Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2016

Langue

Français

Résumé

De plus en plus d’évidences scientifiques montrent que les risques psychosociaux (RPS), tels une demande psychologique élevée, une faible latitude décisionnelle, un faible soutien social et un déséquilibre entre les efforts et la reconnaissance reçue au travail, contribuent au développement de problèmes de santé psychologique, de troubles musculosquelettiques de même que de maladies cardiovasculaires. Ces atteintes à la santé figurent parmi les principales causes d’absence du travail pour maladie. La littérature sur les interventions préventives en santé psychologique concerne principalement les interventions visant à modifier certaines caractéristiques individuelles (par exemple les habitudes de vie des travailleurs) plutôt que des caractéristiques organisationnelles (par exemple les conditions et l’organisation du travail). Les interventions organisationnelles sont complexes et comprennent de multiples activités touchant simultanément plusieurs risques psychosociaux. Même si plusieurs études montrent la pertinence de ces interventions pour améliorer la santé psychologique au travail, très peu d’entre elles ont tenté de comprendre les facteurs facilitant ou entravant la mise en œuvre de telles interventions. Par ailleurs, les gestionnaires jouent un rôle clé dans l’implantation d’interventions préventives en milieu de travail.

Dans ce contexte, l’objectif général de la présente étude consiste à identifier les conditions facilitant ou limitant l’appropriation de démarches préventives en santé psychologique au travail par les gestionnaires. Plus spécifiquement, elle vise à :

  1. Documenter les démarches existantes en santé psychologique au travail.
  2. Fournir aux gestionnaires des outils de gestion des risques psychosociaux (p. ex. : guides, exemples de bonnes pratiques) en soutien à la démarche en santé psychologique en cours dans leur organisation.
  3. Établir des éléments facilitant et entravant a) les démarches organisationnelles en santé psychologique; b) l’adoption de pratiques de gestion favorisant la santé psychologique.

Quatre organisations engagées dans une démarche de prévention en santé psychologique au travail ont participé à cette étude longitudinale et 73 gestionnaires ont assisté à la séance d’information sur les outils de gestion des risques psychosociaux. Un devis de recherche mixte a été utilisé. Pour documenter les facteurs facilitant et entravant l’appropriation des démarches organisationnelles en santé psychologique, des entrevues individuelles (N = 25) avec des gestionnaires et intervenants clés ont été réalisées. Pour évaluer les facteurs influençant l’adoption de pratiques de gestion favorisant la santé psychologique par les gestionnaires, deux mesures par questionnaires ont été administrées à trois mois d’intervalle (N = 144 au Temps 1; N = 166 au Temps 2, N = 118 aux deux temps).

En ce qui a trait aux facteurs facilitant et entravant les démarches organisationnelles en santé psychologique, les entrevues individuelles ont fait ressortir des facteurs en lien avec le contexte, le processus et le contenu des interventions. Parmi les éléments du contexte organisationnel, l’engagement de la direction dans la démarche est le facteur facilitant le plus rapporté par les participants. L’intégration de la démarche à la planification stratégique et une bonne stratégie de communication pour faire la promotion de la démarche sont aussi considérées comme des éléments facilitant la démarche. Par contre, le manque de proximité des travailleurs, les relations tendues entre les membres engagés dans la démarche et la complexité des démarches sont des facteurs entravants. Sur le plan du processus d’intervention, les ressources internes (ressources humaines et comité intersites) et externes (sources diverses spécialisées) sont considérées comme des éléments primordiaux pour accompagner l’organisation dans la démarche préventive. Cette expertise est d’autant plus nécessaire que les participants eux-mêmes soulignent la complexité et parfois le manque d’appropriation de la démarche. L’engagement des acteurs en présence, soit les gestionnaires, les employés et les syndicats, ressort comme un facteur d’importance qui facilite la démarche, en plus de la nécessité de choisir une personne ressource pour la démarche. Enfin, pour le contenu de l’intervention, on questionne parfois la pertinence et la valeur des activités implantées. Le principal obstacle rencontré en terme d’appropriation du contenu concerne le manque d’outils à fournir aux gestionnaires pour qu’ils puissent intervenir. Les gestionnaires ayant complété l’une ou l’autre des deux mesures par questionnaires ont souligné ce qui pourrait les aider à adopter des pratiques de gestion qui favorisent la santé des personnes. Les besoins les plus fréquemment cités sont : la formation et le coaching, le soutien social (par exemple par le biais d’un programme d’aide aux gestionnaires et des groupes de codéveloppement) et leur besoin de ressources humaines (notamment l’accès à un consultant externe).

La séance d’information sur les outils de gestion des RPS offerte par les chercheurs aux 73 gestionnaires avait pour but de mettre en lumière des opportunités d’intervention. À la suite de cette séance, 63 % des gestionnaires adoptent de nouvelles pratiques de gestion des RPS qui sont généralement en lien avec la communication, la formation et la reconnaissance. Parmi ceux ayant adopté une nouvelle pratique de gestion des RPS, 85,7 % ont noté des répercussions positives dans leur équipe, mais 34,5 % ont rencontré des difficultés dans l’implantation de cette nouvelle pratique. En plus de ces nouvelles pratiques, les gestionnaires ayant rempli les questionnaires étaient sondés sur leurs pratiques habituelles de gestion favorisant la santé psychologique. Les gestionnaires qui adoptent davantage de pratiques de gestion favorisant la santé psychologique perçoivent :

  1. que leur organisation accorde une priorité élevée à la santé psychologique;
  2. qu’ils ont davantage de latitude décisionnelle;
  3. qu’ils ont de meilleures relations avec leurs subordonnés;
  4. qu’ils ont moins de détresse psychologique;
  5. que les hommes et les gestionnaires plus âgés ont davantage tendance à adopter des pratiques de gestion favorisant la santé psychologique des employés.

Au plan théorique, cette étude contribue à l’avancement des connaissances sur les modèles d’évaluation d’interventions organisationnelles en prévention des problèmes de santé psychologique au travail. Ce champ de recherche récent est en pleine croissance et cette étude permet de mieux comprendre comment les interventions peuvent être implantées par l’action des gestionnaires. Au plan pratique, en plus d’avoir permis la recension de 25 outils de gestion des RPS, l’étude a permis l’identification d’éléments facilitant et entravant la mise en œuvre d’interventions par les gestionnaires, ce qui permet, le cas échéant, de rectifier le processus d’intervention de manière à prévenir de façon précoce les embûches.

Abstract

There is increasing scientific evidence that psychosocial risk (PSR) factors, such as high psychological demands, low decisional latitude, weak social support and an imbalance between effort and recognition received at work contribute to the development of mental health problems, musculoskeletal disorders, and cardiovascular disease. These health problems are among the main causes of absence from work due to illness. The literature on preventive actions regarding mental health focuses mainly on measures to change certain individual characteristics (such as workers’ lifestyles), instead of organizational characteristics (for example, employment conditions and organization). Organizational interventions are complex and include multiple activities that simultaneously affect many psychosocial risk factors. Although a number of studies have shown that such measures can effectively improve mental health in the workplace, very few of them have attempted to delve into the factors that may help or hinder their implementation. Managers play a key role in the establishment of preventive measures in the workplace.

In that context, the general objective of this study is to identify the conditions that facilitate or limit the adoption of preventive approaches to mental health in the workplace by managers. More specifically, the study aims to

  1. document the existing approaches to mental health at work.
  2. provide managers with tools to deal with psychosocial risks (e.g., guides, examples of best practices) that will support the approach aimed at improving mental health in their organization.
  3. discover which factors help or hinder (a) organizational measures to improve mental health; (b) the adoption of management practices to further good mental health.

Four organizations engaged in a prevention process in terms of mental health in the workplace participated in this longitudinal study, and 73 managers attended the information session on tools to manage psychosocial risks. A mixed methods research design was used. To document the factors helping or hindering the adoption of organizational approaches to mental health, individual interviews (N = 25) with managers and key stakeholders were carried out. To assess the factors influencing managers’ adoption of management practices to further good mental health, two measurements by questionnaire were administered at three-month intervals (N = 144 in period 1; N = 166 in period 2, N = 118 during both periods).

In terms of factors helping or hindering organizational approaches to mental health, the individual interviews highlighted those related to the context, the process and the content of the interventions. With respect to organizational context, management commitment to the approach is the helping factor most often reported by the participants. The integration of the approach into strategic planning and a good communication strategy to promote it are also considered as helpful factors. On the other hand, the geographical distances separating workers, strained relationships among stakeholders engaged in the process and the complexity of the approach are hindering factors.

With respect to the process, internal (human resources and inter-site committee) and external (a range of specialized sources) resources are considered to be critical in assisting the organization with a preventive approach. Their expertise is especially necessary given the complexity of the approach, and, sometimes, its lack of adoption, which the participants themselves point out. The commitment of the stakeholders (i.e., the managers, employees and unions) appears to be an important factor in helping the approach, in addition to the need to choose a resource person for it. Finally, in terms of the content, the relevance and value of the activities implemented are sometimes questioned. The principal obstacle found in terms of adoption of content concerns the lack of tools provided to managers so that they can act. Those managers who had completed one or both measurements by questionnaire indicated the elements that could help them adopt management practices that would support good health. The needs most frequently mentioned are training and coaching, social support (such as a program to help managers and co-development groups), and human resources (in particular, access to an external consultant).

The information session on PSR management tools offered by the researchers to 73 managers was aimed at highlighting opportunities for intervention. After the session, 63% of the managers adopted new PSR management practices, generally related to communication, training and recognition. Among those who adopted a new PSR management practice, 85.7% noted positive repercussions in their teams, but 34.5% experienced difficulties in implementing this new practice. In addition to these new practices, the managers who filled out the questionnaires were surveyed about their regular management practices to foster mental health. The managers who adopt more management practices conducive to good mental health perceive that

  1. their organization makes mental health a high priority;
  2. they have more decisional latitude;
  3. they have better relationships with their subordinates;
  4. they experience less psychological distress;
  5. men and older managers have a greater tendency to adopt management practices that further their employees’ mental health.

On a theoretical level, this study contributes to advancing knowledge about models that assess organizational actions to prevent mental health problems in the workplace. This recent field of research is growing and the study gives us a better understanding of how these actions can be implemented by managers. On a practical level, in addition to its review of 25 PSR management tools, the study identifies factors that help or hinder interventions by managers, which, in some cases, helps them adjust the process to prevent pitfalls at an earlier stage.

ISBN

9782896318742

Mots-clés

Santé mentale, Mental health, Aspect psychosocial, Psychosocial aspect, Organisation de la prévention dans l'entreprise, Plant safety and health organisation, Rôle des cadres, Role of supervisory staff, Étude longitudinale, Longitudinal study, Enquête par questionnaire, Questionnaire survey, Enquête par entrevue, Interview survey, Questionnaire, Québec

Numéro de projet IRSST

2010-0040

Numéro de publication IRSST

R-921

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