Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
2015
Langue
Français
Résumé
L’asthme professionnel est un type d’asthme causé par un agent présent dans les milieux de travail. Le type principal d’asthme professionnel est celui qui est causé par le développement d’une « allergie » à certains agents présents dans le milieu de travail. La mise en évidence de cette « allergie » est une étape essentielle de l’investigation clinique ou de l’élaboration de programmes de prévention. En effet, la maladie ne peut, par définition, être présente s’il n’existe pas d’allergie démontrée. Dans l’état actuel des connaissances, l’allergie, celle de type immédiate associée à une sensibilisation avec la formation d’immunoglobulines de type E (IgE) spécifiques à un allergène donné, peut être mise en évidence par des tests cutanés d’allergie pour les agents protéinés, agents dits de haut poids moléculaire (HPM; par exemple, les farines). Or, les allergènes utilisés pour ces tests ne sont pas « standardisés ». De plus, il n’existe pas de tests d’allergie pour la vaste majorité des agents chimiques, agents dits de bas poids moléculaire (BPM; par exemple, les isocyanates).
Les tests de provocation bronchique spécifique (TPS) sont la référence pour le diagnostic d’un asthme professionnel à un agent spécifique. Cependant, ce test doit être réalisé avec une technologie et selon une procédure spécifique et contrôlée, en particulier dans le cas de l’exposition aux agents de BPM. De plus, les TPS aux agents de HPM et de BPM doivent être effectués sous contrôle médical en milieu hospitalier pour une intervention immédiate dans le cas d’une réaction asthmatique sévère. Le TPS aux agents de BPM comme les isocyanates est rarement effectué dans certains pays (par exemple, les États-Unis). Étant donné que l’asthme professionnel est une condition peu réversible lorsqu’elle est diagnostiquée tardivement, il est donc important de découvrir des biomarqueurs précoces de la maladie. Un biomarqueur est défini comme un marqueur biologique présent chez une personne (par exemple, une protéine particulière présente dans un échantillon de sang) qui permet d’identifier l’apparition précoce, la persistance ou la rémission d’une maladie. Ainsi, si un biomarqueur démontre le développement d’une allergie à un agent du milieu de travail, il devient pertinent de compléter l’investigation par des tests de fonction respiratoire et des TPS.
Le test d’activation des basophiles (TAB) est un test diagnostique peu invasif (une prise de sang) qui permet de déterminer l’existence d’une sensibilisation de type IgE aux allergènes communs inhalés (par exemple, le pollen) ou de certains allergènes alimentaires (par exemple, les arachides). Le TAB spécifique positif est défini comme une augmentation statistiquement significative de l’activation des basophiles par rapport à leur niveau d’activation basale (TAB basal) (par exemple, la mesure du marqueur d’activation CD203c). Le TAB spécifique est mesuré en réponse à la stimulation d’un échantillon de sang par un allergène spécifique auquel cette personne est potentiellement sensibilisée. De ce fait, le TAB spécifique peut être négatif ou positif indiquant respectivement, l’absence ou la présence d’une sensibilisation spécifique de type IgE. L’utilisation du TAB comme outil potentiel pour déterminer une sensibilisation aux agents professionnels de HPM et de BPM n’avait jamais été étudiée auparavant.
L’un des résultats les plus importants de notre étude a été de montrer qu’un TAB positif et spécifique aux agents de HPM est associé à un TPS positif et à un diagnostic d’asthme professionnel à ces agents.
De ce fait, la détermination d’un TAB positif aux agents de HPM chez un travailleur pourrait être un facteur prédictif positif du TPS et du diagnostic subséquent d’asthme professionnel. Cependant, en raison de la taille restreinte de l’échantillon, ces résultats doivent être considérés comme des données préliminaires qui demeurent à être confirmées avec des cohortes plus importantes de sujets.
Concernant les agents professionnels de BPM, nos résultats ont révélé que le TAB spécifique aux agents de BPM ne permet pas de discriminer entre les travailleurs ayant présenté un TPS négatif ou positif à ces agents. De ce fait, le TAB ne serait pas un facteur prédictif négatif ou positif du TPS et du diagnostic d’asthme professionnel aux agents de BPM. Cependant, une deuxième analyse des données a été réalisée en excluant le groupe de travailleurs exposés au formaldéhyde. Cette exclusion est justifiée par l’absence de démonstration, dans la littérature, d’une sensibilisation de type IgE lors du développement d’un asthme professionnel attribuable au formaldéhyde. Cette analyse, réalisée selon la présentation d’un TPS négatif ou positif aux isocyanates, a révélé qu’un TAB spécifique positif aux isocyanates est statistiquement significatif chez le groupe de travailleurs présentant un TPS positif à ces agents. Cependant, un TAB positif aux isocyanates a aussi été observé chez le groupe de travailleurs présentant un TPS négatif, mais ce résultat n’est pas statistiquement significatif. Ainsi, la détermination d’un TAB positif aux isocyanates chez un travailleur ne peut être, à lui seul, un facteur prédictif positif du TPS et du diagnostic subséquent d’asthme professionnel.
L’atopie est définie comme une prédisposition génétique à se sensibiliser plus facilement à différentes substances présentes dans l’environnement telles que les pollens. La sensibilisation à des agents professionnels est souvent suivie de l’apparition de symptômes allergiques pouvant être associés à la rhinite ou à l’asthme. Les données de cette étude ont révélé qu’un TAB spécifique positif aux agents de HPM est associé à la présence d’atopie et, dans le cas présent, au diagnostic d’asthme professionnel à ces agents. Cependant, comme précédemment, cette conclusion devra être confirmée dans le cadre d’études plus vastes incluant des bassins plus importants de sujets témoins négatifs.
Concernant les agents professionnels de BPM, nos résultats ont montré qu’un TAB spécifique positif aux agents de BPM investigués n’est pas associé à un TPS positif même lorsque le groupe de travailleurs est divisé selon qu’il y ait présence ou absence d’atopie. Pour la raison citée ci-dessus, nous avons décidé d’exclure le groupe de travailleurs exposés au formaldéhyde (IgE indépendante) du groupe BPM. Nous avons alors montré que le TAB spécifique positif est significativement différent du TAB basal chez les travailleurs atopiques, mais pas chez les travailleurs non atopiques. De ce fait, la détermination d’un TAB positif aux isocyanates chez un travailleur en association avec un statut d’atopie positif pourrait être un facteur prédictif positif du TPS et du diagnostic subséquent d’asthme professionnel.
En conclusion, le TAB spécifique, positif aux agents de HPM ou aux isocyanates, et associé au statut d’atopie (présence ou absence) pourrait permettre chez le travailleur une meilleure caractérisation du risque potentiel de développer un asthme professionnel, et ainsi contribuer à l’évaluation et à la gestion du risque lié à l’environnement de travail. Une telle politique de gestion des risques serait facile à mettre en place en milieu de travail puisque le TAB ne nécessite qu’une prise de sang chez le travailleur, et que l’échantillon peut être analysé le jour même par un laboratoire hospitalier ou clinique disposant d’une expertise en cytométrie en flux. Des travaux ultérieurs demeurent toutefois à être réalisés, notamment pour préciser la sensibilité et la spécificité du TAB ainsi que ses valeurs prédictives positive ou négative.
Abstract
Occupational asthma is a type of asthma caused by exposure to an agent in the workplace. In the most common type of occupational asthma, an “allergy” to certain substances in the workplace is developed. Demonstration of this “allergy” is thus an essential step in the clinical investigation and the development of a prevention program, as, by definition, the disease cannot be considered present if no allergy is demonstrated. With the current state of knowledge, an immediate-type allergen-specific immumoglobulin E (IgE) mediated allergy associated with sensitization can be demonstrated by allergy skin tests for protein-derived agents, that is, high-molecular weight (HMW) agents (flours, for example). However, the allergens used for these tests are not standardized. In addition, there are no allergy tests for most chemical agents, which are low-molecular weight (LMW) agents (isocyanates, for example).
The specific inhalation challenge (SIC) is the gold standard for diagnosis of occupational asthma induced by specific agents. However, administering an SIC is technologically challenging and the controlled test protocol is demanding, especially in case of exposure to LMW agents. In addition, SICs with HMW as well as LMW agents must be performed in a hospital under medical supervision, so that immediate action can be taken in case of severe asthmatic reaction. SICs with LMW agents such as isocyanates are rarely performed in certain countries (the United States, for example). However, as occupational asthma is rarely reversible when diagnosed late, identification of early biomarkers of the disease is crucial. A biomarker is a biological marker whose presence in an individual (a particular protein present in a blood sample, for example) can indicate early onset, persistence or remission of a disease. Hence, if a biomarker demonstrates development of an allergy to an occupational agent, the investigation can be completed by lung function tests and SICs.
The basophil activation test (BAT) is a non-invasive diagnostic test (blood test) that can identify IgE-type sensitization to common inhaled allergens (pollen, for example) and certain food allergens (peanuts, for example). A positive agent-specific BAT is defined as a statistically significant increase in basophil activation over baseline BAT (measured by expression of the activation marker CD203c, for example). An agent-specific BAT is performed by measuring the response of a blood sample to stimulation by a specific allergen to which the individual providing the sample is possibly sensitized. Hence a negative specific BAT would indicate absence of an allergen-specific IgE-type sensitization and a positive specific BAT would indicate its presence. The BAT has never been studied in the past as a possible tool for identifying sensitization to HMW and LMW occupational agents.
One of the most important findings of our study is the demonstration that a positive BAT specific to an HMW agent is associated with a positive SIC and a diagnosis of occupational asthma induced by that agent. Hence, a positive BAT on exposure of a worker’s blood sample to an HMW agent could be a predictor of a positive SIC and a subsequent diagnosis of occupational asthma. However, given the small size of our sample, these findings must be considered preliminary data only and must be confirmed by studies of larger cohorts.
With respect to LMW occupational agents, our results did not indicate that LMW agent-specific BATs could distinguish between workers whose SIC with these agents was negative and those whose SIC with these agents was positive. In other words, BAT results could not predict a negative or positive SIC or subsequent diagnosis of occupational asthma due to LMW agents. However, a second data analysis was performed excluding all workers exposed to formaldehyde, an exclusion warranted by failure, in the literature, to demonstrate IgE-type sensitization in the development of occupational asthma attributable to formaldehyde. This analysis showed a statistically significant correlation between a positive isocyanate-specific BAT and a positive SIC with isocyanates. However, a positive isocyanate-specific BAT was also noted in workers whose SIC with isocyanates was negative, though the results were not statistically significant. Thus a positive isocyanate-specific BAT alone cannot serve as a predictor of a positive SIC and subsequent diagnosis of occupational asthma.
Atopy is defined as a genetic predisposition to become easily sensitized to different substances in the environment, such as pollens. Sensitization to occupational agents is often followed by onset of allergy symptoms associated with rhinitis or asthma. Our data showed an association between a positive HMW-agent specific BAT and atopy, and, in this case, occupational asthma due to these agents. However, as mentioned, this conclusion must be confirmed by larger studies with a larger group of negative control subjects.
With respect to LMW occupational agents, our results showed that a positive BAT when stimulated with the tested LMW agents did not correlate with a positive SIC, even when the workers tested were divided according to presence or absence of atopy. For the reasons mentioned above, workers exposed to formaldehyde (IgE-independent) in the LMW group were excluded. We were then able to demonstrate a positive LMW-agent specific BAT significantly different from baseline BAT in atopic workers but not in non-atopic workers. Hence a BAT positive for isocyanates in combination with positive atopic status could be a predictor of a positive SIC and subsequent diagnosis of occupational asthma.
In conclusion, an agent-specific BAT positive for HMW agents or isocyanates together with atopic status (presence or absence of atopy) could offer a better characterization of a worker’s risk of developing occupational asthma and thus contribute to the assessment and management of workplace related risks. A risk management approach of this type would be easy to introduce in the workplace as a BAT requires only that a blood sample be drawn from the worker, for subsequent analysis on the same day by a hospital or clinic laboratory with the required expertise in flow cytometry. Additional research is nonetheless required, in particular to determine BAT sensitivity and specificity as well as positive and negative predictive values.
ISBN
9782896318100
Mots-clés
Test d'allergie, Allergy test, Sensibilisation, Sensitisation, Asthme, Asthma, Recherche in vitro, In vitro experiment, Québec, Test d'activation basophile, Basophil activation test
Numéro de projet IRSST
0099-6230
Numéro de publication IRSST
R-876
Citation recommandée
Maghni, K., Malo, J.-L. et Lemière, C. (2015). Exposition à des agents pouvant causer l'asthme professionnel : utilisation du test d'activation des basophiles pour l'identification précoce de la sensibilisation allergique chez les travailleurs (Rapport n° R-876). IRSST.