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Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2014

Langue

Anglais

Résumé

Avec le vieillissement de la population, la demande de soins palliatifs (SP) de fin de vie est croissante et les services de santé s’organisent. Au Québec, les SP de fin de vie sont surtout intégrés aux soins curatifs et on retrouve peu d’unités de SP spécialisées. Ces soins s'incorporent alors aux soins à domicile ou à ceux dispensés dans les unités de soins spécialisés en centre hospitalier, comme l’oncologie et les soins critiques. Les infirmières y jouent un rôle majeur. Selon ce choix organisationnel, les infirmières vivent un contexte de travail particulier, car elles ont à prodiguer, dans un temps restreint, à la fois des soins curatifs parfois complexes et à la fois des SP de fin de vie (approche mixte). Dans ces milieux où la visée curative domine, la mort est souvent perçue comme un échec. Cette situation crée des sources de stress et d’insatisfaction au travail chez les infirmières qui doivent conjuguer avec des deuils multiples et des morts difficiles. Elles peuvent vivre des conflits de valeurs et une souffrance éthique. S’ajoutent à cela d’autres facteurs de stress, comme le manque d’autonomie et l’intensification du travail, ce qui peut affecter leur satisfaction au travail et leur bien-être.

Dans un contexte de pénurie de ressources humaines et d’un problème grandissant d’attraction et de rétention des infirmières, il s’agit là d’un constat préoccupant puisque l’insatisfaction et le taux de roulement élevé risquent de compromettre la qualité des soins. À la lumière de ces constats, il devient de plus en plus nécessaire de tenir compte de la capacité d’adaptation et de la satisfaction des infirmières lors de l’organisation de services et de l’élaboration de programmes de SP. Le but de ce projet est d’améliorer le contexte dans lequel les SP de fin de vie sont prodigués. Cinq études ont été menées afin d’identifier les problèmes qui prévalent dans ce secteur de la santé et de suggérer des pistes d’actions.

ÉTUDE 1. Une étude sur les facteurs de stress infirmier dans les unités des soins intensifs

Objectif : Décrire les éléments stresseurs vécus par les infirmières prodiguant des SP de fin de vie en unités de soins intensifs (USI) dans différents centres hospitaliers (CH) du Québec.

Méthode : Cinq sites de trois régions du Québec ont été sélectionnés pour représenter une diversité de CH et d’USI en termes de localisation (urbain ou rural), d’organisation de soins et de services (USI ouverte ou fermée) et de statut (universitaire ou non). Un échantillon de 42 infirmières (jour, soir, nuit, rotation) a été recruté. Dix groupes de discussion ont eu lieu.

Constats : Les éléments stresseurs liés à la pratique infirmière en SP de fin de vie à l’USI sont nombreux. Ils peuvent être divisés selon les trois catégories suivantes : organisationnelle, professionnelle et émotionnelle.

ÉTUDE 2. Une étude ergonomique du travail dans le contexte des soins de fin de vie en USI

Objectifs : Décrire la prestation des SP de fin de vie à partir d’observations directes en USI et explorer ce qui influence la satisfaction au travail des infirmières.

Méthode : Trente quarts de travail sont observés. Deux des cinq sites de la première étude sont sélectionnés.

Constats : L’analyse ergonomique du travail met en évidence plusieurs lacunes en ce qui a trait à la prestation des soins de fin de vie. Les infirmières apparaissent peu impliquées dans le processus de décision et le travail n’est pas vraiment organisé pour la fin de vie. Les soins de fin de vie semblent négligés et les ressources — temps, espace, formation, protocole — sont inadéquates. L’analyse fait toutefois ressortir que ce qui peut constituer une source de difficulté peut aussi, sous d’autres conditions, devenir une source de satisfaction au travail.

ÉTUDE 3. Une étude sur les éléments stresseurs moraux et les dilemmes éthiques en USI

Objectifs : Approfondir les éléments stresseurs moraux, préciser les dilemmes éthiques ainsi que leur relation avec la souffrance éthique et mieux comprendre le processus de résolution de ces dilemmes.

Méthode : Entrevues individuelles avec 28 infirmières (mêmes critères de sélection que pour la première étude.

Constats : Les infirmières décrivent des éléments stresseurs moraux et vivent les dilemmes éthiques suivants : a) la perception d’acharnement thérapeutique; b) les arrêts de traitement et les perceptions d’euthanasie; c) l’impuissance face à la souffrance de l’autre; d) le manque de respect de la volonté du patient; e) le mensonge sur l’état du patient.

La présente étude met en relief la solitude de l’infirmière lorsqu’elle se retrouve face à un dilemme éthique en contexte de fin de vie. Les infirmières ne bénéficient pas d’espace de discussion pour recréer le sens au travail, se réfugiant du coup dans un silence qui peut durer plusieurs années. Ces situations de dilemmes éthiques créent une souffrance éthique.

ÉTUDE 4. Une étude sur les conditions favorables à la résolution de dilemmes éthiques

Objectif : Décrire les pratiques organisationnelles soutenant la résolution de dilemmes moraux selon la perspective des gestionnaires.

Méthode : Entrevues individuelles avec 21 gestionnaires. Mêmes sites que pour la première et la troisième étude.

Constats : L’analyse du discours des gestionnaires illustre leur impuissance et suggère peu de pistes de solution. Le développement d’une compétence éthique par le biais d’un programme de formation systématique pourrait constituer un levier pour atténuer la souffrance éthique au travail.

ÉTUDE 5. Une étude sur un modèle de stress en soins palliatifs permettant de mieux comprendre la satisfaction au travail et le bien-être des infirmières

Objectifs : Bonifier le modèle de stress (demandes/ressources) élaboré dans le cadre de travaux antérieurs et vérifier la capacité du modèle enrichi à expliquer la satisfaction au travail et la détresse des infirmières qui prodiguent des SP de fin de vie.

Méthode : Étude populationnelle, corrélationnelle et transversale.

Critères d’inclusion : Membres de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) ; travailler au Québec et pratiquer en soins palliatifs, à domicile, en oncologie ou en soins critiques (N= 751).

Constats : Le modèle obtenu soutient les conclusions des quatre études qualitatives susmentionnées. Il intègre plusieurs concepts clés : la reconnaissance de l’autonomie de l’infirmière, la qualité du travail d’équipe, l’accès à des ressources humaines qualifiées et le soulagement de la détresse globale du patient et de la famille. Il permet d’expliquer plus de 80 % de la satisfaction au travail et 40 % de la détresse. Le manque de ressources humaines arrive en tête de liste lorsqu’il s’agit de rendre compte de la satisfaction au travail et de la détresse des infirmières. Enfin, le sens au travail agit comme médiateur entre l’autonomie et la satisfaction au travail de l’infirmière. Le modèle confirme l’utilité de tenir compte de la cohérence entre les valeurs du personnel soignant et celles de l’organisation.

Des pistes d’actions sont formulées afin de mieux soutenir le personnel soignant dans le contexte des SP de fin de vie, tant sur le plan organisationnel, professionnel, qu’émotionnel.

Abstract

Because the population is aging, the demand for palliative care (PC) at the end of life (EoL) is on the rise, and healthcare services are organizing themselves accordingly. In Québec, EoLPC is mainly found in combination with curative care. There are very few facilities dedicated to palliative care; instead, it is dispensed as part of home care or in the specialized wards of hospital centres, such as oncology or critical care, where nurses play a major role. Because of this organizational choice, nurses experience a very particular work context, since they have to take a mixed approach and dispense both curative care—which can be complex at times—and EoLPC, all under considerable time pressure. In hospitals, where the primary aim is to cure illness, death is often perceived as a failure. This is a source of occupational stress and dissatisfaction for nurses, who have to deal with death frequently, and sometimes the death is a difficult one. They can experience moral conflict and ethical suffering. In addition, there are other stress factors—such as intensification of work and lack of autonomy—that can affect their job satisfaction and well-being.

Against a backdrop of labour shortages and increasing difficulty attracting and retaining nurses, these are very worrisome observations, since job dissatisfaction and high turnover could jeopardize the quality of healthcare. In light of these facts, it appears more and more imperative that nurses’ job satisfaction and adaptability be taken into account in the organization of services and development of PC programs. The aim of our project is to improve the conditions in which EoLPC is dispensed. Five studies were conducted to identify problems in this sector of healthcare and to suggest avenues for action.

STUDY 1. Study of stress factors in ICUs

Objective: To describe the stressors experienced by nurses dispensing EoLPC in intensive-care units (ICUs) in various hospitals in Québec.

Method: We selected five ICUs in three regions of Québec, taking care to ensure diversity in terms of location (urban or rural), organization of care and services (open or closed ICU) and status (university-affiliated or not). We recruited a sample of 42 nurses (day, evening, night and rotating shifts). Ten focus groups were held.

Observations: The stressors linked to EoLPC nursing in an ICU are numerous and can be grouped into three categories: organizational, professional and emotional.

STUDY 2. Ergonomic study of EoL care in ICUs

Objectives: To describe EoLPC services on the basis of direct observations in an ICU, and to explore the factors that influence job satisfaction for nurses.

Method: Thirty shifts were observed in two of the five sites used in Study 1.

Observations: The ergonomic study revealed several shortcomings in the dispensing of EoL care. The nurses seem to have little say in decisions, and the work is not organized with dying patients in mind. EoL care seems neglected; neither the protocols nor the resources (time, space, training) are adequate. The study also showed, however, that something that can be a source of difficulty can, under other conditions, become a source of job satisfaction.

STUDY 3. Study on moral stressors and ethical dilemmas in ICUs

Objectives: To gain a deeper understanding of moral stressors, to identify ethical dilemmas and their connection with ethical suffering, and to better comprehend how such dilemmas are solved.

Method: Individual interviews with 28 nurses (same selection criteria as in Study 1).

Observations: The nurses reported the following moral stressors and ethical dilemmas: (a) what they perceive as futile medical care; (b) withdrawal of treatment and what they perceive as euthanasia; (c) being powerless to relieve someone’s suffering; (d) failure to respect the patient’s wishes; (e) lies about the patient’s condition.

This study highlights the nurse’s solitude when faced with an EoL ethical dilemma. Nurses have no safe space for discussion that would enable them to restore meaning to their work, and so they retreat into silence that can last for years. In this way, ethical dilemmas lead to ethical suffering.

STUDY 4. Study on conditions conducive to the resolution of ethical dilemmas

Objective: To describe organizational practices that support the resolution of moral dilemmas, as seen from the perspective of managers.

Method: Individual interviews, n=21 managers at the same sites as in studies 1 and 3.

Observations: Analysis of the managers’ discourse reveals their powerlessness and provides little in the way of possible solutions. Developing ethical skill through a systematic training program could be one avenue for attenuating work-related ethical suffering.

STUDY 5. Study of a stress model for better understanding of nurses’ job satisfaction and well-being

Objectives: To improve the stress model (demands/resources) developed during previous research, and to determine whether this enriched model can explain the job satisfaction and distress experienced by nurses providing EoLPC.

Method: Population-based, cross-sectional study of correlations.

Inclusion criteria: Participants had to belong to the OIIQ (Ordre des infirmières et infirmiers du Québec), had to practise in the Province of Québec, and had to be dispensing palliative care, either in palliative care settings, in people’s homes, in oncology or in critical care (n=751).

Observations: The enriched model supports the conclusions of the four qualitative studies described above. It incorporates several key concepts: recognition of the nurse's autonomy, the quality of teamwork, access to qualified human resources, and relief of the patient’s and family’s suffering. The model can explain more than 80% of job satisfaction and 40% of distress, with staffing shortages topping the list of contributing factors. Finally, meaning at work mediates between autonomy and job satisfaction. The model confirms the need to take into account whether the nurse’s values are consistent with those of the organization.

Avenues for action are proposed with a view to improving support—organizational, professional and emotional—for nurses providing EoLPC.

ISBN

9782896317639

Mots-clés

Personnel infirmier, Nursing personnel, Hébergement institutionnel, Institutionalisation, Satisfaction au travail, Job satisfaction, Milieu du travail, Work environment, Stress mental, Mental stress, Éthique, Ethics, Euthanasie, Euthanasia, Organisation du travail, Work organisation, Québec, Soins palliatifs, Palliative care

Numéro de projet IRSST

0099-6050

Numéro de publication IRSST

R-846

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