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Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2016

Langue

Français

Résumé

L’exposition aux fibres aéroportées en milieu de travail est mesurée à l’aide d’une technique de numération par microscopie optique à contraste de phase. La numération des fibres comporte un biais et une très grande variabilité qui peuvent être limités par de bonnes pratiques de contrôle de la qualité. Conformément aux exigences des méthodes officielles, québécoise et internationales, les laboratoires (ou les compteurs) effectuant de telles analyses doivent participer à un programme de contrôle de la qualité interlaboratoires sur des échantillons représentatifs de leurs activités afin d’évaluer le degré de fiabilité de leurs résultats.

Le présent rapport propose un bilan du programme de contrôle de la qualité de l’IRSST, de 1992 à 2011, élaboré à partir d’échantillons prélevés dans différents secteurs d’activité québécois (textile, mines, chantiers d’enlèvement de matériaux contenant de l’amiante, freins et démantèlement de fours industriels) et contenant des fibres minérales artificielles (FMA) et de l'amiante (amosite ou chrysotile ou en mixité - chrysotile + FMA ; chrysotile + gypse fibreux).

L’objectif principal de cette activité de recherche était de faire le bilan du programme de contrôle de la qualité de la numération de fibres de l’IRSST par l’exploitation de la base de données générée de 1992 à 2011. Pour ce faire, l’objectif spécifique a été de mettre en évidence, par une analyse longitudinale, les différents déterminants reliés aux échantillons et aux compteurs, pouvant contribuer à la précision et à la variabilité de la numération des fibres.

Une banque de lames, constituée à partir de 132 échantillons, a circulé auprès de 660 participants, dont 52 compteurs de référence, tout au long des 79 rondes couvertes par ce bilan. Les 32 777 résultats générés ont été consignés dans une base de données qui a permis de relier les caractéristiques des échantillons (secteur d’activité, type de fibres, mixité de fibres et densité de fibres) et les caractéristiques des compteurs (statut – référence (R) ou non-référence (NR), affiliation, expérience et participation). Des requêtes spécifiques et des analyses croisées par combinaison des caractéristiques liées aux échantillons et aux compteurs ont permis d’étudier l’influence de différents déterminants et d’en vérifier la signification statistique, à l’aide d’une analyse de variance.

Les compteurs R obtiennent un coefficient de variation (CV) moyen de 17 %, deux fois moins élevé que celui des compteurs NR (35 %), toutes variables confondues. La justesse moyenne, obtenue en divisant les résultats des compteurs NR par leur valeur cible (résultats des compteurs R), est de 1,06 (indiquant une surestimation de 6 %).

De tous les paramètres ayant un effet statistiquement significatif (p < 0,001) sur la justesse des résultats de numération de fibres, le type de fibres est le plus déterminant suivi du secteur d’activité, de la densité de fibres et finalement de l’affiliation du compteur.

Ainsi, pour tous les types de fibres, le CV des compteurs R est constant (< 20 %), à l’exception du mélange chrysotile + gypse fibreux (22 %). Pour les compteurs NR, le CV varie de 27 à 40 % selon : amosite < FMA < chrysotile + FMA < chrysotile < chrysotile + gypse fibreux. Les biais les plus importants sont observés pour les échantillons contenant seulement du chrysotile (-18 à +12 %) ou en mixité avec gypse fibreux (+15 %), alors que les résultats sont plus justes lorsqu’il s’agit de fibres d’amosite (1 %). Les compteurs ont généralement une moins bonne performance avec des échantillons contenant du chrysotile. En effet, les fibres de chrysotile sont fines, courbées et moins visibles sous le microscope optique que les fibres d’amosite ou les FMA.

Pour les différents secteurs d’activité, la variabilité (ou CV) des compteurs R demeure relativement stable (16 à 19 %) tandis que celle des compteurs NR augmente de 30 à 59 % selon : textile < freins < enlèvement < mines < démantèlement. Un biais positif moyen de 2 à 12 % est observé selon les secteurs : freins < textile ≈ enlèvement < démantèlement < mines. Le textile représente donc le secteur d’activité dont le niveau de difficulté d’analyse est le plus faible. Les échantillons provenant du secteur du textile sont composés majoritairement de fibres et contiennent peu de particules interférentes.

La variabilité et la justesse des numérations sont également influencées par la charge ou la densité de fibres. Le CV est plus élevé pour les échantillons de faible densité (39 %) que pour ceux de densité élevée (25 %). La justesse est meilleure pour les échantillons de densité élevée ( 3 %) que pour ceux de faible densité (+ 13 %). Il s’agit d’un phénomène connu : les compteurs ont tendance à surestimer le nombre de fibres dans un échantillon peu chargé tandis que les résultats sont sous-estimés lorsque la densité est plus élevée.

Lorsque les résultats de deux déterminants significatifs sont combinés, le type de fibres et le secteur d’activité, le facteur type de fibres est toujours prépondérant. La combinaison enlèvement-chrysotile seule présente la plus grande difficulté d’analyse tant sur le plan de la variabilité que celui de la justesse.

L’expérience des compteurs en lien avec leur affiliation semble avoir un effet sur la variabilité et la justesse des résultats. Ainsi, les compteurs des firmes privées (consultants), qui représentent 93,3 % de tous les participants, ont généré des CV plus élevés pour tous les types de fibres et tous les secteurs d’activité. Or, un taux d’embauche élevé a été observé tout au long du programme pour ce groupe, générant ainsi un nombre important de compteurs inexpérimentés, ce qui pourrait expliquer la variabilité croissante des résultats. En effet, plus de 71 % de tous les compteurs n’avaient pas d’expérience au moment de leur première participation. Même si la variabilité des compteurs NR augmente légèrement dans le temps, probablement en raison de la moins bonne performance des nouveaux compteurs, une amélioration de la justesse est observée avec l’expérience effective.

Les taux de réussite du programme de l’IRSST (95,1 %) et du programme britannique AFRICA (90-95 %) sont similaires, alors que ceux des programmes espagnol (85-87 %), belge (81 %) et français (85 %) sont moins élevés. Les conditions contribuant à une meilleure performance sont liées au type de fibres (FMA et amosite), au secteur d’activité (textile) et à la densité (> 800 f/mm²).

La variabilité élevée de la numération des fibres témoigne de la nécessité de participer à un programme interlaboratoires afin d’améliorer la performance d’une telle technique d’analyse. La faible performance des compteurs moins expérimentés souligne le besoin de formation supplémentaire. Considérant l’influence significative des variables reliées aux échantillons (type de fibres, secteur d’activité et densité de fibres), le maintien d’une banque d’échantillons variés, représentatifs des milieux de travail, est fortement suggéré dans la continuité du programme de contrôle de la qualité de la numération des fibres de l’IRSST.

Abstract

Exposure to airborne fibres in the workplace is measured using a counting technique based on phase-contrast optical microscopy. Fibre counting has a bias and is extremely variable, but these can be controlled by good quality control practices. In accordance with the requirements of official methods that have been established both in Quebec and internationally, laboratories (or counters) performing this type of analysis must, for the purposes of assessing the reliability of their results, participate in an inter-laboratory quality control program using samples that are representative of their activities.

This report provides an assessment of the IRSST Quality Control Program from 1992 to 2011. The program was developed from samples taken in various Quebec industrial sectors (textile; mining; sites for removing materials containing asbestos; brakes and the dismantling of industrial furnaces) and containing artificial mineral fibres (AMF) and asbestos (amosite or chrysotile or mixed fibres, i.e., chrysotile + AMF; chrysotile + fibrous gypsum).

The principal objective of the research was to review the IRSST Quality Control Program for Fibre Counting by making use of the database generated from 1992 to 2011. To this end, the specific objective was to identify, through longitudinal analysis, the various determinants associated with the samples and counters affecting the accuracy and variability of the fibre counting.

A slide bank, consisting of 132 samples, was circulated among 660 participants, including 52 reference counters, during the 79 rounds covered by the review. The 32,777 results generated were recorded in a database that facilitated linking the sample characteristics (industry, fibre type, fibre mix and fibre density) and the counter characteristics (status -- reference (R) or non-reference (NR); affiliation; experience; and involvement). Specific requests and cross analyses, achieved by combining characteristics relating to the samples and the counters, were used to investigate the influence of various determinants and to verify their statistical significance using analysis of variance.

The R counters obtained an average coefficient of variation (CV) of 17%, two times less than that obtained by the NR counters (35%), and this across all variables. The mean accuracy, obtained by dividing the results of the NR counters by their target value (results of the R counters) was 1.06 (indicating an overestimation of 6%).

Of all parameters having a statistically significant effect (p <0.001) on the accuracy of the results of fibre counting, fibre type was the most determining parameter, followed by industrial sector, fibre density and, lastly, counter affiliation.

Thus, for all fibre types, the CV of the R counters was constant (<20%), with the exception of the chrysotile + fibrous gypsum mixture (22%). For the NR counters, the CV ranged from 27 to 40% as follows: amosite < AMF < chrysotile + AMF < chrysotile < chrysotile + fibrous gypsum. The most significant biases were observed in samples containing only chrysotile (-18 to 12%) or in a mixture with fibrous gypsum (+ 15%), whereas the results were more accurate in the case of amosite fibres (1%). The counters generally had poorer performance with samples containing chrysotile. In fact, the chrysotile fibres were fine, curved and less visible under the optical microscope than were the amosite or AMF fibres.

Across the various industrial sectors, the variability (or CV) of the R counters remained relatively stable (16 to19%) while that of NR counters increased from 30 to 59%, as follows: textiles < brakes < removal < mines < dismantling. An average positive bias of 2 to 12% was observed depending on the sector involved: brakes < textiles ≈ removal < dismantling < mines. The textile sector is therefore the industry with the lowest level of difficulty of analysis. Samples from the textile sector were composed primarily of fibres and contained few interfering particles.

The variability and accuracy of the counts were also influenced by fibre density or load. The CV was higher for samples of low density (39%) than it was for those of high density (25%). The accuracy was greater for samples of high density (- 3%) than it was for those of low density (+ 13%). This is a known phenomenon: the counters tend to overestimate the number of fibres in a sample that is only lightly loaded, while the results are underestimated when the density is higher.

When the results of two significant determinants, fibre type and industry, were combined, the fibre type factor was always preponderant. Only the removal-chrysotile combination exhibited the greatest difficulty for analysis, in terms of variability and accuracy.

The counters’ experience in terms of their affiliation appears to have an impact on the variability and accuracy of the results. Thus, the counters from private firms (consultants), who accounted for 93.3% of all participants, resulted in a higher CV for all types of fibres and industries. However, a high hiring rate was observed for this group throughout the program, and this generated a significant number of inexperienced counters, something that might explain the increasing variability of the results. In fact, over 71% of all the counters had no experience at the time of their first involvement. Although the variability of the NR counters increased slightly over time, probably due to the poorer performance of the new counters, an improvement in accuracy was observed once these counters had gained actual experience.

The success rates of the IRSST program (95.1%) and the British program, AFRICA (90-95%), were similar, while those of the Spanish (85-87%), Belgian (81%) and French (85%) programs were lower. The conditions contributing to better performance were related to fibre type (MFA or amosite), industrial sector (textile) and density (> 800 f / mm2).

The high degree of variability in fibre counting reveals the need to participate in an inter-laboratory (or collaborative) program to improve the performance of this type of technique of analysis. The poor performance of less experienced counters highlights the need for additional training. Given the significant influence of the variables linked to samples (fibre type, industrial sector and fibre density), maintaining a bank of diverse samples that are representative of various work environments is strongly recommended in the continuation of the IRSST Quality Control Program for Fibre Counting.

ISBN

9782896318896

Mots-clés

Numération des fibres, Fibre count, Contrôle de la qualité, Quality control, Fibre minérale artificielle, Man-made mineral fiber, Méta-analyse, Meta-analysis, Microscopie à contraste de phase, Phase-contrast microscopy, Échantillonnage et analyse, Sampling and analysis, Étude longitudinale, Longitudinal study, Évaluation des résultats, Evaluation of results, Base de données, Data base, Recommantation, Directive, Statistiques, Statistics, Québec

Numéro de projet IRSST

2013-0066

Numéro de publication IRSST

R-930

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