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Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2016

Langue

Français

Résumé

Les exercices physiques permettent de réduire la douleur et les incapacités chez les gens souffrant d’une lombalgie non aiguë (> 3-4 semaines), mais ces effets sont relativement limités. Pour rehausser l’efficacité de ce type d’intervention, nous devons déterminer pour quels patients chaque modalité d’exercice est la plus efficace (arrimage patient/intervention) et pour quelles raisons (mécanismes sous-jacents). Dans la présente recherche, nous nous intéressons aux exercices de stabilisation lombaire, une modalité active d’exercice gagnant en crédibilité et en popularité. Trois objectifs spécifiques ont été poursuivis : (1) initier le développement de règles de prédiction clinique (RPC) de succès et d’échec pour dépister, lors de l’examen clinique, les patients qui répondront bien ou pas du tout à ces exercices; (2) étudier les mécanismes (d’origines neuromusculaire et psychologique) mis en action par ces exercices à l’aide de mesures plus spécifiques permettant de décrire les effets du traitement; (3) évaluer la fidélité test-retest de moyenne durée (8 semaines) des mesures neuromusculaires chez des sujets sains.

Une cohorte totale de 130 patients lombalgiques n’étant plus en phase aiguë (4 semaines post-lésion) est nécessaire pour développer les RPC. Cependant, nous avons évalué 48 patients dans cette étude préliminaire, cela afin de pouvoir justifier, avec des résultats probants, la continuation du recrutement nécessaire (80 patients supplémentaires) pour la dérivation des RPC. Le programme d’exercice était réalisé sur 8 semaines (2 séances/semaine) dans des cliniques de physiothérapie, sans co-intervention. Les principales mesures de résultats [douleur; perceptions d’incapacité (échelle Oswestry)], de même que plusieurs mesures par questionnaire (mesures psychologiques [PSY] associées à la douleur et à l’adhésion au traitement), ont été recueillies au début (T0), aux semaines 4 (T4), 8 (T8 - fin) du programme d’exercice ainsi qu’à six mois post-traitement. Les autres mesures réalisables en milieu clinique et donc susceptibles d’être retenues pour le développement des RPC (objectif 1), soient les tests physiques (mesures de l’examen clinique en physiothérapie [PHT]) faits à l’aide d’un examen clinique, ont été réalisées à T0 et T8. Ces tests physiques comprenaient des tests d’instabilité articulaire (n = 4), de flexibilité (n = 6), de déficiences du contrôle moteur (n = 8), de performance physique (n = 4) et d’endurance musculaire (n = 3). Six tests en laboratoire ont aussi été réalisés à T0 et T8 pour étudier les mécanismes d’action d’origine neuromusculaire (mesures neuromusculaires [NRM]; pour l’objectif 2), chez un sous-échantillon de 32 patients. Ces six tests étaient les suivants : (1) épaisseur et activation des muscles profonds du tronc avec l'imagerie par ultrasons, (2) proprioception lombaire, (3) équilibre postural du tronc en position assise sur une chaise instable, (4) rigidité lombaire, (5) ajustements posturaux anticipatoires (APA), (6) coordination du tronc. Dans le but d’évaluer la fidélité test-retest (objectif 3), ces tests ont aussi été réalisés dans le même intervalle de temps (8 semaines) avec un échantillon de 30 sujets sains.

Analyses et résultats en lien avec l’objectif 1 (développement des RPC) : La dérivation préliminaire des RPC a donné des résultats assez probants, sur les plans statistique et théorique, pour proposer de compléter le recrutement des patients nécessaires pour obtenir des RPC plus robustes, avec des intervalles de confiance plus resserrés. La RPC de succès a retenu deux variables de l’examen physique, permettant d’atteindre une précision globale de 81 % et disposant des statistiques prédictives suivantes : sensibilité : 94 %; spécificité : 50 %; rapport de vraisemblance positif (LR+) : 1,9; rapport de vraisemblance négatif (LR-) : 0,13. Ces deux tests consistent (1) à demander au patient, en position debout, de tenir une légère charge près du corps, à la hauteur des épaules, pour ensuite allonger les bras à l’horizontale vers l’avant jusqu’à la limite de la tolérance, pour en mesurer la distance et (2) à effectuer un test de provocation où le thérapeute produit une abduction et rotation latérale de la hanche, en décubitus dorsal. La RPC d’échec a été constituée de la courbure lombaire et du sexe, permettant aussi d’atteindre une précision globale de 81 % et disposant des statistiques prédictives suivantes : sensibilité : 50 %; spécificité : 93 %; LR+ : 7,8; LR- : 0,53. Les variables de nature psychologique ont été considérées dans une deuxième vague d’analyses, mais n’ont pu contribuer à l’élaboration d’une RPC de succès. Par contre, la dramatisation de la douleur a été ajoutée à la RPC d’échec, rehaussant sa précision globale à 88 % et disposant des statistiques prédictives suivantes : sensibilité : 83 %; spécificité : 90 %; LR+ : 8,6; LR- : 0,18. La RPC de succès offrait une excellente sensibilité (94 %) et les deux RPC d’échec une excellente spécificité (≥ 90 %), ce qui représente une combinaison souhaitable pour ce type d’intervention. Les prédicteurs retenus pour les deux RPC (succès et échec), bien que différents des prédicteurs établis dans une étude préliminaire antérieure menée par un autre groupe (Hicks et al., 2005), semblent en accord avec la théorie sous-jacente à ce programme d’exercice. Par contre, les intervalles de confiance associés aux statistiques des RPC étaient très larges, comme attendu avec ce faible échantillon de patients. L’ajout de patients permettrait de confirmer l’entrée de ces variables ou d’en faire reconnaître de nouvelles, ainsi que de resserrer ces intervalles de confiance.

Analyses et résultats en lien avec l’objectif 2 (étude des mécanismes d’action) : Les analyses de variance (ANOVA) et corrélationnelles ont permis de faire ressortir des effets statistiquement significatifs pour certaines variables de chaque catégorie de mesure (PHT, PSY, NRM), ainsi que plusieurs tendances dans les résultats (0,05 < P < 0,10), suggérant que le recrutement de patients additionnels permettrait de vérifier plusieurs hypothèses. En effet, les effectifs n’étaient pas suffisants pour permettre de tester avec suffisamment de puissance statistique la présence d’interaction SOUS-GROUPE (succès par rapport à échec) ´ TEMPS (T0 par rapport à T8), notamment pour les mesures NRM qui n’ont pu être recueillies que chez un sous-échantillon (n = 32) de la totalité des patients (n = 48). L’étude des mesures PSY a permis de comprendre qu’il n’est peut-être pas possible de prédire l’adhésion au programme d’exercice à la maison avec des mesures prises à T0, c’est-à-dire sans tenir compte du temps, ce qui pourrait expliquer la raison pour laquelle une seule variable PSY a été retenue dans la RPC d’échec et aucune dans la RPC de succès. Parmi les mesures NRM, celles obtenues avec l'imagerie par ultrasons (épaisseur et activation des muscles profonds) et les mesures d’équilibre postural en position assise ont été les plus sensibles au changement de l’incapacité et de la douleur.

Analyses et résultats en lien avec l’objectif 3 (fidélité des mesures neuromusculaires) : Dans l’ensemble, les résultats obtenus inspirent confiance dans certaines de ces mesures pour l’étude des fonctions neuromusculaires lors d’un programme de réadaptation. En effet, les résultats de fidélité obtenus sont acceptables pour certaines mesures, avec des coefficients de corrélation supérieurs à 0,75, et passables pour d’autres. Peu de mesures ont démontré une mauvaise fidélité. Ainsi, pour chaque test ou presque, il est possible de retenir un sous-ensemble de mesures plus fidèles. Deux tests NRM (proprioception lombaire, équilibre postural) ont démontré des signes d’apprentissage de la tâche entre les deux sessions de mesure. Cet apprentissage était assez important pour remettre en question le test de proprioception. Heureusement, tel n’était pas le cas pour le test d’équilibre postural où cet apprentissage était beaucoup moindre et même, négligeable. Il est à noter qu’une étude aussi exhaustive de la fidélité, réalisée non seulement avec une batterie aussi complète de tests NRM (n = six tests), mais aussi avec un intervalle de temps équivalent à un programme de réadaptation (8 semaines), est effectuée pour la première fois dans le domaine. Ces mesures seront utiles pour évaluer l’effet de différentes interventions.

En conclusion, les résultats découlant de cette ambitieuse étude préliminaire permettent de recommander le recrutement des 80 patients nécessaires à la dérivation finale des RPC et à l’étude des mécanismes sous-jacents à ce programme d’exercice de stabilisation lombaire.

Abstract

Physical exercises help reduce pain and disabilities in individuals suffering from non-acute low back pain (> 3-4 weeks), but these effects are relatively limited. To increase the effectiveness of this type of intervention, we must determine the types of patients for whom each type of exercise is most likely to be effective (patient/intervention matching) and for what reasons (underlying mechanisms). This study focussed on lumbar stabilization exercises, an active exercise modality that is gaining in credibility and popularity. The study had three specific objectives: (1) to initiate development of clinical prediction rules (CPRs) for treatment outcomes (success or failure) in order to detect, during the clinical examination, those patients most likely to respond well, or not at all, to these exercises; (2) to study the mechanisms (of neuromuscular and psychological origin) activated by these exercises by using more specific measures that describe the treatment effects; (3) to assess the medium-term (8 weeks) test-retest reliability of neuromuscular measures in healthy subjects.

A total cohort of 130 patients with low back pain no longer in the acute phase (four weeks post-injury) is needed to develop CPRs. However, in this pilot study we evaluated 48 patients to come up with preliminary evidence that would justify the need for continued recruitment (80 additional patients) in order to derive the CPRs. The exercise program was carried out over eight weeks (two sessions per week) in physiotherapy clinics with no co-intervention. The main outcome measures [pain; disability perceptions (Oswestry Scale)] as well as several questionnaire-based measures (psychological measures [PSY] associated with pain and treatment adherence), were collected at the beginning of the exercise program (T0), at weeks 4 (T4) and 8 (T8 – end), and at six months post-treatment. The other measures obtainable in a clinical setting and therefore likely to be retained for developing CPRs (objective 1) are physical tests (measures from the clinical physiotherapy examination [PHT]) carried out during the clinical examination. These were performed at T0 and T8, and included joint instability tests (n = 4), flexibility tests (n = 6), motor control deficit tests (n = 8), physical performance tests (n = 4) and muscular endurance tests (n = 3). Six laboratory tests were also performed at T0 and T8 to study the mechanisms of neuromuscular origin (neuromuscular measures) [NRM]; for objective 2) in a sub-sample of 32 patients: (1) thickness and activation of the deep muscles of the trunk through ultrasound imaging, (2) lumbar proprioception, (3) postural balance of the trunk in seated position on an unstable chair, (4) lumbar rigidity, (5) anticipatory postural adjustments (APAs), and (6) trunk coordination. To evaluate test-retest reliability (objective 3), these tests were also performed at the same time interval (eight weeks) with a sample of 30 healthy subjects.

Analyses and results pertaining to objective 1 (development of CPRs): The preliminary derivation of the CPRs yielded sufficiently compelling results, at both the statistical and theoretical levels, to warrant completing recruitment of the patients needed to obtain more robust CPRs with tighter confidence intervals. The CPR for treatment success retained two variables from the physical examination, giving an overall accuracy of 81% and the following predictive statistics: sensitivity: 94%; specificity: 50%; positive likelihood ratio (+LR): 1.9; and negative likelihood ratio (-LR): 0.13. These two tests consist (1) of asking the patient, in standing position, to hold a light load close to his or her body at shoulder height, and then to stretch his or her arms horizontally forward as far as possible, in order to measure the distance, and (2) to perform a provocation test in which the therapist performs an abduction and lateral rotation movement of the patient’s hip, with the patient in supine position. The CPR for treatment failure included lumbar curvature and sex, thus giving an overall accuracy of 81% and the following predictive statistics: sensitivity: 50%; specificity: 93%; +LR: 7.8; and -LR: 0.53. The psychological variables were examined in a second set of analyses, but did not contribute to the development of a CPR for treatment success. However, pain catastrophizing was added to the CPR for treatment failure, increasing its overall accuracy to 88% and producing the following predictive statistics: sensitivity: 83%; specificity: 90%; +LR: 8.6; and -LR: 0.18. The CPR for treatment success showed excellent sensitivity (94%) while the two CPRs for treatment failure showed excellent specificity (≥ 90%), representing a desirable combination for this type of intervention. The predictors retained for the two CPRs (success and failure), while different from the predictors established in an earlier study by another group (Hicks et al., 2005), appear to be congruent with the theory underlying this exercise program. On the other hand, the confidence intervals associated with the CPR statistics were very wide, as would be expected with this small patient sample. Adding more patients would allow these variables to be confirmed or new ones to be identified, and for these confidence intervals to be tightened.

Analyses and results pertaining to objective 2 (study of mechanisms): The variance analyses (ANOVAs) and correlational analyses performed brought to light statistically significant effects for certain variables in each category of measure (PHT, PSY, NRM), as well as a number of trends in the results (0.05 < P < 0.10), again suggesting that the recruitment of additional patients would allow several hypotheses to be verified. In actual fact, there was an insufficient number of patients to test, with sufficient statistical power, the presence of SUB-GROUP interaction (success versus failure) ´ TIME (T0 versus T8), particularly for the NRM measures, which could be collected in only one sub-sample (n = 32) of all the patients (n = 48). The study of the PSY measures indicated that it may not be possible to predict at-home adherence to the exercise program with the measures taken at T0, i.e., without taking time into account, which might explain why only one PSY variable was retained in the CPR for treatment failure and none in the CPR for treatment success. Of the NRM measures, those obtained via ultrasound imaging (thickness and activation of deep muscles) and postural balance measures in seated position were the most responsive to changes in disability and pain.

Analyses and results pertaining to objective 3 (reliability of neuromuscular measures): Overall, the results obtained support the use of some of these measures in studying neuromuscular functions during a rehabilitation program. In fact, the reliability results obtained were acceptable for some measures, with correlation coefficients higher than 0.75, and fair for others. Few measures showed poor reliability. For (nearly) every test, it was therefore possible to retain a subset of more reliable measures. Two NRM tests (lumbar proprioception and postural balance) showed signs that task learning had occurred between the two measurement sessions. This learning was sufficiently significant to cast doubt on the proprioception test. Fortunately, this was not the case for the postural balance test, in which much less (if any) learning took place. It should be noted that this is the first time such an exhaustive reliability study, performed not only for a comprehensive battery of NRM tests (n = six tests) but also with a time interval corresponding to the duration of a rehabilitation program (eight weeks), has been performed in this field. These measures will be useful for evaluating the effects of various types of interventions.

In conclusion, based on the results obtained in this ambitious pilot study, we recommend recruitment of the 80 patients needed for the final derivation of the CPRs and the study of the mechanisms underlying this lumbar stabilization exercise program.

ISBN

9782896318926

Mots-clés

Maux de dos, Backache, Réadaptation physique, Physical rehabilitation, Évolution de la maladie, Evolution of disease, Étude longitudinale, Longitudinal study, Recherche sur la douleur, Research on pain, Gymnastique de délassement, Relaxation exercise, Physiothérapie, Physiotherapy

Numéro de projet IRSST

2010-0022

Numéro de publication IRSST

R-935

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