Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2016

Langue

Français

Résumé

Les travailleurs et les autres acteurs qui prennent des décisions en matière d’interventions de retour au travail ont souvent des intérêts et des buts différents. Le processus de prise de décision partagée (PDP) est une approche centrée sur la personne qui permet d’agir sur les écarts entre les travailleurs et les autres acteurs par rapport au but et au plan d’action à mettre de l’avant. À notre connaissance, un programme de PDP n'avait jamais été spécifiquement contextualisé en réadaptation au travail.

Ultimement, cette étude vise l’atteinte d’un but commun entre l’intervenant en santé et le travailleur dans le cadre de programmes de réadaptation au travail, tout en tenant compte des contraintes et intérêts des employeurs, du syndicat et de l’assureur. Pour ce faire, les objectifs suivants sont définis:

  1. Documenter l’acceptabilité et la faisabilité d’un programme de prise de décision partagée applicable aux programmes de réadaptation existants, auprès de quatre groupes d’acteurs clés en réadaptation (travailleurs, employeurs, syndicats et assureurs).
  2. Évaluer l’effort d’implantation du programme de prise de décision partagée auprès de quatre groupes d’acteurs clés en réadaptation.
  3. Explorer, auprès des quatre groupes d’acteurs clés en réadaptation, l’impact du contexte d’implantation sur la satisfaction et le retour au travail.

Cette étude s’inscrit dans le domaine de la recherche évaluative. Pour l’objectif 1, un devis séquentiel mixte combinant des données quantitatives et qualitatives a été retenu. Une adaptation de la technique de recherche de l'information par l'animation d'un groupe d'experts (TRIAGE) a été utilisée. Elle comporte deux phases: 1) des consultations individuelles à l'aide d'un questionnaire autoadministré pour établir le niveau d’accord portant sur l’acceptabilité et la faisabilité des éléments composants le programme (c.-à-d. objectifs du programme, indicateurs, ressources ou activités); 2) une série de discussions de groupes avec chaque partie prenante. Une analyse descriptive des scores d’accord et une analyse de contenu des groupes ont été effectuées. Un échantillon de 10 participants par groupe (employeurs, syndicats, travailleurs et assureurs) était visé pour un total de 40 participants. Les assureurs devaient avoir deux ans d’expérience en réadaptation au travail. Les employeurs et syndicats devaient avoir participé depuis les deux dernières années au processus de réadaptation au travail d’au moins un travailleur ayant vécu une absence du travail de plus de trois mois pour une douleur persistante causée par un trouble musculosquelettique (TMS). Les travailleurs devaient avoir suivi (avec succès ou non) au cours des deux dernières années, un programme de réadaptation au travail pour une douleur persistante à la suite d’un TMS ayant causé une absence du travail de plus de trois mois. Pour les objectifs 2 et 3, une étude de cas multiples a été retenue. Le cas se définit comme la dyade ergothérapeute et travailleur ayant un TMS persistant causant une incapacité au travail. Le contexte se situe dans des centres de réadaptation avec lesquels différents acteurs (assureurs, employeurs et syndicats) sont appelés à collaborer. Pour chaque cas, différentes sources d’information ont été identifiées : auprès du travailleur et de l’ergothérapeute formant la dyade ainsi que des acteurs intervenant auprès du travailleur de la dyade, c’est-à-dire, l’employeur, le représentant du syndicat et le conseiller en réadaptation. Pour les sources d’information, différentes méthodes (questionnaires, entrevue, observation) ont été utilisées pour mesurer le niveau d’atteinte de chaque objectif du programme de PDP (un objectif longitudinal, 11 objectifs spécifiques), à partir d’indicateurs déterminés antérieurement au sein du programme de PDP. Préalablement à l’implantation du programme, les ergothérapeutes ont suivi une formation portant sur le programme de PDP.

D’abord, des analyses intracas ont été effectuées. Une matrice d’analyse a été élaborée contenant les objectifs, les indicateurs, leurs mesures et la façon d’interpréter le score pour établir un niveau d’implantation : implantation complète (score de 1), presque complète (score de 0,75), partielle (score de 0,50), minimale (0,25) ou aucune implantation (score de 0). Ensuite, des analyses intercas ont été réalisées pour déterminer des patrons entre les cas, plus précisément des arrangements d’actions ou de résultats qui se regroupent et sont visibles à l’état brut. Pour l’objectif 1 de l’étude, un total de 39 acteurs clés ont rempli le questionnaire lors de la phase de consultation individuelle et 38 ont assisté aux groupes de discussion. Les consultations individuelles ont permis de générer 37 propositions de modification portant sur les objectifs du programme de PDP, 17 propositions sur les activités et 39 commentaires sur la faisabilité de l’implantation du modèle PDP dans un contexte de réadaptation au travail. Les résultats des groupes de discussion soulignent que le programme de PDP en réadaptation au travail a été bien accepté par les acteurs. Ce sont surtout des nuances dans l’opérationnalisation du programme qui ont été suggérées afin de favoriser la faisabilité de son implantation. Une ressource matérielle (un canevas d’entrevue) a été ajoutée à l’objectif 2 du programme de PDP, afin de respecter les balises liées au contrat d’assurance et les contraintes de l’employeur. Trois indicateurs ont été ajoutés à l’objectif longitudinal du programme de PDP.

Pour les objectifs 2 et 3 de l’étude, 39 cas ont été analysés et permettent d’établir que pour 25 scores d’implantation (45 %) sur 56, un niveau d’implantation de plus de 75 % est observé. À l’inverse, six scores (11 %) ont eu un taux d’implantation inférieur à 25 %. Les indicateurs les moins bien implantés se retrouvent d’abord à l’objectif 1 du programme de PDP concernant l’établissement de l’alliance de travail entre le travailleur et l’ergothérapeute, mais particulièrement liés aux indicateurs mesurés par une grille d’observation de l’entrevue. Ils évaluent si l’ergothérapeute permet au travailleur de poser des questions, de donner son opinion ou s’il vérifie que le travailleur a une compréhension juste de l’information reçue. L’objectif longitudinal du programme de PDP, soit le maintien de l’alliance auprès des autres acteurs, est aussi moins bien implanté. Sur quatre indicateurs, trois font ressortir qu’il y a rarement communauté de pensée des acteurs sur la décision de l’option, l’objectif et le plan d’action. Les analyses intercas ont permis de générer trois principaux cas types. Le cas type 1 (n = 2) est nommé retour au travail avec progression positive et action concertée où la compréhension, l’objectif, l’option et le plan d’action font consensus entre tous les acteurs. Le cas type 2 (n = 14) fait état d’un retour au travail avec divers écarts mineurs ou quelques modérés liés à la compréhension, la mise en oeuvre de l’option ou du plan d’action choisi. Par contre, ces obstacles peuvent être résolus. Le cas type 3, pas de retour au travail, comprend des obstacles importants pour lesquels des solutions ne peuvent être implantées et révèle deux sous-types avec regret (n=3) et sans regret décisionnel (n=11) en lien avec des modifications importantes portant sur l’option initialement choisie ou sur la mise en oeuvre du plan d’action. L’ensemble des résultats qui émanent des deuxième et troisième objectifs de l’étude supporte une approche mixte, quantitative et qualitative pour le développement de l’intervention. Le programme de PDP en contexte de réadaptation offre aux cliniciens une façon systématique d’aider le travailleur à prendre une décision concernant son retour au travail. Les résultats de cette étude soutiennent un des fondements de l’approche de PDP, à savoir que lorsqu’un travailleur bénéficie d’une réelle prise de décision partagée, même si l’issue de l’intervention n’est pas favorable, il n’y a pas de regret par rapport à la décision prise.

Abstract

Workers and the other stakeholders who make decisions regarding return-to-work interventions often have diverging interests and goals. A shared decision-making (SDM) process is a person-centred approach that helps close gaps between workers and other stakeholders regarding the rehabilitation aim and the action plan to be implemented. To the best of our knowledge, no SDM program has ever been specifically adapted to the occupational rehabilitation context.

The ultimate aim of this study is to promote attainment of a common goal by health practitioners and workers in the context of occupational rehabilitation programs, while taking into account employers’, unions’ and insurers’ interests and constraints. The following objectives were defined to this end:

  1. Document the acceptability and feasibility of a shared decision-making program applicable to existing rehabilitation programs, with four groups of key rehabilitation stakeholders (workers, employers, unions and insurers).
  2. Evaluate the efforts required to implement the shared decision-making, with four groups of key rehabilitation stakeholders.
  3. Explore the impact of the implementation context on satisfaction and the return to work, with four groups of key rehabilitation stakeholders.

This study falls into the category of evaluation research. For objective 1, a mixed sequential design combining quantitative and qualitative data was chosen. An adapted version of the Technique for Research of Information by Animation of a Group of Experts (TRIAGE) was used. It included two phases: (1) individual consultations by means of a self-administered questionnaire to establish level of agreement on the acceptability and feasibility of the various components of the program (i.e. objectives, indicators, resources and activities); and (2) a series of focus groups with each stakeholder group. Descriptive analysis of the agreement scores and content analysis of the focus groups were performed. A sample of ten participants per group (employers, unions, workers and insurers) was targeted, for a total of 40 participants. The selection criterion for insurers was at least two years’ experience in occupational rehabilitation. The employers and unions had to have participated, within the past two years, in the rehabilitation process of at least one worker who had been on sick leave for more than three months for persistent pain caused by a musculoskeletal disorder (MSD). The workers had to have participated (successfully or not), within the past two years, in an occupational rehabilitation program for persistent pain caused by an MSD resulting in a work absence of more than three months.

For objectives 2 and 3, a multiple case study approach was used. A case was defined as the dyad comprising an occupational therapist and a worker with a persistent MSD causing a work disability. The context was the rehabilitation centres with which the various stakeholders (insurers, employers and unions) have to collaborate. Different sources of information were identified in each case: with the worker/occupational therapist dyad as well as the other stakeholders working with the dyad worker, i.e. the employer, union representative and rehabilitation counsellor. Regarding the information sources, a variety of methods (questionnaires, interviews and observation) were used to measure the degree of attainment of each objective of the SDM program (one longitudinal objective, 11 specific objectives), using indicators predetermined in the SDM program. Prior to program implementation, the occupational therapists did training on the SDM program.

Intra-case analyses were performed first. An analytical matrix was developed containing the objectives, indicators, their measurements and the way the score was interpreted to establish a level of implementation: complete implementation (score of 1), nearly complete (score of 0.75), partial (score of 0.50), minimal (0.25) and no implementation (score of 0). Inter-case analyses were then performed to identify patterns between cases, or more specifically, arrangements of actions or results that were grouped together and were visible in the raw data. For objective 1 of the study, a total of 39 key stakeholders completed a questionnaire during the individual consultation phase, and 38 of them attended focus groups. The individual consultations generated 37 proposals for changes to the objectives of the SDM program, 17 proposals regarding the activities and 39 comments on the feasibility of implementing the SDM model in an occupational rehabilitation context. The focus group results highlighted the fact that the SDM program was well accepted by the stakeholders. It was mainly nuances in the operationalization of the program that were suggested to increase implementation feasibility. A physical resource (an interview guide) was added to objective 2 of the SDM program to comply with the guidelines set forth in the insurance contract and the employer’s constraints. Three indicators were added to the longitudinal objective of the SDM program.

For objectives 2 and 3 of the study, 39 cases were analyzed and, for 25 implementation scores (45%) out of 56, an implementation rate of more than 75% was observed. Conversely, six scores (11%) had an implementation rate of less than 25%. The least effectively implemented indicators were found first in relation to objective 1 of the program concerning the building of a working alliance between the worker and the occupational therapist, but particularly in relation to the indicators measured using an interview observation checklist. These indicators evaluated whether the occupational therapist allowed the worker to ask questions or express his or her opinion, or if the therapist checked whether the worker had accurately understood the information provided. The longitudinal objective of the SDM program, i.e. maintaining the alliance with the other stakeholders, was also less effectively implemented. Three out of four indicators revealed that there was rarely stakeholder consensus on decisions regarding the option, the objective and the action plan.

The inter-case analyses generated three main case types. Case type 1 (n=2) was dubbed “return to work with positive progression and joint action in which there was consensus among all the stakeholders with regard to understanding, the objective, the option and the plan of action.” Case type 2 (n=14) involved a “return to work with various minor or a few moderate gaps with regard to understanding or to the implementation of the option or the chosen plan of action.” However, these obstacles were resolvable. Case type 3, where there was no return to work, involved major obstacles for which no solutions could be implemented, and revealed two sub-types: with decision-making regret (n=3) and without decision-making regret (n=11) regarding major changes made in the initially chosen option and the implementation of the action plan.

All of the results emerging from the second and third objectives of the study supported a mixed quantitative and qualitative approach to developing the intervention. The SDM program in the occupational rehabilitation context offers clinicians a systematic means of helping workers make decisions regarding their return to work. The findings of this study also support one of the foundations of the SDM approach, namely, that when a worker is involved in a truly shared decision-making process, even if the intervention outcome is not favourable, there is no regret about the decision made.

ISBN

9782896318377

Mots-clés

Troubles musculosquelettiques, Musculoskeletal disease, Réadaptation professionnelle, Vocational rehabilitation, Collaboration, Cooperation, Ergothérapie, Occupational therapy, Travailleur, Employee, Employeur, Employer, Rôle des organisations de travailleurs, Role of workers organisations, Rôle des assureurs, Role of insurance institutions, Maintien en emploi, Job maintenance, Enquête par questionnaire, Questionnaire survey, Enquête par entrevue, Interview survey, Étude de cas, Case study, Questionnaire, Québec

Numéro de projet IRSST

0099-8320

Numéro de publication IRSST

R-896

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