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Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2018

Langue

Français

Résumé

Le fonctionnement des cloueuses portatives étant basé sur un processus d’impact visant à enfoncer un clou, l’utilisation de ces outils expose les travailleurs à des bruits et à des vibrations à caractère impulsionnel, en générant des niveaux très élevés pendant un très court laps de temps. Par ailleurs, l’exposition aux bruits et aux vibrations impulsionnels engendre un risque de développer des maladies professionnelles. Des échanges avec l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur de la construction (ASP Construction) ont confirmé que ce type d’outil est très utilisé par les travailleurs de la construction qui, au Québec, se classent parmi les 5 premiers groupes de travailleurs en ce qui concerne le nombre d’indemnisations pour surdité professionnelle. Il est donc nécessaire de choisir et de concevoir des cloueuses moins bruyantes et pour lesquelles le niveau de vibration à la poignée est réduit. Il s’agit d’une tâche difficile à réaliser, car très peu d’information existe sur les niveaux de bruit et de vibrations de ces outils, ainsi que sur les moyens de les réduire.

Ce projet vise trois objectifs : (i) vérifier si les normes actuelles pour le bruit (EN 12549) et les vibrations (ISO 8662) permettent de mesurer en laboratoire des valeurs d’émission acoustique et vibratoire comparables aux valeurs mesurées sur le terrain; (ii) développer et utiliser des méthodes de diagnostic des sources de bruit et vibrations en laboratoire; (iii) formuler des pistes de solution visant à réduire les niveaux de bruit et de vibrations des cloueuses.

(i) Comparaison des mesures sur le terrain et en laboratoire. Pour ce premier objectif, dix cloueuses commerciales ont été retenues : huit cloueuses à charpente, dont une électrique (batteries), une à gaz (butane) et six pneumatiques, et deux cloueuses de toiture pneumatiques (bardeaux d’asphalte). Les vibrations ont été mesurées en laboratoire et sur le terrain à l’aide d’un accéléromètre triaxial fixé à la poignée de l’outil. En ce qui concerne le bruit, la puissance acoustique a été mesurée en laboratoire sur le banc de mesures normalisées (BMN) composé de neuf microphones (grille en cube) alors que pour les mesures terrains, le niveau d’exposition aux oreilles du travailleur a été mesuré avec deux microphones placés sur ses coquilles antibruit. Les mesures terrains ont été réalisées à l’aide d’un système d’acquisition portatif inséré dans un petit sac à dos, ce qui permettait à l’opérateur de ne pas modifier sa façon de travailler. La comparaison des niveaux de bruit mesurés sur le terrain et dans le laboratoire montre que le rayonnement acoustique de la pièce travaillée lors des mesures terrains peut contribuer au niveau global (maximum de 3,5 dBA de plus que les mesures laboratoire), mais que ce rayonnement ne modifie pas ou peu le classement des cloueuses selon leurs émissions sonores. En ce qui concerne les vibrations, le classement des cloueuses selon leurs émissions vibratoires était similaire entre le terrain et le laboratoire. Cela justifie l’utilisation du banc d’essai normalisé en laboratoire pour réaliser le classement des cloueuses.

(ii) Méthodes de diagnostic et sources. Selon les normes actuelles, les mesures pour qualifier une cloueuse nécessitent le recours à 3 opérateurs qui enfoncent plus de 50 clous chacun. Cette procédure exige énormément de temps et complique le travail de diagnostic des sources de bruit. Pour simplifier cette procédure, un dispositif de substitution de l’opérateur (DSO), constitué d’un support, d’un système remplaçant la main et le bras de l’opérateur ainsi que d’un déclencheur à distance, a été développé. Une validation du DSO a été réalisée et les résultats montrent que, pour une série de tests effectuée avec seulement dix clous, la variabilité des résultats est similaire à celle obtenue avec les tests normalisés (BMN) nécessitant trois opérateurs et un total de 150 clous. Par rapport au BMN, l’accélération moyenne obtenue avec le DSO est légèrement surestimée (0,5 m/s2) et les niveaux de puissance acoustique sont légèrement sous-estimés (environ 1 dB). Cependant, bien que ces différences ne soient pas souhaitables, elles ne viennent pas modifier le classement des cloueuses selon leurs niveaux de bruit et de vibrations. Par ailleurs, ce système permet de qualifier une cloueuse en moins de 30 minutes.

Les méthodes de diagnostic utilisées pour déterminer les sources de bruit sont le masquage des sources (encoffrements), l’imagerie acoustique et la synchronisation bruit/image avec une caméra haute vitesse. L’usage d’un banc d’essai modifié a aussi permis d’évaluer la contribution du rayonnement acoustique de la pièce travaillée au bruit total généré par la cloueuse. Les trois principales sources de bruit sont le corps de la cloueuse, le système d’échappement et la pièce travaillée. Pour les cloueuses pneumatiques, le bruit généré par le corps de la cloueuse est le plus important; il atteint des niveaux équivalents à ceux du système d’échappement, tandis que la cloueuse électrique et la cloueuse au gaz n’émettent pas de bruit d’échappement. Les vibrations se transmettant à l’opérateur par la poignée, seul le corps de la cloueuse est contributif aux émissions vibratoires. La cloueuse électrique génère des niveaux de vibrations équivalents à ceux des cloueuses pneumatiques, alors que les niveaux de bruit sont environ 10 dBA inférieurs. La contribution de la pièce travaillée est significative et d’un ordre de grandeur équivalent au bruit de l’échappement ou du corps de la cloueuse. Les vibrations de la cloueuse sont pratiquement constantes et ne subissent aucune influence de la pièce travaillée.

(iii) Pistes de solution. Des pistes de solution pour les trois sources de bruit principales sont présentées. Pour les cloueuses pneumatiques, l’ajout d’un silencieux est fortement suggéré. Aussi, pour le rayonnement du corps, il est suggéré d’ajouter une barrière acoustique. Finalement, des solutions qui concernent le fonctionnement de la cloueuse sont aussi proposées. Pour les vibrations, la principale solution consiste à découpler la poignée de la cloueuse. Étant donné que les vibrations d’amplitude maximale sont générées lors de l’arrivée en butée de la pièce mobile (bélier) qui enfonce le clou, l’optimisation des butées de fin de courses (basse et haute) du bélier semble pertinente. Par ailleurs, la quantité d’énergie utilisée pour l’enfoncement d’un clou est constante, peu importe le clou utilisé et le milieu cloué, ce qui oblige dans certains cas de dissiper une quantité d’énergie superflue. Cette énergie est probablement contributive au bruit et aux vibrations et pourrait être réduite si la quantité d’énergie utilisée pour l’enfoncement d’un clou était réglable.

Cette étude a permis de déterminer et de quantifier plusieurs mécanismes générant le bruit et les vibrations des cloueuses portatives utilisées dans l’industrie de la construction. Elle a aussi permis le développement d’un dispositif de substitution de l’opérateur pour les essais en laboratoire. Ce dispositif nécessite encore du développement et de l’optimisation afin de mieux approximer les valeurs obtenues par des opérateurs, mais sa faible variabilité permet de qualifier une cloueuse en utilisant seulement 10 clous. Un DSO optimisé permettrait de remplacer les 3 opérateurs requis par les normes actuelles et ainsi grandement simplifier l’évaluation d’une cloueuse, tout en facilitant l’utilisation, par les fabricants, de bancs d’essai pour évaluer les émissions sonores et vibratoires de leurs cloueuses.

Abstract

Portable nail guns, or nailers, drive in nails by means of an impact or hammering force. Workers who use them are exposed to impulse noise and vibration, as the guns generate very high levels for very short periods of time. Exposure to impulse noise and vibration creates a risk of developing occupational diseases. Discussions with the Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur de la construction [construction sector OHS association], known as ASP Construction, confirmed that this type of tool is very widely used by construction workers, who are among the top five groups in Quebec for number of compensation awards for occupational hearing loss. Less noisy nail guns that transmit less vibration to the handle therefore need to be selected and designed. This is a difficult thing to do, as very little information exists on the noise and vibration levels associated with these tools or on how to reduce them.

There were three objectives to this research project: (i) determine whether the existing standards for noise (EN 12549) and vibration (ISO 8662) could be used to measure noise and vibration levels in the lab comparable to those measured in the field; (ii) develop and use noise and vibration source diagnostic methods in the lab; and (iii) come up with possible solutions to the problem of nail gun noise and vibration.

(i) Comparison of field and laboratory measurements. For the purposes of this first objective, 10 commercial nail guns were selected: eight framing nailers, including one electric (battery-operated) model, one gas (butane) model and six pneumatic models, and two pneumatic roofing nailers (asphalt shingles). Vibrations were measured in the lab and in the field using a triaxial accelerometer secured to the nailer handle. For noise, the sound power was measured in the lab on a standardized test bench (STB) consisting of nine microphones (cube grid), while for the field measurements, the level of exposure at the worker’s ears was measured using two microphones placed on the person’s ear protectors. The field measurements were done using a portable data acquisition system in a small backpack, which allowed the operator to continue to work as usual. The comparison of noise levels measured in the field and in the lab showed that the acoustic dispersion of the workpiece during the field measurements can contribute to the overall level (maximum of 3.5 dBA more than the laboratory measurements), but that this dispersion does not change, or barely changes, the ranking of the nail guns by noise level. For vibration, the ranking of the nailers by vibration levels was similar in the field and the lab. This justified using the STB in the lab to rank the nail guns.

(ii) Diagnostic methods and sources. According to the current standards, the measurements used to rank nailers require three operators to drive in over 50 nails each. This procedure takes a huge amount of time and complicates the work of diagnosing noise sources. To simplify the procedure, an operator substitution device (OSD) consisting of a support, a system replacing the worker’s hand and arm, and a remote trigger was devised. The OSD was validated, and the results showed that, for a series of tests performed with only 10 nails, the variability in results was similar to that obtained with the STB requiring three operators and a total of 150 nails. In comparison with the STB results, the mean acceleration obtained with the OSD was slightly overestimated (0.5 m/s2), while the sound power levels were slightly underestimated (approximately 1 dB). Nevertheless, these differences, though not desirable, did not change the ranking of the nailers by noise or vibration level. Furthermore, this system can rank a nailer in less than 30 minutes.

The diagnostic methods used to determine noise sources were sound-source masking (enclosures), acoustic imaging and noise/image synchronization with a high-speed camera. The use of a modified test bench also made it possible to assess the contribution of the acoustic dispersion of the workpiece to the total noise produced by the nailer. The three main noise sources are the nailer body, the exhaust system and the workpiece. For pneumatic nailers, the greatest amount of noise is generated by the nailer body; it reaches levels equivalent to those of the exhaust system, while the electric nailer and the gas nailer do not produce any exhaust noise. As vibration is transmitted to the operator through the handle, only the body of the nail gun contributes to the vibration levels. The electric nailer generated vibration levels equivalent to those of the pneumatic nailers, whereas the noise levels were approximately 10 dBA lower. The contribution of the workpiece is significant and of an order of magnitude equivalent to the exhaust noise or the noise from the nailer body. The vibration of the nailer was practically constant and was not influenced by the workpiece.

(iii) Possible solutions. Possible ways to help reduce the three main sources of noise are presented. For pneumatic nailers, adding a silencer is strongly recommended. Also, to reduce the dispersion of the noise from the nailer body, it is suggested that an acoustic barrier be added. Last, solutions focusing on how the nailer works are also proposed. For vibration, the main solution consists in separating the handle from the nailer. Given that the vibrations of maximum amplitude are generated when the mobile part (hammer) that drives the nail reaches the stop, efforts to optimize the travel stops (low and high) of the hammer mechanism would seem worthwhile. Furthermore, as the amount of energy used to drive in a nail is constant, regardless of the nail used and the material being nailed into, in some cases a certain amount of superfluous energy needs to be dissipated. That superfluous energy probably contributes to the noise and vibration and could be reduced if the amount of energy used to drive in the nails were adjustable.

In the course of this study, several mechanisms involved in generating noise and vibration when portable nail guns are used in the construction industry were identified and quantified. The study also led to the development of an operator substitution device used for laboratory testing. This device still requires further development and optimization in order to more accurately approximate the values obtained by operators, but its low variability means that only 10 nails are needed to rate a nail gun. An optimized OSD could replace the three operators required under existing standards and thereby greatly simplify nail gun assessments, while facilitating manufacturer use of test benches to measure the noise and vibration levels of their nailers.

ISBN

9782897970314

Mots-clés

Clouage, Nailing, Mesure du bruit et des vibrations, Noise and vibration measurement, Évaluation de l'exposition, Exposure evaluation, Outil pneumatique, Pneumatic tool, Vibration, Lutte contre le bruit et les vibrations, Noise and vibration control, Bruit impulsif, Impulse noise, Préservation de l'ouïe, Hearing conservation, Méthodologie, Methodology, Test d'exposition, Exposure test, Conditions d'exposition, Conditions of exposure, Analyse par comparaison, Comparative analysis, Norme, Standard

Numéro de projet IRSST

0099-6580

Numéro de publication IRSST

R-1033

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