Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2014

Langue

Français

Résumé

En remplacement des dégraissants et nettoyants traditionnels, qu’ils soient à base de solvants ou de tensioactifs, on retrouve actuellement sur le marché des préparations à base de bactéries et d’enzymes pour le nettoyage de surfaces en milieux industriel et institutionnel. Des préparations enzymatiques sont également utilisées en milieu de soins pour le nettoyage d’instruments chirurgicaux et diagnostiques. Mises à part les fiches de données de sécurité et les fiches techniques fournies par les fabricants, les hygiénistes et les médecins du travail et de l’environnement, ainsi que les autres spécialistes du domaine de la santé et de la sécurité du travail ne possèdent que des données fragmentaires sur la composition de ces préparations. De plus, ces préparations sont souvent publicisées comme des produits idéaux, verts et atoxiques. La présente monographie vise à présenter de façon synthétique et critique les connaissances sur les aspects de la santé, de la sécurité, de l’environnement et techniques de ces produits biotechnologiques, de manière à guider les intervenants qui sont appelés à les évaluer, à les recommander ou à les utiliser. La méthode retenue consiste principalement en une revue de la littérature scientifique et technique. Cette recherche repose aussi sur la consultation d’intervenants représentant divers secteurs d’activité et sur l’observation de quelques milieux dans lesquels les travailleurs sont exposés à ce genre de préparations.

Les biofontaines utilisent des préparations aqueuses formulées avec des bactéries de risque infectieux faible ou nul (dites de groupe 1). Elles remplacent de plus en plus souvent les fontaines traditionnelles à base de solvants, particulièrement dans le domaine de l’entretien mécanique. L’élimination des solvants y est avantageuse d’un point de vue sécuritaire et sanitaire. À l’exception d’un cas de sensibilisation respiratoire rapporté dans la littérature, aucun effet sur la santé n’a été démontré à la suite de leur utilisation. Par ailleurs, la protection de l’environnement y est renforcée puisque les bactéries transforment en grande partie les salissures organiques (huiles, graisses) en eau et en dioxyde de carbone. Cependant, certaines études montrent la présence, dans des biofontaines en cours d’utilisation, de bactéries présentant un risque infectieux modéré pour les individus (dites de groupe 2). Il est recommandé aux utilisateurs de se protéger la peau (gants, vêtements à manches longues) et les yeux (lunettes de sécurité) ainsi que de se conformer à diverses mesures d’hygiène individuelle. La génération d’aérosols est possible lorsqu’il y a utilisation de soufflettes pour le séchage des pièces nettoyées. En l’absence de données sur ce type d’exposition par inhalation, il est recommandé de rincer les pièces à l’eau avant ce séchage ou sinon de porter un appareil de protection respiratoire (APR) à pièce faciale filtrante (masque jetable) N-95. Ce travail a également permis de documenter l’utilisation de préparations bactériennes appliquées par pulvérisation. Dans ce type de situation, le port d’un APR à pièce faciale filtrante (masque jetable) N-95 serait recommandé, en l’absence de données métrologiques.

Les détergents à base d’enzymes sont largement utilisés dans les milieux de soins pour le nettoyage des instruments chirurgicaux et diagnostiques. La littérature rapporte quelques cas de sensibilisation respiratoire de travailleurs manipulant de tels nettoyants à base de subtilisine, l’enzyme la mieux documentée dans ce contexte et la seule faisant l’objet d’une valeur limite d’exposition au Québec. Il n’y a encore que très peu de données sur les niveaux d’exposition à la subtilisine ni aux autres enzymes dans ces milieux, bien que la présence d’aérosols soit possible, notamment lors de l’utilisation de soufflettes pour le séchage des instruments. En attendant que les niveaux soient mieux documentés, si l’on soupçonne la présence d’aérosols et que l’on ne dispose pas de hotte de laboratoire, notamment lors du lavage manuel des instruments, il semble approprié de recommander le port d’un APR à pièce faciale filtrante (masque jetable) et non d’un simple masque chirurgical. Par ailleurs, pour la protection contre de possibles éclaboussures, l’APR devrait résister aux projections liquides. Le port de gants, blouse à manches longues, protection oculaire, bonnet et couvre-chaussures est aussi recommandé.

Ce travail a permis en outre de documenter certaines autres utilisations de préparations bactériennes ou enzymatiques, particulièrement pour l’entretien ménager institutionnel et dans l’industrie alimentaire. On note une documentation très insuffisante sur la composition de ce type de produits, leurs utilisations, les expositions professionnelles et leurs effets potentiels sur la santé.

En ce qui concerne plus spécifiquement les nettoyants bactériens, il faut noter la possibilité qu’ils soient certifiés sur une base volontaire avec une étiquette écologique selon la norme ÉcoLogo DCC-110, qui assure que certains critères liés à la protection de l’environnement sont respectés, qu’ils ne contiennent pas de microorganismes pathogènes et qu’ils sont techniquement performants. Dans un contexte où l’encadrement réglementaire de l’utilisation de microorganismes en milieu de travail est insuffisant, l’application de cette norme doit être encouragée.

En conclusion, les nettoyants et dégraissants bactériens et enzymatiques occupent une place de plus en plus importante sur le marché. Bien que dans l’ensemble peu d’effets sur la santé en milieu de travail aient été documentés à la suite de leur utilisation, les risques existent et divers moyens de protection individuelle sont recommandés, selon les circonstances. Des études métrologiques devraient être entreprises pour documenter la nature et les niveaux d’exposition aux bactéries et enzymes dans les circonstances les plus susceptibles de générer des aérosols. Vu la nature exploratoire des données de terrain dans cette recherche, il serait important également qu’une cartographie soit établie sur l’utilisation de ces produits dans les milieux de travail québécois.

Abstract

Solvent- or tensioactive-based bacterial or enzymatic preparations for cleaning surfaces in industrial and insttitutional environments are now being marketed as substitutes for traditional degreasers and cleaners. Enzymatic preparations are also used in health care settings to clean surgical and diagnostic instruments. Aside from the safety data and technical specifications provided by manufacturers, occupational and environmental hygienists and physicians, as well as other occupational health and safety specialists, have only fragmentary data on the composition of such preparations. Moreover, these preparations are often advertised as ideal, green and non-toxic products. This monograph is meant to present a summary and critique of knowledge on the health, safety, environmental and technical aspects of biotechnological products in order to guide practitioners who must evaluate, recommend or use them. The methodology mainly consists in a scientific and technical literature review. The research also involves consultation of practitioners from various industries and observation of environments in which workers are exposed to such preparations.

Biofountains use aqueous preparations made from bacteria with low or no risk of infection (called Group 1). They are increasingly replacing traditional solvent-based fountains, particularly for mechanical maintenance. Eliminating solvents is beneficial from a safety and health perspective. Except for one case of respiratory sensitivity reported in the literature, no health effects have been demonstrated after biofountain usage. They are also safer for the environment because the bacteria transform a large part of the organic contaminants (oils, greases) into water and carbon dioxide. However, some studies indicate the presence of bacteria presenting a moderate risk of infection for individuals using biofountains (called Group 2). Users are advised to protect their skin (gloves, long-sleeved clothing) and eyes (safety goggles) and follow individual hygiene measures. Aerosols may be generated when blowers are used to dry the cleaned parts. As there is no data on this type of inhalation exposure, users are advised to rinse the parts with water before drying or to wear an N-95 filtering face-piece respirator (FFR) (disposable mask). This research also documented the use of spray-applied bacterial preparations. In the absence of metrological data, wearing an N-95 face-piece respirator (disposable mask) is recommended in these conditions.

Enzyme-based detergents are widely used in the health care industry to clean surgical and diagnostic instruments. The literature reports several cases of respiratory sensitivity in workers handling subtilisin-based detergents, subtilisin being the best-documented enzyme in this context and the only one subject to an exposure limit value in Québec. There is still very little data on levels of exposure to subtilisin or other enzymes in these environments, although aerosols may be present, particularly when blowers are used to dry instruments. Pending better documentation of exposure levels, if aerosols are suspected to be present and there is no laboratory hood, particularly during manual washing of instruments, it seems advisable to recommend wearing a face-piece respirator (disposable mask) rather than a simple surgical mask. In addition, to protect against potential splashes, the respirator should be resistant to liquid projections. Wearing gloves, a long-sleeved smock, eye protection, cap and shoe covers is also recommended.

This work also documented other uses of bacterial or enzymatic preparations, particularly for institutional housekeeping and in the food industry. There is very insufficient documentation on the composition of products like this, their uses, occupational exposures and potential health effects.

Concerning bacterial cleaners more specifically, it should be noted that they may be voluntarily certified with an environmental label in accordance with EcoLogo Standard CCD-110, which ensures that they comply with environmental protection criteria, contain no pathogenic micro-organismes and are technically efficient. In a context where the regulatory framework for use of micro-organisms in the workplace is insufficient, the application of this standard should be encouraged.

In conclusion, bacterial and enzymatic cleaners and degreasers are increasingly prominent on the market. Although, overall, few workplace health effects have been reported following their use, there are risks and various individual protection measures are recommended depending on the circumstances. Metrological studies should be done to document the nature and levels of bacteria and enzyme exposure in conditions most likely to generate aerosols. Considering the exploratory nature of field data in this research, a mapping should also be done on the use of such products in Québec workplaces.

ISBN

9782896317400

Mots-clés

Détergent aux enzymes, Enzyme detergent, Dégraissant, Degreasing agent, Évaluation du risque, Hazard evaluation, Nettoyage, Cleaning, Aérosol, Aerosol, Protection de l'environnement, Environment protection, Matériel médical, Medical equipment, Consigne de sécurité, Safety rule, Recommandation, Directive, Subtilisine, Maxatase, Subtilisin, CAS 9014011, Biofontaine, Nettoyant bactérien

Numéro de projet IRSST

2010-0052

Numéro de publication IRSST

R-829

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