Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2016

Langue

Français

Résumé

La pose de revêtement de sol se divise en différentes spécialités : céramique, bois et revêtement souple. C’est ce dernier secteur qui nous intéresse, soit la pose de tapis (accrochés ou collés; en rouleau, en tuiles) ou de matériaux résilients (linoléum, vinyle, caoutchouc, gazon synthétique, etc.). Le métier de poseur de revêtement de sol est exigeant sur le plan physique (manutention de rouleaux très lourds, travail à genou prolongé, épandage de colle sur de grandes surfaces), mais aussi en matière de savoir-faire à développer. La pose exige de la précision, entre autres, pour ajuster les motifs et effectuer les raccords. Avec les matériaux résilients, le moindre petit défaut se voit. Présentement, un jeune qui complète son diplôme d’étude professionnelle de poseur débutera comme apprenti; il pourra obtenir le plein statut de compagnon après avoir accompli trois périodes de 2 000 heures dûment déclarées (depuis 2014). Les conditions de travail peuvent aussi être difficiles : chaleur, aires de circulations déficientes, contraintes de temps de fin de chantier, etc. Le milieu éprouve actuellement de la difficulté à recruter de la main-d’oeuvre et il s’inquiète du maintien en activité de ses poseurs vieillissants. Présentement, il y aurait 1 200 à 1 600 travailleurs dont la pose est l’activité principale. Ils travaillent essentiellement au sein de très petites entreprises. Intervenir dans un tel contexte représente un grand défi en SST, car les outils et approches sont le plus souvent développés dans le cadre de grandes et moyennes entreprises. On parle donc d’un milieu dispersé qui dispose de peu de ressources, au sein duquel une multitude d’interlocuteurs-organisations s’entrecroisent (fabricants, détaillants, responsables de chantiers, représentants de la Commission de la construction du Québec, enseignants et intervenants des commissions scolaires, etc.), dont le travail est varié, se transforme rapidement et où les risques de développer des problèmes musculosquelettiques aux genoux, au dos, aux épaules, aux mains, aux poignets et aux chevilles sont réputés élevés. Par contre, le milieu peut compter sur des éléments fédérateurs, comme la Fédération québécoise des revêtements de sol (FQRS) et le GROUPE Agr, mutuelle de prévention.

Sur le plan des solutions, de multiples pistes peuvent être explorées, que ce soit en matière d’amélioration des équipements ou des outils utilisés, d’organisation du travail et du métier, d’élaboration de méthodes de travail alternatives pour favoriser le travail debout, etc. Un premier enjeu a donc été d’identifier les solutions sur lesquelles travailler, qui seraient techniquement accessibles, implantables (ex. : acceptables et utilisables) et offriraient un bon potentiel d’impact. Pour ce faire, nous avons répertorié des solutions existantes ou proposées (ex. : brevetées) et les avons soumises à un premier groupe de 15 poseurs pour leur demander ce qu’ils en pensaient, si cela valait la peine d’y travailler et s’ils voulaient s’impliquer. Nous avons aussi dressé une liste de situations et de problèmes et demandé lesquels mériteraient d’être résolus en priorité au regard de leur impact sur la SST. Ces poseurs ont été identifiés et réunis par la conseillère de la mutuelle de prévention qui oeuvre dans ce milieu depuis 20 ans. Les poseurs disposaient d’une feuille de réponse, mais ce sont les explications données verbalement qui se sont avérées particulièrement précieuses. Par exemple, nous leur avons montré une truelle montée sur bâton télescopique qui favorisait le travail en position debout : les plus vieux poseurs ont signalé que ces bâtons avaient déjà été essayés il y a 25 ans, mais que la précision et la qualité obtenues ne pouvaient pas convenir à la pose de revêtements résilients. À la suite de cette rencontre, nous avons déterminé trois groupes de solutions à développer, et formé trois équipes de travail.

La première équipe s’est attaquée au problème de la manutention des rouleaux en explorant la possibilité de concevoir un chariot multifonctionnel qui diminuerait le nombre des opérations de transfert des rouleaux et faciliterait leur manutention et leur déroulement. En effet, les chariots actuels ne sont pas conçus pour ce type de travail. D’une rencontre à l’autre, les poseurs ont distingué une multitude d’éléments à prendre en compte, pour faciliter le travail, mais aussi pour éviter d’endommager le matériel de revêtement. Par exemple, ils voulaient des dérouleurs à quatre rouleaux plutôt qu’à trois pour assurer leur stabilité lors de leur déroulement, une palette avec deux ou trois degrés d’inclinaison pour éviter le frottement du bord du rouleau, des pneus qui ne ramassent pas les saletés et qui ne laissent pas de marques sur les revêtements (pas de bandage plat ni de gomme trop molle ou trop dure). Les poseurs souhaitaient un chariot multifonctionnel pour qu’un seul équipement puisse répondre à l’ensemble de leurs besoins. La solution développée a obtenu leur aval et le prototype, en cours de construction, sera testé. Ce prototype permettra de vérifier si l’ensemble du concept est fonctionnel avant de le raffiner et de travailler sur des aspects aussi importants comme le poids final et le coût de fabrication.

La seconde équipe s’est penchée sur les équipements qui permettraient de réduire la pénibilité du travail à genou. L’équipe a commencé avec le bâton télescopique pour voir si l'on pouvait trouver des solutions aux problèmes mentionnés. La réponse a été : pas pour l’instant. L’essai d’un appui-cuisse commandé des États-Unis n’a pas non plus été concluant. Les poseurs l’ont trouvé très inconfortable et inadapté à leur travail. Lors de cette rencontre, les poseurs avaient apporté des équipements qu’ils avaient parfois transformés : à travers leurs commentaires et réflexions, l’équipe a réalisé que la conception d’un appui-cuisse mieux adapté recèlerait un potentiel intéressant, de même qu’une surface sur coussin d’air plutôt que sur roulettes. Le travail a d’abord consisté à développer des concepts et des idées, pour les tester rapidement auprès de poseurs avant de produire des prototypes plus évolués. Dans le cas de l’appui-cuisse, la troisième génération d’un modèle conçu par l’équipe de recherche a donné des résultats suffisamment encourageants pour qu’on le retienne comme solution. Pour la plateforme sur coussin d’air, l’équipe a trouvé une solution technique dont le potentiel semble excellent.

Au cours de la première grande rencontre, les poseurs ont aussi ciblé la formation en tant qu’enjeu central. Les jeunes diplômés ne restent pas dans le métier et la compétence varie beaucoup. Ils ont aussi beaucoup parlé du respect de leur métier. Pour répondre aux besoins exprimés par les poseurs, la troisième équipe s’est penchée sur la formation et le développement d’un site internet (ils avaient été questionnés sur cela). En matière de formation, l’équipe a rencontré les divers acteurs concernés par ces questions ̶ entrepreneurs, fabricants, enseignants, jeunes poseurs, membres de sous-comités sur la formation, etc., pour s’assurer de bien comprendre les divers points de vue, mais aussi de valider, de rencontre en rencontre, ce qui était dit. Globalement, un consensus se dégage sur ce qui pose problème et les solutions à mettre en place pour les résoudre, mais la multiplicité des intervenants fait cependant obstacle à une action concertée et cohérente. Nous proposons donc l’organisation d’un forum réunissant tous les partenaires avec plan d’action à la clé. Finalement, l’équipe a travaillé sur la mise en place d’un site Web destiné aux poseurs. Ce site intègre des idées recueillies au cours des diverses rencontres de travail sur les équipements et vise à permettre aux poseurs d’échanger entre eux, à mettre en circulation leur savoir sur leur métier (ex. : appréciation des équipements, fiches axées sur des savoirs professionnels). La plus grande difficulté à résoudre était de trouver ceux qui pourraient aider au développement du contenu : les enseignants, des retraités. L’implantation du site Web a donc été retenue comme solution d’intérêt.

Finalement, nous avons retenu de cette recherche-intervention trois éléments clés : 1) Le processus d’innovation ouverte comme pratiqué en SST a peu à voir avec le processus usuel, car il fusionne tant le savoir des travailleurs-entrepreneurs sur la nature des problèmes à résoudre que celui des chercheurs sur la façon de solutionner certains de ces problèmes. Il est constitué d’aller-retour et de multiples interactions; 2) En SST, il est essentiel de développer davantage les approches centrées sur la recherche de solutions; 3) Identifier ceux qui connaissent bien les travailleurs et savent mobiliser les bonnes personnes est incontournable pour travailler dans ce milieu. Les mutuelles peuvent jouer un rôle précieux à cet égard.

Abstract

Flooring installation is divided into different specialties: ceramic, wood and flexible covering. The last sector is the one that interests us, i.e. installation of carpets (stretched or glued; rolls, tiles) or resilient materials (linoleum, vinyl, rubber, artificial grass, etc.). Flooring installation is physically demanding (handling very heavy rolls, prolonged kneeling, spreading glue over large surface areas) and takes considerable skill. For one thing, precision is required to adjust and match up patterns. With resilient materials, the tiniest mistake shows. Currently, a young person with a vocational diploma in flooring installation will start as an apprentice, and can achieve full journeyman status after completing three duly reported 2,000-hour periods (since 2014). The working conditions can also be difficult: heat, inadequate traffic areas, tight construction deadlines, etc.

The industry is now having trouble recruiting workers and is concerned with keeping aging installers in the workforce. There are currently 1,200 to 1,600 workers whose main job is installation. They basically work in small businesses. Intervening in a context like this is a big challenge in OHS because most tools and approaches were developed with medium-sized and large businesses in mind. So we are talking about a dispersed environment with limited resources, with a multitude of overlapping stakeholders-organizations (manufacturers, retailers, construction managers, Commission de la construction du Québec representatives, instructors and school board representatives, etc.). The work is varied, changes quickly, and reportedly carries a high risk of developing musculoskeletal disorders of the knees, back, shoulders, hands, wrists and ankles. On the other hand, the industry can rely on unifying groups like the Fédération québécoise des la pose de revêtements de sol (FQRS) and the prevention mutual GROUPE Agr.

Many possible solutions can be explored to improve available equipment or tools, organize the work and the trade, develop alternative work methods favouring work in a standing position, etc. The first challenge was to identify potential solutions that would be technically accessible and feasible (e.g., acceptable and usable) and likely to have an impact. To this end, we identified existing or proposed (e.g., patented) solutions and submitted them to a first group of 15 installers to find out what they thought, whether the solutions were worth working on and whether they wanted to be involved. We also compiled a list of situations and issues and asked them which were priorities in terms of OHS impact. These installers were identified and brought together by the prevention mutual counsellor, who has worked in this area for 20 years. The installers had a response sheet, but it was their verbal explanations that were particularly valuable. For instance, we showed them a trowel mounted on a telescoping stick which facilitated working in a standing position. The oldest installers said that these sticks had already been tried 25 years ago, but could not meet the precision and quality requirements of resilient flooring. After this meeting, we determined three groups of solutions to be developed and formed three work teams.

The first team tackled the problem of handling rolls and explored the possibility of designing a multipurpose trolley that would decrease the number of operations involved in transferring rolls and make them easier to handle and unwind. Today’s trolleys are not designed for this type of work. From one meeting to the next, the installers identified a number of ways to facilitate the work and avoid damaging the flooring material. For instance, they wanted four- rather than three-roll unwinders to ensure stability during unwinding, a palette with two or three degrees of tilt to avoid rubbing on the edge of the roll, tires that don’t pick up dirt or leave marks on the flooring (no runflats or rubber that is too soft or too hard). The installers wanted a multipurpose trolley to meet all their needs with just one piece of equipment. They endorsed the developed solution and the prototype, now under construction, will be tested. This prototype will be used to verify whether the entire concept is functional before fine-tuning it and working on equally important aspects such as the final weight and manufacturing cost.

The second team looked at equipment that would reduce the strain of working in a kneeling position. The team started with the telescoping stick to determine whether solutions could be found to the reported problems. The response was “not yet.” Testing of a thigh support ordered from the United States was not conclusive either. The installers found it very uncomfortable and unsuited to their work. At this meeting, the installers had brought in equipment that they had sometimes converted. Based on their thoughts and comments, the team realized that it might be useful to design a more suitable thigh support, as well as an air-cushioned rather than caster-mounted surface. The work involved developing concepts and ideas, then quickly testing them on the installers before producing more sophisticated prototypes. In the case of the thigh support, the third generation a a model designed by the research team yielded results that were encouraging enough for it to be retained as a solution. For the air-cushioned platform, the team found a technical solution with seemingly excellent potential.

At the first big meeting, the installers also identified training as a core issue. Young graduates are not staying in the trade and competence varies widely. They also talked a lot about respect for their trade. To meet the needs expressed by young installers, the third team addressed training and website development (they were questioned about this). For training, the team met with stakeholders affected by these issues – entrepreneurs, manufacturers, instructors, young installers, members of training subcommittees, etc. – to ensure that they fully understood the various viewpoints, but also to validate, from one meeting to the next, what had been said. Overall, a consensus emerged on what the problems are and which solutions need to be implemented, but the multiplicity of stakeholders was a hindrance to concerted and coherent action. We recommend organizing a forum bringing together all the partners with a turnkey action plan. Lastly, the team worked on implementing a website for installers. This site contains ideas gathered during the work meetings on equipment and is a forum for exchange enabling installers to share their knowledge of their trade (e.g., equipment assessments, job skill sheets). The biggest challenge was finding people who could help develop the content, such as instructors and retirees. Implementing a website was recognized as a promising solution.

Lastly, three key points emerged from this research-intervention: 1) The open innovation process as practised in OHS has little to do with the everyday process, because it merges employees-entrepreneurs’ knowledge of the kinds of problems to be solved with researchers’ knowledge on how to solve some of these problems. It is a back-and-forth and multi-interaction process; 2) In OHS, it is important to further develop solutions-centered approaches; 3) Identifying people who are familiar with workers and know how to mobilize the right people is critical to working in this area. Prevention mutuals can be invaluable in this respect.

ISBN

9782896318438

Mots-clés

Revêtement de sol, Floor covering, Troubles musculosquelettiques, Musculoskeletal disease, - Suggestion de prévention, Safety suggestion, Posture de travail, Work posture, Manutention de matériaux en bobines, Reeled materials handling, Chariot à bras, Hand truck, Évaluation du matériel, Evaluation of equipment, Équipement de protection individuelle, Personal protective equipment, Gestion des connaissances, Knowledge management, Formation professionnelle, Vocational training, Enquête par entrevue, Interview survey, Appréciation subjective, Subjective assessment, Québec, Appui-cuisse, Thigh support, Appui-poitrine, Chest support

Numéro de projet IRSST

2013-0035

Numéro de publication IRSST

R-900

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