Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2014

Langue

Anglais

Résumé

Contexte : L’asthme professionnel (AP) est un important problème de santé au travail qui a un impact tant sur le secteur de l’emploi que sur les ressources en santé et l’individu lui-même. Entre 10 % et 30 % des asthmatiques qui le sont devenus à l’âge adulte mentionnent que leur asthme s’aggrave au travail et qu’il est souvent difficile à diagnostiquer et à traiter. La majorité (environ 70 %) des patients référés pour une évaluation relative à l’AP ne reçoivent pas un diagnostic d’AP, et jusqu’à 30 % d’entre eux ne reçoivent aucun diagnostic final de trouble médical (c. à d. biologique). Néanmoins, ces patients restent symptomatiques et incapables de travailler. Bien que plusieurs diagnostics différentiels soient considérés (p. ex. la rhinite, la bronchite à éosinophiles et l’hyperventilation), les troubles psychiatriques (dont beaucoup s’accompagnent d’affections somatiques pouvant ressembler à l’asthme, notamment le trouble panique et l’hypocondrie) ne font que rarement, sinon jamais l’objet d’une évaluation. Cela laisse entendre qu’un nombre important de patients ne reçoivent ni un diagnostic ni un traitement approprié pouvant les aider à retrouver un niveau de fonctionnement normal et à retourner au travail. Le fait de ne pas détecter la morbidité psychiatrique chez ces patients peut également avoir d’importantes répercussions sur l’utilisation des services de santé. Faute d’être diagnostiqués et traités, les patients atteints de troubles psychiatriques sont susceptibles de demeurer symptomatiques, ce qui augmente le risque qu’ils aient recours aux services de santé, notamment les services d’urgence et les consultations médicales, au prix de coûts élevés pour eux comme pour la société.

Objectifs : L’objectif principal de cette étude était d’évaluer les taux de troubles psychiatriques (y compris l’hypocondrie et les troubles d’humeur et d’anxiété) et le niveau de détresse psychologique chez les patients soumis à une évaluation relative à l’AP. L’objectif secondaire de cette étude consistait à déterminer l’impact de la morbidité psychiatrique sur la situation d’emploi, l’utilisation des services de santé et la qualité de vie au terme d’un suivi de 12 à 18 mois.

Méthodologie : Au total, 219 patients consécutifs (59 % de sexe masculin, âge moyen de 42 ans [± 11,1]) ont passé une entrevue sur leur situation sociodémographique et leurs antécédents médicaux le jour de leur évaluation relative à l’AP, qui comprenait un test spirométrique et un test de provocation spécifique par inhalation. Le questionnaire d’évaluation des troubles mentaux dans les soins primaires (PRIME-MD) a servi à évaluer les troubles d’humeur et d’anxiété, et l’Indice d’hypocondrie de Whiteley (IHW) a servi à évaluer les niveaux d’hypocondrie clinique. Les patients ont également rempli une batterie de questionnaires autoadministrés visant à établir leur niveau de détresse psychologique, y compris l’Inventaire de dépression de Beck-II (IDB-II), l’Inventaire d’anxiété de Beck (IAB) et l’Indice de sensibilité à l’anxiété (ASI). On a ensuite repris contact avec les patients 12 à 18 mois plus tard pour évaluer leur situation d’emploi, leur utilisation des services de santé et leur qualité de vie.

Résultats : Des données ont pu être obtenues pour 196 patients, dont 152 (78 %) répondaient aux critères d’au moins un trouble diagnosticable. Les diagnostics finaux ont révélé ce qui suit : 26 % (n = 50) des patients souffraient d’AP, 25 % (n = 48) souffraient d’asthme exacerbé ou non au travail, 14 % (n = 28) souffraient d’un autre trouble inflammatoire, 13 % (n = 26) souffraient d’un trouble non inflammatoire, et 22 % (n = 44) n’avaient aucun trouble diagnosticable. Au total, 34 % (n = 67) des patients de l’échantillon répondaient aux critères d’un trouble psychiatrique actuel ; des troubles d’humeur et d’anxiété touchaient respectivement 29 % (n = 56) et 24 % (n = 47) des patients, et les scores de 6 % (n = 12) des patients à l’IHW étaient indicatifs d’hypocondrie. Les niveaux de dépression, d’anxiété et de sensibilité à l’anxiété se situaient dans la fourchette normale et ne différaient pas d’un groupe de diagnostic à l’autre. Fait intéressant, alors que les taux globaux de troubles psychiatriques étaient seulement légèrement plus élevés chez les patients non diagnostiqués (45 %) que chez les patients diagnostiqués (31 %) (F = 3,12 ; p = 0,079), les taux d’hypocondrie étaient nettement plus élevés chez les patients non diagnostiqués (14 %) que chez les patients diagnostiqués (4 %) (F = 5,71 ; p = 0,018). En outre, le fait de satisfaire aux critères de l’hypocondrie augmentait considérablement, soit par un facteur de près de 4, la probabilité de ne pas recevoir un diagnostic final (RRA ajusté = 3,92 ; IC de 95 % = [1,18 ; 13,05] ; p = 0,026). Selon les données de suivi après 12 à 18 mois, ajustées en fonction des covariables (inclusion faite des groupes de diagnostic), les patients atteints d’un trouble psychiatrique au départ affichaient des résultats nettement moins bons que ceux dont ce n’était pas le cas ; ils étaient notamment beaucoup moins susceptibles d’avoir un emploi (de travailler) (44 % vs 64 % ; F = 7,02 ; p = 0,009) et ils présentaient un taux plus élevé de visites à l’urgence au cours de la période de suivi (35 % vs 19 % ; F = 4,19 ; p = 0,042). Toujours après ajustement des données en fonction des covariables, il n’y avait aucun lien potentiel entre l’état de santé mental des participants et leur score au Questionnaire sur la qualité de vie des asthmatiques au moment du suivi.

Conclusions et répercussions cliniques : Les taux de troubles d’humeur ou d’anxiété étaient anormalement élevés (2 à 4 fois plus élevés que les taux observés dans la population générale) chez les patients qui se présentaient pour une évaluation relative à l’AP. Bien que les taux globaux de troubles psychiatriques et les niveaux de détresse psychologique aient été comparables chez les patients appelés ou non à recevoir un diagnostic d’AP ou d’un autre trouble diagnosticable, l’hypocondrie était plus fréquente chez les patients qui ne recevaient pas un diagnostic de trouble effectif, ce qui suppose qu’elle peut expliquer un nombre important de cas « non diagnosticables » d’AP présumé. Les données de suivi indiquaient que, quel que soit le groupe de diagnostic, les patients atteints d’un trouble psychiatrique au départ affichaient de moins bons résultats après 12 à 18 mois, notamment en ce qu’ils étaient moins susceptibles d’avoir un emploi et en ce qu’ils faisaient un usage plus marqué de certains services de santé (visites à l’urgence). Les résultats de cette étude suggèrent globalement que l’évaluation (et le traitement) des troubles psychiatriques dans cette population exigent davantage d’efforts.

Abstract

Background: Occupational asthma (OA) is a significant occupational health problem impacting the employment sector, health care resources, and the individual. From 10 to 30% of all adult-onset asthmatics mention that their asthma worsens at work, and is often difficult to diagnose and treat. The majority of patients referred for evaluation of OA (approximately 70%) do not receive a diagnosis of OA, and as many as 30% of them will fail to receive a final diagnosis of any medical (i.e., biological) disorder. However, these patients will remain symptomatic and unable to work. Though several differential diagnoses are considered (e.g., rhinitis, eosinophilic bronchitis, hyperventilation syndrome), psychiatric disorders (many of which present with somatic complaints that may mimic asthma such as panic disorder and hypochondriasis) are rarely, if ever, assessed. This suggests that a significant number of patients will not be diagnosed or offered appropriate treatment that may help them return to a normal level of functioning, including returning to the workforce. Failing to detect psychiatric morbidity in these patients may also have important implications for health service use. Left undetected and untreated, patients with psychiatric disorders are likely to continue being symptomatic, increasing their risk for health service use such as emergency department and physician visits, at a high cost to both them personally and the society.

Objectives: The primary objective of this study was to assess rates of psychiatric disorders (including mood and anxiety disorders, and hypochondriasis) and levels of psychological distress among patients under investigation for OA. The secondary objective of this study was to determine the impact of psychiatric morbidity on employment status, health service use and quality of life at 12-18 month follow-up.

Methods: A total of 219 consecutive patients (59% male, mean age 42 ± 11.1 years) underwent a sociodemographic and medical history interview on the day of their OA evaluation, which included spirometry and specific inhalation challenge testing. The Primary Care Evaluation of Mental Disorders (PRIME-MD) was used to assess mood and anxiety disorders, and patients completed the Whiteley Hypochondriasis Index (WI) to assess clinical levels of hypochondriasis. Patients also completed a battery of self-report questionnaires assessing levels of psychological distress including the Beck Depression (BDI-II) and Beck Anxiety (BAI) Inventories, and the Anxiety Sensitvity Index (ASI). Patients were re-contacted approximately 12-18 months later to assess employment status, health service use, and quality of life.

Results: Data were available for 196 patients, of which 152 (78%) met criteria for at least one diagnosable disorder. Final diagnostic results revealed that 26% (n=50) of patients had OA, 25% (n=48) had asthma or work-exacerbated asthma, 14% (n=28) had another inflammatory disorder, 13% (n=26) had a non-inflammatory disorder, and 22% (n=44) did not have a diagnosable disorder. A total of 34% (n=67) of the sample met criteria for a current psychiatric disorder; mood and anxiety disorders affected 29% (n=56) and 24% (n=47) of the sample respectively, and 6% (n=12) had scores on the WI suggestive of hypochondriasis. Levels of depression, anxiety and anxiety sensitivity were in the normal range and did not differ according to diagnostic group. Interestingly, while overall rates of psychiatric disorders were only marginally more common among patients without (45%) relative to those with (31%) a diagnosis (F=3.12, p=0.079), rates of hypochondriasis were significantly more common among patients without (14%) relative to those with (4%) a diagnosis (F=5.71, p=0.018). Moreover, meeting criteria for hypochondriasis significantly increased the likelihood of not receiving a final diagnosis by nearly 4-fold (adjusted OR=3.92, 95% CI=[1.18;13.05], p=0.026). Follow-up results indicated that after adjustment for covariates (including diagnostic group), patients with versus without a psychiatric disorder at baseline had significantly worse 12-18 month outcomes, including being significantly less likely to be employed (working) (44% vs. 64%, F=7.02, p=0.009), and having higher rates of emergency visits over the course of the follow-up (35% vs. 19%, F=4.19, p=.042). There was no prospective association between the psychiatric status of the participants and their score on the Asthma Quality of Life Questionnaire, at follow-up, after adjustment for covariates.

Conclusions and clinical implications: Rates of mood or anxiety disorders were disproportionately high (2-4 times greater than rates observed in the general population) in patients presenting for evaluation of OA. Though overall rates of psychiatric disorders and levels of psychological distress were comparable among patients with and without eventual diagnoses of OA or other diagnosable disorders, hypochondriasis was more common among patients not receiving a diagnosable disorder, suggesting that it may underlie a significant proportion of ‘un-diagnosable’ cases of suspected OA. Follow-up results indicate that irrespective of the diagnostic group, patients with a psychiatric disorder at baseline have less favorable 12-18 month outcomes, including being less likely to be employed and having greater use of certain health services (emergency visits). Overall, the results of this study suggest that greater efforts should be made to assess (and treat) psychiatric disorders in this population.

ISBN

9782896317493

Mots-clés

Asthme, Asthma, Santé mentale, Mental health, Aspect psychosocial, Psychosocial aspect, Dépression, Depressive disorder, Anxiété, Anxiety, Québec, Hypocondrie, Hypochondria

Numéro de projet IRSST

0099-4920

Numéro de publication IRSST

R-837

Partager

COinS