Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
2022
Langue
Français
Résumé
Dans les organisations à opérations continues, telles que les services d’urgence, plusieurs facteurs, d’ordre organisationnel et individuel, contribuent à générer de la fatigue physique et mentale chez les travailleurs. Le travail de nuit et rotatif occasionne une perturbation importante dans l’horaire de sommeil et d’éveil. Cette situation augmente le risque de baisse de performance, d’erreurs, d’incidents et d’accidents au travail en plus de réduire la productivité et la santé des travailleurs. Cette recherche s’insère dans une démarche paritaire ayant pour objectif de doter les services de police étudiés d’outils de gestion de la fatigue, scientifiquement validés. Ces outils leur permettront de réduire les risques d’incidents et accidents au travail liés à la fatigue.
La présente recherche est née d’un intérêt paritaire exprimé par les représentants patronaux et syndicaux de services de police désireux de mieux gérer la fatigue et ses impacts au sein de leurs organisations. Le but de cette étude est de développer la composante centrale d’un système de gestion des risques liés à la fatigue (SGRF). Cette composante repose sur des données scientifiques et consiste en un outil de prédiction des risques liés à la fatigue, propre aux services de police participant à cette étude. Plusieurs étapes ont été nécessaires pour réaliser cet objectif. Dans un premier temps, les services intéressés ont été identifiés et rencontrés pour leur expliquer le projet, ses objectifs et s’entendre sur un échéancier. Deux services de police ont été retenus.
Après une rencontre de démarrage planifiée avec des représentants patronaux et syndicaux de ces services de police, des comités opérationnels locaux ont été mis sur pied et des groupes de discussion ont été organisés. Ces groupes ont réuni des policières, policiers, représentants des ressources humaines et représentants en santé et sécurité du travail. Le but de ces rencontres a été de recueillir les commentaires des participants sur problématique de la fatigue au travail. Les participants ont été encouragés à décrire leur expérience en termes de fatigue au travail, comment et dans quelles situations cette dernière s’exprime et quels facteurs en affectent la survenue. Par la suite, les suggestions émanant de ces groupes ont été considérées dans le développement d’une large étude terrain au cours de laquelle un total de 76 policières et policiers en santé, âgés de 20 à 65 ans, travaillant à temps plein sur la patrouille ont été étudiés.
Chaque policière et policier recruté a été étudié pendant un cycle complet de travail (~1 mois) afin de quantifier ses niveaux de fatigue et les facteurs y contribuant. Pendant toute la durée de l’étude, les participants ont porté une petite montre (actigraphe) sur leur poignet non dominant afin de documenter leur horaire de sommeil. Ils ont aussi fait plusieurs entrées quotidiennes sur un appareil téléphonique portatif afin de documenter leurs périodes de sommeil, leurs niveaux de fatigue, vigilance, somnolence, et de compléter des tests validés de performance. La charge de travail et la consommation de boissons stimulantes ont été considérées. À 4 ou 5 reprises au cours de l’étude, les participants ont collecté des échantillons urinaires pendant plus de 24 heures successives. Le but de ces collectes est d’en mesurer le contenu en métabolites hormonaux utiles pour évaluer l’heure interne de l’horloge biologique. Les résultats ont été analysés afin de déterminer les facteurs qui affectent les niveaux de fatigue. Divers facteurs, d’ordre personnel et opérationnel, tels que ceux liés à l’organisation du cycle éveil-sommeil et de l’horaire de travail, ont été considérés.
Cette étude a démontré que la fatigue varie en fonction des heures travaillées et de l’heure de la journée. Elle est plus marquée la nuit comparativement au jour. Elle est aussi plus marquée en début de quart de jour et en fin de quart de nuit. Les variables de fatigue et de performance dépendent aussi du service de police étudié. Cette observation renforce l’importance de collecter des données spécifiques à chaque organisation afin de bien quantifier la problématique de gestion de la fatigue au sein de cette organisation. Les résultats de la présente étude terrain ont servi à l’élaboration d’un outil d’estimation des risques liés à la fatigue au travail. Grâce à ces résultats, l’influence de divers facteurs contribuant au risque lié à la fatigue au travail a été mesurée. L’outil développé permet de catégoriser les risques liés à la fatigue selon 4 niveaux ; faible, modéré, élevé et très élevé.
Il est escompté que cette grille d’estimation des risques liés à la fatigue au travail permettra aux organisations de se doter d’une politique de gestion de ces risques. Un SGRF est une retombée anticipée de cette recherche. De plus, il sera possible d’utiliser les données émanant de cette recherche pour des activités ultérieures de valorisation telles que des modules de formation sur la gestion de la fatigue au travail pour les policières et policiers. Enfin, cette démarche sera facilement adaptable à d’autres groupes de travailleuses et travailleurs aux prises avec une problématique similaire.
Abstract
In organizations that operate continuously, such as emergency services, a number of organizational and individual factors contribute to physical and mental fatigue among workers. Night work and rotating shift work significantly disrupt sleeping and waking patterns. In turn, this increases loss of performance, errors, employment incidents and accidents, in addition to reducing productivity and damaging workers’ health. This research study is a joint initiative with the objective of providing the police departments in the study with scientifically validated tools to manage fatigue. These tools will enable them to reduce the risk of employment incidents and accidents associated with fatigue.
This research arises from interest expressed jointly by the employer and union representatives of police departments that wish to better manage fatigue and its impacts on their organizations. The study’s goal is to develop the core component of a fatigue risk management system (FRMS). This component is based on scientific data and consists of a fatigue risk prediction tool specific to the police departments participating in this study. Several steps were required to fulfill this objective. First, the departments that were interested were identified and approached to explain the project, its objectives, and to agree on a timeframe. Two police departments were selected.
After an introductory meeting with the employer and union representatives of these police departments, local operational committees were set up and discussion groups were organized. These groups brought together police officers, human resource representatives and occupational health and safety representatives. The aim was to gather the participants’ comments about the problem of work fatigue. The participants were encouraged to describe their experiences with fatigue at work, how and in what types of situations it is expressed and what factors affect its occurrence. Subsequently, the suggestions from these groups were considered in the development of a large field study, in which a total of 76 full-time police patrol officers aged 20 to 65 and in good health were studied.
Each police officer recruited was monitored for a complete work cycle (~1 month) in order to quantify their fatigue levels and the contributing factors. For the entire duration of the study, the participants wore a small watch (an actigraph) on their nondominant wrist to record their sleep patterns. They also made several daily entries into a mobile phone to record their sleep periods, levels of fatigue, alertness and sleepiness, and to complete validated performance tests. The workload and consumption of energy drinks were taken into account. Four or five times during the study, the participants collected urine samples for more than 24 consecutive hours. The purpose of these collections was to measure the content of hormonal metabolites useful for assessing the time of their internal biological clocks. The results were analyzed to determine the factors that affected fatigue levels. Various personal and operational factors, such as those related to the organization of the sleep-wake cycle and the work schedule, were considered.
This study demonstrated that fatigue varies according to the hours worked and the time of day. It is more pronounced at night than during the day. It is also more pronounced at the beginning of the day shift and at the end of the night shift. Fatigue and performance variables are also depend on the police department studied. This observation underscores the importance of collecting specific data for each organization in order to properly quantify the problem of fatigue management within that organization. The results of this field study were used to develop a tool to assess the risks associated with fatigue at work. With these results, the influence of various factors that contribute to work fatigue risks could be measured. The tool developed made it possible for fatigue-related risks to be categorized into four levels: low, moderate, high and very high.
It is expected that this risk-assessment grid for work-related fatigue will enable organizations to adopt policies to manage these risks. One anticipated outcome of the research is an FRMS. Moreover, it will be possible to use the data from this research for further knowledge transfer activities, such as training modules on fatigue management at work for police officers. Finally, this initiative will be easily adaptable to other groups of workers dealing with similar problems.
ISBN
9782897972226
Mots-clés
Police, Police force, Fatigue, Gestion du risque, Risk management, Horaire de travail, Work time schedule, Évaluation du risque, Hazard evaluation, Critère de risque, Hazard criteria, Risque d'atteinte à la santé, Health hazard
Numéro de projet IRSST
2013-0046
Numéro de publication IRSST
R-1131-fr
Citation recommandée
Boivin, D. B. et Boudreau, P. (2022). Système de gestion des risques liés à la fatigue pour les policiers en autopatrouille (Rapport n° R-1131-fr). IRSST.