Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
2016
Langue
Français
Résumé
Les milieux industriels bruyants nuisent à l’audibilité des alarmes et avertisseurs sonores et compromettent donc la sécurité des travailleurs en présence de machineries en mouvement ou dangereuses.
Pourtant, dans plusieurs cas d’accident, les véhicules impliqués disposaient d'alarmes sonores de recul. On constate généralement que l’efficacité des alarmes sonores dépend de l’environnement sonore et qu’elles sont loin d’être infaillibles. La cause exacte est difficile à déterminer puisque la perception et la localisation sonores dans un environnement sonore complexe sont des phénomènes encore en grande partie mal connus et relativement peu étudiés. Même si des études de perception et de localisation des alarmes ont déjà été effectuées dans un contexte de santé et de sécurité du travail, ces études avec sujets humains sont difficiles à réaliser sur les sites de travail.
Cette étude avait comme objectif d’examiner la possibilité d'utiliser les méthodes actuelles de reproduction de champs sonores en vue de recréer, en laboratoire, des environnements sonores représentatifs d'environnements de travail, évitant de ce fait les problèmes multiples liés aux tests sur le terrain. La possibilité d'utiliser de telles techniques pour effectuer des essais avec sujets humains dans un futur rapproché est envisagée. Un exemple concret de tels essais serait l'étude de la localisation et de l'audibilité des alarmes de recul dans des environnements sonores simulés en condition contrôlée pour effectuer des études paramétriques détaillées avec des sujets humains.
Ce projet était divisé en deux grandes parties. Dans un premier temps, deux environnements sonores représentatifs (un intérieur et un extérieur) ont été mesurés avec une antenne de 85 microphones, afin de capter le paysage sonore, mais aussi la distribution spatiale du son pour bien reconstruire les directions d'arrivée de l'ensemble des sons qui forment l’environnement sonore. Deux sites ont été visités pour les captations : une carrière de chaux à ciel ouvert (Graymont, Bedford) et un atelier de fabrication et d’assemblage (Agrigratte, St Jacques). Sur chaque site, des environnements sonores mettant en présence plusieurs types de sources sonores ont été captés pour obtenir plusieurs heures d'enregistrement.
Dans un deuxième temps, en laboratoire cette fois, les environnements sonores ont été reproduits sur la base de différents algorithmes qui ont été comparés. Ces reproductions furent effectuées avec le système de la Wave Field Synthesis (WFS) du Groupe d’acoustique de l’Université de Sherbrooke (GAUS) qui est constitué de 96 haut-parleurs et de quatre caissons de grave. Ce système permet autant l’utilisation de techniques classiques de reproduction de champs sonores que le développement, comme ce fut le cas pour cette étude, de nouveaux algorithmes ou outils selon les besoins. Avant de réaliser les mesures et les évaluations physiques des environnements sonores reproduits en laboratoire, des simulations théoriques ont aussi été réalisées pour comparer les algorithmes, déterminer les meilleurs paramètres et visualiser les résultats pour trois cas simples : a) deux sources en champ libre, b) une source en mouvement, et c) un environnement diffus. Selon ces simulations, il a été observé que les deux meilleurs algorithmes sont : 1) les approches par problème inverse avec sources de reproduction sphériques et 2) le « lasso » avec sources de reproduction sphériques. Pour évaluer de façon objective la reproduction, différentes métriques ont été utilisées et rapportées dans ce rapport : spectres au microphone de référence, niveaux de pression acoustique à l'antenne de microphones, cartographies acoustiques spatiales en fonction du temps et, dans le cas des simulations, champs de pression sonore instantanés. Il a été démontré que les méthodes proposées sont capables de reproduire les environnements sonores mesurés avec une antenne de microphones. De plus, différentes démonstrations ont été réalisées pour écoute lors des visites du GAUS. Le but de ces démonstrations est de fournir des exemples propices à l'écoute pour illustrer en pratique tout le potentiel des technologies et méthodes testées dans un contexte d'étude en relation avec la perception sonore dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail.
Plusieurs conclusions émergent de cette étude. Premièrement, à l'heure actuelle, la mise en œuvre par méthode inverse avec sources de reproduction sphériques offre les meilleurs résultats en matière d'évaluation objective. Deuxièmement, cette approche, quoique physiquement correcte et valable, peut parfois donner une impression de diffusion excessive (sur la base d'écoutes informelles). L'algorithme du « lasso » a été testé pour potentiellement pallier ce problème en limitant simultanément le nombre de sources de reproduction actives. Malgré le fait que le « lasso » soit plus exigeant que l'approche par problème inverse en ce qui a trait aux ressources de calcul, plusieurs gains ont été observés : une grande capacité à resserrer l'image spatiale recréée et la possibilité de travailler avec moins de microphones pour la captation. L’algorithme du « lasso » pourrait grandement simplifier l'exercice de captations futures sur des sites souvent encombrés et fort achalandés.
La conclusion principale est que le système de la WFS du GAUS peut être utilisé pour la reproduction d'environnements sonores représentatifs des milieux de travail pour essais futurs avec sujets humains. Aussi, une des pistes de recherche pourrait être l’utilisation d’autres métriques physiques, ou psychophysiques, pour la réalisation de l’évaluation physique (sans sujet humain) de la qualité de reproduction ou pour la caractérisation des environnements cibles et reproduits. Ce sont des ouvertures pouvant conduire à des recherches technologiques futures. Les retombées de ce projet de recherche sont la création et la validation d’une plateforme de simulation acoustique des environnements sonores de travail qui est maintenant disponible pour la réalisation de vastes campagnes d’étude, avec sujets humains en différentes positions (debout, assis, en mouvement, et même avec plan d’écoute à différentes hauteurs), de perception et de localisation des alarmes et autres avertisseurs sonores, qui sont importants en matière de sécurité en milieu de travail. Il pourrait en émerger plusieurs conclusions et recommandations pratiques pour accroître la perceptibilité et la localisation de ces avertisseurs puisque des études avec paramètres d’environnement et de sources contrôlés pourront maintenant être réalisées de façon sécuritaire avec des travailleurs.
Abstract
Noisy industrial environments interfere with the audibility of alarms and other audible warning devices and thus compromise the safety of people working in the presence of moving or dangerous machinery.
In many cases where accidents have occurred, the vehicles involved had reverse alarms. Generally, the effectiveness of sound alarms depends on the sound environment, and they are far from infallible. The exact reasons are difficult to determine, because perception and localization of sound in a complex sound environment are phenomena that are, for the most part, little known and little studied. Although studies on perception and localization of alarms have been carried out in terms of occupational health and safety, it is difficult to do such research with human subjects on worksites.
The objective of this study was to examine the possibility of using current sound field reproduction methods to re-create sound environments in the laboratory that are representative of work environments, thus avoiding the many problems inherent in field tests. The use of such techniques to conduct trials with human subjects in the near future is under consideration. An example of such trials would be to study the localization and audibility of reverse alarms in simulated sound environments under controlled conditions, in order to carry out detailed parametric studies with human subjects.
The project was divided into two main parts. First, two representative sound environments (one indoors and one outdoors) were measured with an 85-microphone array, to record the soundscape and the spatial distribution of sound so as to reconstruct the arrival directions of all the sounds that make up the sound environment. To that end, two sites were visited: an open-pit chalk quarry (Graymont, Bedford) and a manufacture and assembly workshop (Agrigratte, St Jacques). At each site, sound environments with several types of sound sources were captured, which resulted in several hours of recordings.
Secondly, this time in the laboratory, sound environments were reproduced using various algorithms that were compared. These reproductions were done using the Wave Field Synthesis (WFS) system of the Groupe Acoustique de l’Université de Sherbrooke (GAUS), made up of 96 loudspeakers and 4 subwoofers. This system makes it possible to use classic techniques of sound field reproduction, and to develop (as was the case for this study) new algorithms or tools according to needs. Before performing the measurements and physical evaluations of the sound environments reproduced in the laboratory, theoretical simulations were also performed to compare the algorithms, to determine the best parameters and to visualize the results for three simple cases (a) two sources in free field; (b) one source in movement; and (c) a diffuse environment. These simulations showed that the two best algorithms were (1) inverse problem approaches with spherical reproduction sources, and (2) the LASSO method with spherical reproduction sources. To objectively assess the reproduction, various metrics were used and are described in this report: reference microphone spectra, acoustic pressure levels on the microphone array, spatial acoustic maps in time and, in the case of simulations, instantaneous sound pressure fields. It was proven that the proposed methods can reproduce the sound environments measured with the microphone array. Moreover, various demonstrations were carried out for listening during the GAUS visits. The goal of these demonstrations is to provide examples conducive to listening to illustrate, in practice, the full potential of the technologies and methods tested in the context of a study related to sound perception in the occupational health and safety field.
Several conclusions emerge from the study. Firstly, using the inverse method with spherical reproduction sources currently provides the best results with respect to objective assessment. Secondly, this approach, while physically correct and valuable, can sometimes give the impression of excessive diffusion (on the basis of informal listening). The LASSO algorithm was tested to potentially mitigate this problem by simultaneously limiting the number of active reproduction sources. Despite the fact that the LASSO is more demanding than the inverse problem approach in terms of calculation resources, a number of gains were observed: substantial capacity to tighten the re-created spatial imagery and the possibility of working with fewer microphones for recording. The LASSO algorithm could greatly simplify the exercise of future recordings on sites that are often congested and very busy.
The main finding is that the GAUS WFS system can be used to reproduce sound environments representative of the workplace for future trials using human subjects. One avenue of research could be to use other physical or psychophysical metrics, to carry out the physical assessment (without a human subject) of the reproduction quality or to characterize the targeted and reproduced environments. These are gateways that may lead to future technological research. This research project led to the creation and validation of an acoustic simulation platform for sound environments in the workplace. It is now available to carry out broad research campaigns dealing with the perception and localization of alarms and other audible warning devices, which are important for occupational safety in the workplace, using human subjects in various positions (standing, sitting, in movement, and even with the listening plane set at different heights). Many findings and practical recommendations may emerge to enhance perceptibility and localization of warning devices, because studies with controlled environmental parameters and sources can now be carried out safely with workers.
ISBN
9782896318940
Mots-clés
Signalisation acoustique, Acoustic signalling, Cause d'accident, Cause of accident, Bruyance, Noisiness, Bruit de fond, Background noise, Carte de bruits, Noise chart, Matériel de simulation, Simulation facility, Simulation, Évaluation du risque, Hazard evaluation
Numéro de projet IRSST
2014-0035
Numéro de publication IRSST
R-937
Citation recommandée
Berry, A., Gauthier, P.-A., Nélisse, H. et Sgard, F. (2016). Reproduction d'environnements sonores industriels en vue d’applications aux études d’audibilité des alarmes et autres signaux : preuve de concept (Rapport n° R-937). IRSST.