Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
2014
Langue
Anglais
Résumé
De nombreuses femmes exercent le métier de manutentionnaire. À tort, on a négligé de s’intéresser à cette population parce que le métier de manutentionnaire est largement pratiqué par des hommes. Il existe des études qui ont observé des différences significatives entre les hommes et les femmes dans leurs façons d’effectuer les tâches de manutention, mais leur nombre est limité. Quoique le nombre de manutentionnaires féminins soit beaucoup moins élevé dans certains types d’activité comme le transport et la machinerie, dans d’autres secteurs comme l’alimentation et les services, les femmes constituent souvent près de la moitié de la main-d'œuvre qui, de façon occasionnelle, devra faire du travail de manutention. Il est donc pertinent d’étudier cette population. L’objectif de ce projet de recherche était de mieux comprendre ce qui différencie les femmes des hommes manutentionnaires dans leurs modes opératoires. On suppose que les modes opératoires propres aux manutentionnaires féminins expérimentés sont différents des manutentionnaires de sexe masculin.
Les données de cette étude ont été comparées à celles recueillies lors du projet expert/novice avec des sujets masculins (Plamondon et coll., 2010). Le design expérimental permettait de faire ressortir les différences entre les sexes dans un contexte de travail où la charge était la même de façon absolue (15 kg pour les deux sexes) ou la même de façon relative (hommes : 15 kg; femmes : 10 kg) sachant que les femmes démontrent approximativement en moyenne une force équivalente aux 2/3 de la force des hommes (10/15 kg = 2/3). Trois séances expérimentales ont été tenues. La première consistait principalement à évaluer les capacités physiques des sujets et à les familiariser avec les conditions expérimentales. Les deux autres séances plaçaient les manutentionnaires dans deux contextes différents. Les caractéristiques de la charge (poids, fragilité du contenant et décentrage du centre de gravité), la hauteur de saisie et de dépôt de même que l’état de fatigue des manutentionnaires sont les paramètres qui ont été modifiés pour tenter de susciter une plus grande variété de modes opératoires des participants.
Des données biomécaniques et des observations ergonomiques ont été recueillies lors de ces trois séances à partir de systèmes de mesure du mouvement, d’une grande plate-forme de forces et d’un système de mesures de l’activation des muscles. Les résultats démontrent que les femmes (15 sujets) sont moins fortes que le groupe d’hommes experts (15 sujets) et celui d’hommes novices (15 sujets), avec des mesures de force musculaire (force de levée et force des muscles du tronc) se situant entre 49 et 63 % de celle des hommes. Lors des tâches de manutention, il était aussi attendu, en regard des différences de gabarit entre les sexes, que le chargement au dos maximal (moment résultant à L5/S1) soit plus élevé chez les hommes. Toutefois, lorsque ce moment résultant était normalisé en fonction du poids du tronc, ces différences disparaissaient dans la majorité des cas. D’un autre côté, les résultats confirment que les femmes opèrent de manière différente à celle des experts masculins, en adoptant des façons de faire qui ressemblent davantage à celle des novices masculins. Pour une même charge absolue de 15 kg, les femmes ont, comparativement aux hommes experts : une durée de transfert des caisses plus longue; une inclinaison du tronc et une flexion lombaire plus élevées; une flexion des genoux moins grande au levage des caisses du sol; une vélocité angulaire du tronc plus faible; et un meilleur rapprochement des caisses. Une majorité de femmes (et de novices) ont utilisé une technique de levage très différente de celle des experts masculins, qui consiste principalement à effectuer dans un premier temps une extension des genoux et à réaliser l’extension du tronc par la suite. Cette technique pourrait induire une flexion lombaire supérieure à celle observée chez les hommes experts, mettant plus à risque les structures passives internes de la colonne vertébrale lombaire. Elle présente toutefois l’avantage d’être très efficiente sur le plan énergétique.
La manutention d’une même charge relative (hommes : 15 kg vs femmes : 10 kg) a permis aux femmes de bénéficier à la fois d’une réduction du chargement au dos et de la durée de transfert. Par contre, elles ont augmenté la distance de la caisse par rapport au tronc et cela n’a pas diminué le niveau de flexion lombaire dans la plupart des conditions. Conséquemment, l’intervention la plus directe serait de réduire le poids de la charge pour les femmes; mais cela n’affecte pas la flexion lombaire. La formation demeure une autre avenue d’intervention, mais les effets sur le chargement lombaire restent limités. Un autre type d’intervention consiste à augmenter la hauteur de saisie des caisses. Il faut retenir ici que la majorité des risques rapportés dans ce rapport ne s’appliquent qu’aux conditions de manutention où la charge est prise du sol, ce qui ne représente qu’une fraction de la plupart des tâches de manutention. En fait, les risques au dos diminuent considérablement lorsque la charge est prise à la hauteur des hanches. Ces modes d’intervention sont non seulement utiles pour augmenter la marge de sécurité au dos, mais également pour réduire l’exposition physique des manutentionnaires, hommes ou femmes.
Abstract
Many women work as material handlers, yet there has been little interest in this population because most material handlers are men. Some studies have noted significant differences in how men and women perform handling tasks, but such studies are few and far between. Nonetheless, though there are far fewer women handlers in certain sectors (transport and equipment operation, for example), in others, such as food and services, women often constitute close to half the labour force and must occasionally perform material handling tasks. It is thus important to study this population. The purpose of this research project was to gain a better understanding of the differences in how women and men handlers work. It was assumed that the work strategies of experienced women material handlers would differ from those of male handlers.
The data from this study were compared with those gathered for a study comparing expert and novice male workers (Plamondon et al., 2010). The study was designed to highlight the differences between men and women in a work context where the load was the same in absolute terms (15 kg for both sexes) or in relative terms (men: 15 kg; women: 10 kg)—given that a woman’s strength is, on average, approximately two-thirds that of a man (10/15 kg = 2/3). Three experimental sessions were held. The first consisted mainly in evaluating the physical capacities of the subjects and giving them a chance to become familiar with the experimental conditions. In the two other sessions, the handlers performed tasks in two different contexts. Load characteristics (weight, fragility and centre-of-gravity offset), lifting and deposit height and handler fatigue were modified to solicit the widest possible variety of work techniques from the handlers.
Biomechanical data were gathered and ergonomic observations were made during the three experimental sessions using motion tracking systems, a large force platform and a system for measuring muscle activation. The results demonstrate that the women handlers in our study (15 subjects) are not as strong as the expert male handlers (15 subjects) or the novice male handlers (15 subjects), with muscle strength (lifting strength and trunk muscle strength) measuring between 49% and 63% of that of the men. Given the size differences of the sexes, it was also expected that peak loading of the back (resultant moment at L5/S1) during the handling tasks would be higher in the men. However, when the resultant moments were normalized with trunk weight, these differences disappeared in most cases. On the other hand, the results show that the women worked differently from the expert male handlers, using techniques more like those employed by the novice male handlers. For the same absolute load of 15 kg, for example, the women, compared to the expert male handlers, took longer to transfer the boxes; inclined the upper body more; bent the lower back more; bent the knees less when lifting boxes from the floor; had lower trunk angular velocity; and kept the boxes closer to their bodies. Most of the women used a very different lifting technique from the expert male handlers, which basically involved extending the knees first and the upper body after. This technique can cause greater lumbar flexion than is observed in expert male handlers and can place the internal passive structures of the lumbar spine at risk. On the other hand, it is a very efficient technique energywise.
When the same relative load was handled (men: 15 kg; women: 10 kg), both back loading and task duration diminished for the women. However, the women held the boxes farther from their bodies with the smaller load, and so lumbar flexion did not decrease under most conditions. This means that the most direct method of intervention is to reduce the load carried by the women, but this will not reduce lumbar flexion under most conditions. Training is another type of intervention, but it has little impact on lumbar loading. A third possibility is to increase the height from which the boxes are lifted. In fact, most of the risks reported herein apply only under handling conditions where the load is lifted from the floor—a fraction of most handling tasks. The risk to the back drops substantially when the load is lifted from hip height. All these types of intervention not only increase the safety margin for the back but also reduce the physical exposure of handlers, men as well as women.
ISBN
9782896317097
Mots-clés
Manutention manuelle, Manual handling, Soulèvement des charges, Manual lifting, Femme, Woman, Évaluation de la capacité physique, Assessment of physical capacity, Mécanique humaine, Body mechanics, Force musculaire, Muscular strength, Posture de travail, Work posture, Charge physique, Physical workload, Différence liée au sexe, Sex difference, Expérience, Experience, Évaluation ergonomique, Ergonomic evaluation, Québec
Numéro de projet IRSST
0099-8020
Numéro de publication IRSST
R-808
Citation recommandée
Plamondon, A., Denis, D., Larivière, C., Delisle, A., Gagnon, D., St-Vincent, M. et Nastasia, I. (2014). Biomechanics and ergonomics in women material handlers (Rapport n° R-808). IRSST.