Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
2014
Langue
Français
Résumé
La survenue des lésions professionnelles varie selon le sexe. Une des principales explications évoquées est l’existence de nettes différences d’exposition en milieu de travail, découlant notamment des professions occupées par les hommes et par les femmes et de la nature des tâches effectuées. Cependant, il n’existe pas de données solides pour appuyer cette assertion et les analyses traditionnelles en milieu de travail se sont le plus souvent limitées à rapporter le risque en fonction du sexe, sans identifier les raisons pouvant expliquer les différences de risque observées.
Tant le gouvernement du Québec que l’Organisation mondiale de la santé ou les Instituts de recherche en santé du Canada recommandent d’effectuer des analyses différenciées selon le sexe. Or, bien que quelques études aient incorporé le genre dans l’analyse des problèmes musculosquelettiques au travail, seules deux études, de qualité moyenne, ont à ce jour comparé l’exposition des hommes et des femmes à des substances chimiques en prenant en compte la profession et le secteur d’activité économique. L’objectif de la présente étude était d’explorer l’existence de différences d’exposition professionnelle entre hommes et femmes à l’aide de bases de données épidémiologiques existantes.
Deux études épidémiologiques effectuées vers la fin des années 1990 à Montréal ont fourni les données d’exposition; ces études portaient sur la relation entre les facteurs de risque environnementaux (incluant l’environnement professionnel) et le cancer (cancer du poumon et cancer du sein). À l’aide de l’histoire de travail des sujets, des experts ont attribué à chaque emploi occupé par 1 657 hommes et 2 073 femmes une ou plusieurs expositions à partir d’une liste de 243 substances possibles. Dans le cadre de la présente étude, l’exposition professionnelle des emplois occupés par les hommes a été comparée à celle des emplois occupés par les femmes (toutes professions et industries confondues) afin de mettre en évidence, le cas échéant, des différences d’exposition. Puis, les expositions ont été comparées entre les emplois occupés par les deux sexes à l’intérieur des mêmes groupes professionnels, puis des mêmes professions et finalement des mêmes couples « groupe professionnel/groupe industriel ». Pour effectuer ces comparaisons, la concordance entre l’exposition des emplois des hommes et celle des emplois des femmes a été calculée à l’aide de coefficients de corrélation intraclasse. Puis, des proportions de « différences marquées » ont été calculées à partir de la modélisation des différences d’exposition hommes/femmes grâce à l’application de modèles bayésiens hiérarchiques.
Tel qu’anticipé, étant donné les profils d’emploi différents entre hommes et femmes, l’analyse portant sur toutes professions et tous secteurs d’activité économique a montré des différences d’exposition professionnelle entre les emplois occupés par les hommes et ceux occupés par les femmes pour un grand nombre de substances chimiques et quelques agents physiques. De manière générale, les emplois occupés par les hommes étaient jugés exposés en plus grande proportion, notamment aux gaz d’échappement de véhicules à moteur, aux coupes pétrolières, aux hydrocarbures aromatiques polycycliques, aux poussières de matériaux de construction et aux poussières d’abrasifs. En revanche, les emplois occupés par les femmes étaient jugés plus exposés aux poussières de tissus et fibres textiles et aux aldéhydes aliphatiques.
La majeure partie de ces différences de proportion d’exposition disparaissait lorsque l’analyse était restreinte à une comparaison hommes-femmes à l’intérieur d’un même groupe professionnel : sur 4 269 points de comparaison pour lesquels plus de 5 % des emplois occupés par les hommes ou par les femmes étaient jugés exposés, seuls 326 (7,6 %) des points présentaient des différences marquées. Cependant, lorsque les emplois des hommes et ceux des femmes étaient exposés à une substance donnée, l’intensité d’exposition pondérée dans le temps était similaire. Sur les 326 différences marquées de proportion d’exposition entre hommes et femmes, 187 (57,4 %) s’expliquaient par un manque de précision du code professionnel, 78 (23,9 %) par des différences dans les tâches rapportées par les sujets et 51 (15,6 %) par des différences liées au secteur industriel dans lequel le travail était effectué. Finalement, après avoir tenu compte de la profession et du secteur industriel, seuls 3,1 % des différences de proportion d’exposition professionnelle subsistaient toujours sans explication évidente.
En conclusion, il est nécessaire de faire des analyses stratifiées sur le sexe pour mieux percevoir les différences d’exposition professionnelle et de lésions professionnelles, car la seule utilisation de la profession et du secteur d’activité économique ne permet pas de saisir les nuances des tâches associées aux emplois, mais liées au genre du travailleur.
Abstract
The occurrence of occupational injuries differs by sex. One of the main explanations put forward is the existence of clear differences in exposure in the workplace, stemming in particular from differences in the jobs held by men and women and the nature of the tasks involved. However, there is a lack of solid data to support this claim, and most traditional workplace analyses have been limited to reporting risks based on sex, but without identifying the reasons that might explain the observed risk differences.
The Quebec government, the World Health Organization and the Canadian Institutes of Health Research all recommend conducting sex-specific analyses. Although a few studies have incorporated sex into the analysis of musculoskeletal problems at work, so far only two intermediate-quality studies have compared male and female exposure to chemicals, taking occupation and economic sector into account. The objective of this study was to explore the existence of differences in occupational exposure between men and women using existing epidemiological databases.
Two epidemiological studies done in Montreal in the late 1990s provided the exposure data; they investigated the relationship between environmental risk factors (including occupational environment) and cancer (lung cancer and breast cancer). Based on subjects’ work history, experts assigned one or more exposures, from a list of 243 possible substances, to each job occupied by 1,657 men and 2,073 women. In this study, the occupational exposure associated with jobs occupied by men was compared with that of jobs occupied by women (all occupations and industries combined) to reveal any exposure differences. Exposures were then compared between the jobs occupied by both sexes within the same occupational groups, then the same occupations and finally the same “occupational group/industrial group” pairs. For the purpose of the comparisons, the concordance between the exposure of men’s jobs and that of women’s jobs was calculated using intraclass correlation coefficients. Then, “notable difference” rates were calculated from the modelling of the male/female exposure differences by applying hierarchical Bayesian models.
As anticipated, given the different occupational profiles of men and women, the analysis of all occupations and all economic sectors revealed differences in occupational exposure between the jobs held by men and those held by women for a large number of chemicals and a few physical agents. Generally speaking, the jobs held by men were found to have higher exposure rates, especially to motor vehicle exhaust, petroleum fractions, polycyclic aromatic hydrocarbons, construction material dust and abrasive dust. In contrast, jobs held by women were found to have greater exposure to fabric and textile fibre dust and to aliphatic aldehydes.
Most of these differences in exposure rates disappeared when the analysis was restricted to a male-female comparison within the same occupational group: out of 4,269 points of comparison for which more than 5% of jobs occupied by men or women were found to be exposed, only 326 (7.6%) of the points showed notable differences. However, where men’s jobs and women’s jobs involved exposure to a given substance, the time-weighted exposure values were similar. Of the 326 notable differences in exposure rates between men and women, 187 (57.4%) were due to a lack of precision in the occupational code, 78 (23.9%) to differences in the tasks reported by the subjects and 51 (15.6%) to differences related to the industry in which the work was done. Finally, once the occupation and the industry were taken into account, only 3.1% of the differences in occupational exposure rates were left with no obvious explanation.
To conclude, sex-specific analyses are needed to highlight differences in occupational exposure and injuries, as conducting analyses based on occupation and economic sector alone is not sufficient to reveal the subtle differences in job-associated tasks that are also sex related.
ISBN
9782896317561
Mots-clés
Produit chimique, Chemical product, Substance dangereuse, Dangerous substance, Évaluation de l'exposition, Exposure evaluation, Risque chimique, Chemical hazard, Différence liée au sexe, Sex difference, Profession, Occupation, Québec
Numéro de projet IRSST
2011-0025
Numéro de publication IRSST
R-842
Citation recommandée
Labrèche, F., Lacourt, A. et Lavoué, J. (2014). Expositions professionnelles à des contaminants chimiques et physiques : analyse différenciée selon le sexe (Rapport n° R-842). IRSST.