Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
2016
Langue
Français
Résumé
Les blessures musculosquelettiques, et plus particulièrement les affections vertébrales, constituent le premier facteur responsable des incapacités fonctionnelles au Québec. Ce type de blessures ou de condition musculosquelettique réduit de façon importante l’espérance de vie en bonne santé des travailleurs, dont ceux qui sont plus âgés. Avec le vieillissement attendu de la main-d’œuvre québécoise, il est primordial d’améliorer les interventions cliniques dans ce secteur de la santé et de s’attarder aux travailleurs qui seront éventuellement appelés à prolonger la durée de leur participation active sur le marché du travail dans les prochaines décennies.
Au-delà de la simple lésion, les blessures, dysfonctions et pathologies musculosquelettiques entraînent aussi, sur le plan individuel, des conséquences psychologiques importantes. Sur le plan sociétal, la gestion de ce type d’affections entraîne d’importants coûts socio-économiques. La société occidentale qui a vu, au cours des dernières décennies, une augmentation de la disponibilité des services et de l’accessibilité aux soins de santé, a aussi parallèlement connu une explosion du nombre de consultations pour les affections musculosquelettiques. Parmi ce type d’affections, l’une d’entre elles semble s’être démarquée par sa prévalence et son incidence élevées, sa complexité et les dépenses importantes qui y sont associées. Les douleurs lombaires constituent désormais le second motif de consultation médicale, et la principale blessure d’ordre musculosquelettique. De fait, dans les sociétés industrialisées, la prévalence à vie des lombalgies varie entre 70 % et 85 %, tandis que la prévalence annualisée oscille entre 15 % et 45 %. Considérant cette réalité et son impact important au sein des populations actives de travailleurs, l’équipe a tenté, par l’entremise d’une étude de cohorte longitudinale, de déterminer les facteurs cliniques, psychologiques et physiques qui expliquent l’apparition et le développement de l’incapacité associée aux affections qui présentent un historique de douleurs lombaires. L’objectif principal de l’étude consistait à déterminer si la douleur initiale, les facteurs psychologiques qui lui sont associés, les capacités motrices en présence de douleur et les mécanismes de modulation de la douleur jouent un rôle dans l’évolution des incapacités fonctionnelles et l’absentéisme associés à la lombalgie chez un groupe de travailleurs ayant connu au moins un récent épisode significatif de lombalgies.
Dans le cadre de cette étude, 100 travailleurs présentant une histoire de lombalgie non spécifique ont été recrutés. Tous ces travailleurs ont participé, sur une période d’environ 15 mois, à trois évaluations en laboratoire au cours desquelles différents paramètres physiologiques (activité musculaire, patrons de mouvement et profil de sensibilité à la douleur) ont été appréciés. Les participants devaient aussi prendre part à une évaluation clinique, au cours de laquelle l’évolution de la douleur clinique, les incapacités fonctionnelles et différents facteurs psychologiques associés à la douleur ont été évalués. Ces mesures ont permis à l’équipe de recherche d’établir les facteurs qui permettaient de prédire l’incapacité et l’absentéisme associés aux douleurs lombaires à court (au moment de l’évaluation initiale), moyen (7 mois) et long (15 mois) termes.
Les résultats de notre étude montrent que les travailleurs qui y ont participé présentaient des niveaux de douleur et d’incapacité légers au moment de leur inclusion dans ce projet, et ce, bien qu’ils aient tous rapporté des épisodes de lombalgie au cours des dernières années. Parmi les facteurs associés à l’incapacité et à l’absentéisme des travailleurs, les variables cliniques couramment utilisées en milieu pratique (évaluation de la douleur actuelle) ainsi que plusieurs états psychologiques mesurés par questionnaires semblent les plus efficaces à prédire le statut fonctionnel des travailleurs à court, moyen et long termes. Les capacités motrices en présence de douleur et les mécanismes de modulation de celle-ci n’ont pas permis pas de prédire, au sein de notre échantillon de travailleur, le statut clinique des travailleurs atteints de lombalgie.
Ces résultats nous amènent à penser que la prise en charge des travailleurs atteints de lombalgie et d’incapacités associées devrait se faire dans une perspective globale qui comprend l’historique, la nature des épisodes passés et les facteurs psychologiques des douleurs lombaires. Les épisodes douloureux ne devraient donc pas être considérés et traités comme des phénomènes isolés. Par conséquent, les outils d’évaluation et de suivi des travailleurs atteints de lombalgie devraient comprendre des outils qui prennent en compte l’évaluation de l’incapacité et de la douleur, mais aussi des facteurs psychologiques qui influencent l’évolution de la condition.
Abstract
Musculoskeletal injuries, especially those affecting the spine, are the primary factor responsible for functional disabilities in Québec. These musculoskeletal injuries or conditions significantly reduce workers’ chances of living in good health, particularly older workers. With the aging of Québec’s labour force, it is essential that clinical interventions in this sector of healthcare be improved, especially for workers who will eventually be required to prolong their active participation in the labour market over the coming decades.
Beyond the injury itself, musculoskeletal dysfunction and pathologies have considerable psychological consequences for the individual. With respect to society in general, the management of this type of health problem brings with it substantial socioeconomic costs. Over the past decades, Western society has witnessed an increase in the availability of services in and accessibility to healthcare, and, concurrently, an explosion in the number of consultations for musculoskeletal ailments. One ailment stands out from the rest because of its frequent occurrence, complexity and the high expenses involved with it. Low back pain is now the second reason that people see doctors and is the most common musculoskeletal injury. In industrialized societies, the lifetime prevalence of low back pain varies between 70% and 85%, while its annualized prevalence oscillates between 15% and 45%. Given this reality and its significant impact on active working populations, using a longitudinal cohort study, the team attempted to determine the clinical, psychological and physical factors that explain the appearance and development of disabilities related to a history of low back pain. The principal objective of the study consisted of determining whether the initial pain, the attendant psychological factors, motor skills in the presence of pain and pain modulation mechanisms play a role in the progression of the functional disabilities and absenteeism associated with low back pain in a group of workers who had experienced at least one recent and major episode of low back pain.
In the scope of this study, 100 workers with a history of nonspecific low back pain were recruited. Over approximately 15 months, these workers underwent three laboratory evaluations in which various physiological parameters (muscular activity, movement patterns and profile of sensitivity to pain) were measured. The participants also took part in a clinical assessment, in which the progression of the clinical pain, functional disabilities and other psychological factors associated with pain were evaluated. These measures enabled the research team to establish which factors could predict disability or absenteeism associated with low back pain in the short (at the time of the initial assessment), medium (seven months) and long (15 months) term.
Our study’s findings reveal that the workers who participated presented with slight levels of pain and disability at the time they were included in the project, although they had all reported episodes of low back pain over the past years. Among the factors associated with workers’ disability and absenteeism, the clinical variables commonly used in the practice environment (assessment of current pain level) and several psychological states measured by questionnaire appear to be the most effective in predicting the functional status of workers in the short, medium and long-term. Motor abilities in the presence of pain and pain modulation mechanisms did not enable us to predict the clinical status of workers suffering low back pain within our worker sample.
The findings lead us to believe that a holistic perspective should govern the care of workers suffering from low back pain and the disabilities related to it, one that includes a history, the nature of the past episodes and the psychological factors involved in lumbar pain. The painful episodes should therefore not be considered and treated as isolated phenomena. Accordingly, in addition to measures to evaluate the disability and pain, assessment and monitoring tools for workers suffering low back pain should also include an assessment of the psychological factors that influence the condition’s progression.
ISBN
9782896319885
Mots-clés
Maux de dos, Backache, Évolution de la maladie, Evolution of disease, Absentéisme maladie, Sickness absenteeism, Douleur, Pain, Activité motrice, Motor activity, Research on pain, Étude longitudinale, Longitudinal study, Traitement médical, Medical treatment, Aspect psychologique, Psychological aspect, Observation de longue durée, Long-term study, Enquête par questionnaire, Questionnaire survey, Détermination expérimentale, Experimental determination
Numéro de projet IRSST
2012-0002
Numéro de publication IRSST
R-939
Citation recommandée
Descarreaux, M., Cantin, V., Piché, M., Dubois, J.-D., Lardon, A. et Pagé, I. (2016). Déterminants cliniques et neuromécaniques du développement de l'incapacité lombaire chez les travailleurs (Rapport n° R-939). IRSST.