobot installations.

There were two parts to the study: a theoretical part focused on examining plans and a practical part focused on the actual situation in the field. The purpose of the first part was to assess how the robot’s safety functions, which are processed by safety-related electronic boards, ensure operator protection within the framework of the four modes of collaborative operation established by standard ISO 10218:2011: (1) safety-related monitored stop, (2) hand guiding, (3) speed and separation monitoring and (4) power and force limiting. According to standard ISO 13849-1:2015, a safety function of a machine is a function of the machine whose failure can result in an immediate increase in the risks to a person’s physical well-being. For example, the emergency stop on a machine is a safety function. The purpose of the second part of the study was to gather feedback on taking safety into account in collaborative robot integration projects in Quebec. Feedback was collected from three types of participants: collaborative robot users (employers), integrators and workers involved.

The theoretical part was conducted by analysing the technical reference material for three robots: one designed to be collaborative and two conventional robots converted into cobots. In addition, a brief case study illustrated the implementation of a cobot installation based on the analysis. The field part of the study was carried out by observing cobot installations in four companies and conducting semistructured interviews with the participants concerned.

The case study of the theoretical part showed that to make a mode of collaborative operation safe, a number of safety functions must be combined, depending on the robot. The theoretical part revealed, in particular, that the performance level set by the manufacturer for a safety-dedicated controller is not a guarantee of the overall performance level of the safety function processed by the controller. The controller’s electronic board only performs the “signal processing” part of the safety functions. An employer that procures a collaborative robot equipped with a controller that meets the performance level set in the standards should not assume that the cobot’s safety functions will necessarily meet the requirements of the standards. A robot’s safety functions often need to be supplemented by adding an input device, such as a presence-sensing device. In some cases, environmental constraints may be an overriding factor in the choice of a sensing device. Choosing the right device is crucial, because if its safety performances are below those of the processing part, the safety function will be less reliable. The requirements in the standards recommend so-called safety devices.

The field part of the study revealed that cobotics is in its infancy in Quebec. Only one of the four companies visited had a cobot installation that was up and running. The other three were in the process of cobot integration. Other companies contacted by the study team when recruiting participants for the visits were either planning to procure a collaborative robot or were still thinking about how to integrate it into their production process. The companies visited chose their cobots on the basis of (1) their low cost compared with that of a conventional robot, (2) quick return on investment, (3) being able to reassign workers to more rewarding tasks, (4) space constraints and (5) potential occupational health and safety (OHS) risk reduction. Thus, to judge from what we observed, companies are turning to cobots not necessarily to meet a need for human-machine interaction in production, but rather for financial, spatial and OHS reasons.

The integrators we met confirmed that designing a cobot installation is a complex task because the technology is very new and involves some very specific safety requirements. The most difficult step, they say, is the risk assessment. Often, it was limited to risk identification. But to know whether a robot can be used in a collaborative context, at the very least the risks of the future installation must be estimated in order to determine the minimum required performance level. The performance level of the safety functions must be equal or superior to this minimum and be consistent with the analysis of the risks associated with collaborative operation.

Last, for safety to be a decisive factor when determining needs and integration, it must be included in each planned functionality of the installation. This inclusion must be implemented through a close dialogue involving the employer, the integrator and workers. From what we observed, workers were not very involved in the process of determining needs and integration. Given this low degree of worker participation in risk assessment, which in itself is a complex step, we are now proposing to conduct research on the cobot-related risk assessment process, by incorporating analysis of worker activity. In addition, regarding risk reduction, some aspects are worth investigating further, particularly (1) presence sensing, in modes 1 and 3, with non-safety devices and (2) the applicability and acceptability of the force limit values given in technical specification ISO/TS 15066:2016. Worker proximity to the robot during production requires a risk evaluation focusing on possible contact. In sum, using collaborative robots does not systematically mean that protective measures are no longer necessary. Risk assessment is always needed at the integration stage, as manufacturers’ reference manuals and cobotics standards specify. Depending on the degree of acceptability of the risk in question, protective measures may well be required.

ISBN

9782897970369

Mots-clés

Robot collaboratif, Collaborative robot, Conception du matériel, Design of equipment, Technique de sécurité, Safety engineering, Utilisation, Use, Risque d'atteinte à la santé, Health hazard, Aspect économique, Economic aspect, Organisation du travail, Work organisation, Étude de cas, Case study, Québec

Numéro de projet IRSST

2014-0046

Numéro de publication IRSST

R-1030

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